Ail, botanique
Avec l’ail, plus besoin de crier aïe et d’aller aux urgences!
L’ail ou rose puante ou thériaque des pauvre, Allium sativum L. de la famille des Liliaceae, est une plante herbacée vivace de 20 à 40 cm de haut.
Ses fleurs en ombelles blanches ou rosées sont généralement stériles dans nos régions; l’ail se reproduit par un bulbe formé de caïeux (gousses).
Son odeur forte et piquante, présente dans toute la plante, ne se révèle qu’à la déchirure de ses tissus.
Originaire du désert des Kirgis en Sibérie, l’ail a envahi le monde occidental et méditerranéen depuis plusieurs millénaires; il s’est depuis naturalisé dans le monde entier.
Indigène, l’ail des ours (Allium ursinum), en est une version sauvage. Il signale sa présence, autour de Paris ou dans les îles d’Écosse, dès le mois de mai, dans les bois et les clairières par une forte odeur alliacée. Une feuille semblable à celle du muguet et des fleurs blanches en ombelle signent la plante.
Composition chimique et usages actuels
Le bulbe d’ail contient :
– jusqu’à 75 % de glucides dans la plante sèche. On trouve notamment des oses, des osides tels que le fructosane, la pectine, le saccharose et des mucilages
– des protides représentés par :
. des acides aminés
. 17 % de protéines (albumine)
. des enzymes (alliinase et peroxydase)
– des lipides, plus particulièrement des phospholipides
– des matières minérales et principalement de l’aluminium, du brome, du chlore, du cuivre, du manganèse et du zinc
– des acides organiques dont l’acide ascorbique (vitamine C)
– des terpénoïdes, essentiellement des stéroïdes tels que le phytostérol
– des vitamines parmi lesquelles la vitamine A (rétinol), la vitamine B1 (thiamine), la vitamine B2 (riboflavine), la vitamine B3 (niacine)
– 0,1 à 0,4 % d’huile essentielle composée de :
. terpénoïdes, surtout des monoterpènes dont le citral, le géraniol, le linalol, l’alpha et beta-phellandrène
. protides : des dérivés d’acides aminés tels que l’alliine, inodore qui se transforme en allicine par action de l’enzyme alliinase
. composés soufrés : 6 % d’allylpropyldisulfide, du diallyldisulfide
– des composés thiocyaniques : thiocyanate d’allyle
– des antibiotiques : garlicine, alisine
L’odeur particulière de l’ail et la plupart de ses propriétés sont dues à la présence dans le bulbe d’une essence sulfurée dont le principe actif, l’allicine, manifeste une forte action antibactérienne et surtout antifongique avec une action particulièrement nette sur les dermatophytes et les levures pathogènes (Candida).
L’ail montre en outre des propriétés antivirales et antipyrétiques.
C’est également un vermifuge efficace.
Les propriétés hypoglycémiantes de l’ail sont connues depuis longtemps. Elles ont été vérifiées sur le rat diabétique.
L’ail est aussi un anti-hypertenseur : il a un effet vasodilatateur sur les vaisseaux periphériques, d’où son action bénéfique dans la sclérose cérébrale. On lui reconnaît de plus des activités anti-coagulantes et diurétiques.
C’est également un hypocholestérolémiant. Une alimentation suffisamment riche en ail pendant plusieurs jours diminue l’agrégation plaquétaire humaine d’où l’intérêt du remède comme antiagrégant plaquettaire dans la prévention des thromboses et des artérioscléroses.
La plante est reconnue pour son action sur le système digestif, en tant que carminatif, dépuratif, cholérétique et stomachique.
Elle est également sudorifique et expectorante et présente une activité anti-asthénique.
L’ail possède par ailleurs un intérêt comme anti-prurigineux et serait un remède anti-psoriasis efficace.
Usages alimentaires
La poudre d’ail et le bulbe frais sont très utilisés comme condiments.
L’huile essentielle est utilisée comme arôme dans les boissons non-alcoolisées, les gélatines, les viandes, les graisses, les huiles et les soupes avec une dose d’utilisation inférieure à 30 ppm.
Usages pharmaceutiques
On l’utilise en cas de toux, de rhume, de bronchite chronique et de coqueluche. Il est recommandé contre l’hypertension et l’artériosclérose.
Il entre également dans la composition de traitements contre la diarrhée, la dysenterie et la tuberculose.
L’ail est traditionnellement utilisé dans le traitement des troubles circulatoires mineurs.
Usages cosmétiques
De part ses propriétés antifongiques, l’huile essentielle d’ail possède une action bénéfique anti-pelliculaire. C’est également un antiseptique et un anti-parasitaire.
On peut de plus l’utiliser comme rubéfiant.
On a aussi montré sa toxicité pour les larves de certains moustiques, l’ail posssède donc un pouvoir insecticide.
La fraction hydrosoluble est dotée de propriétés purifiantes.
Ces propriétés font de l’ail un excellent actif pour des produits capillaires, plus particulièrement pour le traitement des états pelliculaires et des cheveux gras.
Usages traditionnels
L’ail est une plante panacée depuis la plus haute antiquité. Il assure tonicité et longue vie. Protecteur il repousse les forces de l’enfer, la dent des bêtes féroces et les épidémies les plus dévastatrices : jusqu’à Pasteur son emploi fut le seul moyen de prévenir les maladies contagieuses.
L’ail détruit les bactéries pathogènes, les champignons, certains virus, et même les larves de certains moustiques.
L’ail, en cures, est un excellent hypotenseur populaire, il est recommandé dans la sclérose cérébrale et sa consommation régulière prévient les accidents cardio-vasculaires.
Selon le Talmud, elle garantit à l’homme la fertilité de sa semence.
Il soigne aussi rhume, coqueluche et bronchite chronique.
En application externe on peut soigner les cors au pied avec de l’ail mais attention alors à sa causticité : protégez la peau alentour.
L’ail est utilisé en cuisine aussi bien dans le nord de la France (ail fumé) que dans le Midi. Si vous craignez le relent antisocial de ce grand aromate que les grecs appelaient « la rose puante », il vous suffira de croquer après le repas quelques graines de cardamome ou un grain de café.
L’ail des ours contient des biocatalyseurs de la vitamine C avec une action antibactérienne. Au printemps il contient également une substance à caractère d’hormone qui provoque des contractions de longue durée sur l’utérus. On l’utilise dans les cas d’artériosclérose et d’hypertension, c’est un bon dépuratif de printemps qui est censé nettoyer l’estomac, l’intestin, le sang, les sinusites, la furonculose, l’eczéma et les oxyures, remédier à l’anémie et à la bronchite. La pharmacopée allemande, dont il fait partie, estime ce sauvage plus actif qu’Allium sativum.
Folklore
Grand protecteur , l’ail était chez les grecs réservé aux célébrations des mystères d’Hécate : les participants se gavaient d’ail et sacrifiaient des animaux dont ils remplaçaient les viscères par des gousses d’ail : ceux-ci, placés au long des routes, étaient censés détourner la hargne de la divinité infernale.
A l’inverse il était interdit de pénétrer dans le temple de Cybèle, mère des dieux de l’Olympe, à qui avait mangé de l’ail.
Croire que l’ail ait la faculté d’absorber le mal est universel : en Europe centrale il défend des vampires ; Circé, magicienne, le donne à Ulysse en talisman ; les femmes enceintes en portent une gousse dans leur poche pour éloigner toute influence néfaste qui pourrait atteindre l’enfant en gestation ; il fait partie du bagage du marin et du légionnaire.
Quand les gladiateurs s’enduisaient le corps d’ail frais avant de combattre une bête féroce, employaient-ils celui-ci comme talisman, fortifiant ou repoussoir pour les empêcher d’être dévorés ?
Recettes
Ailloli
Ingrédients
20g de mie de pain rassis
50g de lait
4 jaunes d’oeuf
1 grand verre d’huile d’olive
2 cuillérées à café de jus de citron
4 gousses d’ail
Sel, poivre selon
Prenez un morceau de mie du volume d’un petit oeuf. Imbibez-le de lait. Exprimez et rejetez l’excès de liquide par compression dans la main. La mie de pain mouillée favorisera la genèse de l’émulsion.
Ajoutez les jaunes d’oeufs. Versez une cuillère à café d’huile. Mélangez le tout. Procédez ensuite comme pour une mayonnaise en versant l’huile beaucoup plus rapidement.
Goûtez : rectifiez le sel, ajoutez le poivre.
Gardez cette sauce au frais.
Quelques gouttes d’eau tièdes peuvent rattraper un aiolli qui tourne.
Aubergines à l’arménienne
Ingrédients
4 belles aubergines
1 tête d’ail
1 bouteille d’huile de friture
1 tasse de vinaigre de vin
Enlevez la queue des aubergines (attention, ça pique!), ne les lavez pas, essuyez-les. Coupez-les en tranches parallèles à la longueur, larges de 3 mm environ.
Scarifiez les deux faces avant de les saupoudrer de sel fin.
Entassez-les ainsi préparées sur une grande assiette bien plate, recouvertes d’une assiette posée à l’envers et laissez-les dégorger plusieurs heures.
Préparez un bain de friture dans une large poêle.
Les tranches d’aubergines, soigneusement essorées dans un torchon, y seront jetées et leur cuisson conduite jusqu’à l’acajou clair.
Égouttez-les et tenez-les au chaud ; les tranches seront alors parsemées d’un hachis d’ail très fin (1/2 cuillerée à café par tranche) tempéré d’un filet de vinaigre.
Ce hors-d’oeuvre délicieux et de saveur inconnue en France se mange aussi bien chaud que froid.
Pesto
Ingrédients pour 4 personnes
2 gousses d’ail
10 branches de basilic frais
30 g de pignons
4 branches de persil
20 g de gros sel
200 g d’huile d’olive
150 g de fromage râpé (parmesan ou chèvre sec et piquant)
Pilez dans un mortier ail, basilic, persil, sel et pignons.
Ajoutez l’huile d’olive peu à peu jusqu’à l’obtention d’une émulsion.
Ajoutez alors le fromage râpé.
Cette composition c’est le “pesto” de Gênes.
Mais des préparations cousines se trouvent en Provence sous le nom de “pistou”. Il s’y trouve plus d’ail, et on omet les pignons et le fromage. La “soupe au pistou” est une grosse soupe de légumes et de pâtes, à laquelle on ajoute à la dernière minute une émulsion d’ail, de basilic et d’huile d’olive.
Elle est souvent agrémentée de fromage râpé.
On peut y ajouter des tomates fraîches concassées…
Les variations sont infinies.
Le pesto est une excellente sauce pour les pâtes. Essayez-le aussi sur du bulgur ou du pilpil tièdes : un vrai délice d’été !
L’aïgo boulido
Ingrédients
12 gousses d’ail
1/2 litre d’eau
3 feuilles de sauge
sel
Mettez l’eau à bouillir. Écrasez les gousses d’un coup de poing sur une lame de couteau posée à plat. Jetez les gousses dans l’eau bouillante et laissez frémir 20 minutes. Otez la casserole du feu, ajoutez la sauge, laissez infuser 3 minutes. Buvez le tout à petites gorgées. Mettez-vous à la diète jusqu’au lendemain.
Cette préparation est le parfait remède familial à une simple indigestion, même à la redoutable tourista.
Ce même bouillon versé en fouettant sur un jaune d’oeuf, légèrement salé, agrémenté de petits croûtons, sera un délicieux potage. Les provençaux servent cette préparation après les lourds repas qui célèbrent la fin de l’année.
Moretum
Ingrédients
un peu de rue fraîche
coriandre fraîche
4 têtes d’ail
fromage frais
huile d’olive
sel
“Simyle arrache 4 têtes d’ail à la gaine épaisse, cueille la coriandre gracile et la résistante rue.
Puis il va s’asseoir à la chaleur de l’âtre et réclame à grands cris un mortier, y dépose les gousses, sale à la volée, ajoute le fromage frais et les herbes pour finir.
Alors, il travaille vaillamment du pilon et mêle tous les sucs. Une âcre odeur lui chatouille le nez ; il grimace, il essuie d’un revers de main les larmes sous ses yeux, et couvre de jurons le mortier qui n’y peut rien. L’ouvrage prend tournure ; dans le mélange épais, le pilon tourne mollement.
Simyle verse alors de l’huile goutte à goutte, ajoute un filet de ninaigre fort, mêle à nouveau le tout et le travaille derechef. Enfin, avec deux doigts, il fait le tour du mortier pour en vider le contenu.
La servante, de son côté, a défourné les miches. Le voilà paré contre la faim pour la journée. Il chausse joyeusement ses guêtres, enfonce son bonnet, attelle sous le joug ses taureaux dociles et parcourt les champs.”
D’après Virgile
Tourte d’ail (recette médiévale)
“Prends l’ail, épluche-le et fais-le bouillir ; quand il est cuit, mets-le à tremper dans l’eau froide. Ensuite écrase-le, ajoute le safran et beaucoup de fromage, qui doit être frais, du lard haché, des épices douces et fortes. Délaye avec des œufs et ajoute des raisins secs. Ensuite fais la tourte.”
Ingrédients :
pâte brisée
250g de farine
125g de beurre
sel et eau en proportion
5 têtes d’ail
200g de poitrine de porc fraîche ou salée
300 g de fromage frais bien égoutté et pressé
3 œufs
80 g de raisins secs
1 dizaine de filaments de safran
sel (si vous avez utilisé du lard frais non salé) ou à votre goût
1 cuillerée à café de chacune des épices suivantes en poudre : clous de girofle, noix muscade, cannelle, gingembre, poivre
Préparez la pâte quelques heures auparavant ou même la veille, et réservez au frais.
Epluchez l’ail et faites-le cuire dans l’eau bouillante pendant un quart d’heure. Egouttez et mettez-le à tremper dans de l’eau froide. Pilez les gousses d’ail cuites, puis ajoutez le fromage, le lard préalablement haché, les épices, le safran, les œufs et les raisins secs lavés. Bien lisser le mélange.
Faites une abaisse de pâte et foncez un moule à tarte. Versez l’appareil, couvrez d’une seconde abaisse de pâte en soudant bien les bords.
Faites alors cuire à four chaud (200°) pendant 3/4 d’heure à 1 heure.
Comme l’ail est cuit, il ne domine pas ; le goût est fin et équilibré entre ail, safran et fromage.
Tartines d’ail des ours
Ingrédients
ail des ours frais, feuilles et fleurs
pain de seigle en tranches
beurre salé
Ciselez les feuilles d’ail des ours.
Beurrez les tartines et installez dessus le hachis d’ail. Agrémentez chaque tartine d’une fleur séparée de sa tige.
Délicieux hors d’oeuvre rustique, gage de santé printanière.
Odeur de l’ail
Si vous craignez de mangez de l’ail pour son odeur antisociale vous pouvez, préparant vous-même votre nourriture, écraser la gousse dans un mortier avec le gros sel nécessaire à la préparation.
Vous pouvez remplacer l’ail qui farcit le gigot par des feuilles de sauge ou encore, comme les patriciens romains, le remplacer par de la livèche ou de l’ache toutes deux ceuillies dans votre jardin bien sûr.
Vous pouvez à la fin d’un repas à l’ail offrir à vos convives des grains de cardamome décortiqués sur une jolie soucoupe : croqués après le repas ils combattent très efficacement l’odeur de l’ail.
Culture de l’ail
L’ail pousse en sol riche, bien drainé, au soleil.
Elle accepte tous les climats tempérés mais sa qualité et son goût peuvent varier énormément d’une région à l’autre.
On plante les “ caïeux ” d’octobre à janvier tous les 10 à 12 cm.
On récolte l’ail 6 mois plus tard, en août-septembre, après dessèchement des feuilles.
Les bulbes se conservent d’une saison à l’autre, au sec, suspendus en tresses dans un local aéré.