Partis politiques et syndicalisme au XIXe

radicalisme

Congrès radical à Nancy octobre 1907

Le radicalisme

Le mot vient d’Angleterre où il désigne l’aile gauche des whigs, ceux qui voulaient, avec Stuart Mill, maintenir l’économie de marché mais réglementer l’héritage, source d’injustes inégalités. Et en Allemagne, au début du XXe siècle, il évoque ceux qui vont jusqu’au bout de leur pensée et de sa mise en pratique, fussent-ils socialistes : Rosa Luxemburg est alors « radicale ».

Mais c’est en France que le radicalisme s’est implanté politiquement sur le long terme. Il désigne d’abord un état d’esprit libéral, laïc, progressiste, audacieux, hérité de la Révolution. Gambetta est radical sous l’Empire ; Clemenceau domine l’extrême gauche radicale à la Chambre au début de la IIIe République, sans se soucier beaucoup d’un groupe parlementaire qui n’a pas de programme réel.

Cette absence facilite des évolutions fort diverses, manifestes au temps du boulangisme et pendant l’affaire Dreyfus. Une partie des radicaux, à Paris notamment, évolue vers le nationalisme et/ou se lie aux milieux financiers.

Il est temps de créer un Parti républicain radical et radical-socialiste. C’est chose faite en 1901. Camille Pelletan en résume l’héritage et les objectifs : « Nous sommes les fils de la grande révolution de 1789. Nous défendons l’autonomie des individus et la propriété privée, mais nous sommes contre tout cléricalisme et hostiles aux concentrations financières. »

Le parti est composé de comités électoraux et d’associations diverses. Pas de syndicats cependant, pas de bourses du travail, le monde ouvrier en tant que tel est exclu de ce réseau. Mais les ouvriers sont aussi des électeurs. Champions de la discipline républicaine au deuxième tour des élections, les radicaux rêvent de constituer, et si possible de diriger, le bloc des gauches. Et leur diversité n’a pas disparu. Ce mélange d’idéologie et d’économie que le radicalisme met au service du politique fait et fera encore longtemps à la fois la force et la faiblesse du radicalisme.

Le socialisme

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Le Socialisme, caricature

Le foisonnement des penseurs et des « écoles » socialistes et communistes donne naissance à des réseaux d’adeptes convaincus et, dans le cas d’Etienne Cabet, à une organisation, de type politique, qui groupait vers 1845 quelques milliers d’adhérents. De Proudhon à Marx et à leurs admirateurs, des fabiens et des socialistes chrétiens anglais à Sorel et à Jaurès, la pensée socialiste ne va cesser de se déployer en Europe, et ailleurs.

Le socialisme entre en relation avec le mouvement ouvrier. Il intègre la notion de classe sociale. A travers les sections de l’Association internationale des travailleurs, des socialistes d’écoles différentes tiennent des congrès, élaborent des analyses, des positions et des programmes, agissent de façon plus ou moins solidaire.

Il faudra attendre le Congrès de Londres de la Deuxième Internationale en 1896 pour que soient définis les « principes essentiels du socialisme », ceux auxquels doivent adhérer les associations qui seront invitées aux prochains congrès : « Socialisation des moyens de production et d’échange ; union et action internationales des travailleurs ; conquête socialiste des pouvoirs publics par le prolétariat organisé en parti de classe. »

La dernière partie de cette résolution était destinée à éliminer les anarchistes et, avec eux, les syndicats, en particulier français qui étaient nombreux.

Les partis socialistes se développeront au début du XXe siècle, mais le seul vrai parti de masse sera le Parti social démocrate allemand (SPD) qui, en 1914, comptera plus d’un million de membres dont 175 000 femmes.

Lassalle, Prussien avant tout

Compagnon de Marx en prison, Lassalle sera longtemps pour lui un ami et un soutien financier. Pourtant, Marx et Engels « le tenaient dans le présent pour un ami peu sûr, dans l’avenir pour un ennemi certain. » Ils acceptent mal sa défense des intérêts prussiens avant tout et le soupçonnent d’être un agent de Bismarck contre le radicalisme bourgeois.

La rupture est consommée quand il fonde l’association générale allemande des travailleurs en 1862, le premier parti socialiste en Europe. Dans son programme, il veut lutter pour l’autonomie du prolétariat face à la bourgeoisie, pour le suffrage universel, pour la création de coopératives de production.

Son parti aura une audience limitée, mais ses idées influenceront longtemps le mouvement socialiste allemand.

La SFIO, combien de tendances ?

Oui, nous parlons de l’époque de la création en 1905 de la Section Française de l’Internationale Ouvrière. Le mouvement socialiste français est riche en tendances diverses  ; entre les guesdistes, les vaillantistes, les possibilistes, les allemanistes et les indépendants, un premier regroupement s’est opéré : Parti socialiste de France, Parti socialiste français. L’Internationale à Amsterdam les invite à s’unir ; les jeunes pèsent en faveur de l’unité.

En avril 1905, les délégués des partis et des fédérations autonomes « affirment leur commun désir de fonder un parti de lutte de classes qui… reste toujours un parti d’opposition fondamentale et irréductible à l’ensemble de la classe bourgeoise et à l’Etat qui en est l’instrument. »

La « non-participation » aux gouvernements bourgeois ne sera pas remise en question. Mais toute lutte politique réelle impose des alliances et le parti, favorable à la « discipline républicaine », souhaiterait la voir étendue au groupe parlementaire.

1879:  L’Immortel Congrès et la fondation du Parti Ouvrier

Après les congrès ouvriers de Paris et de Lyon, celui qui se tient en 1879 à Marseille marque un tournant : l’influence du collectivisme s’est développé en France. Jules Guesde diffuse ses théories dans l’hebdomadaire L’Egalité, ce qui lui vaudra d’être obligé de rédiger en prison Programme et adresse des socialistes révolutionnaires français.

A la différence des modérés, amis de Barberet, les anarchistes sont ralliés au collectivisme. Le congrès consacre l’aspect international de la question ouvrière, reconnaît la grève comme moyen de lutte, préconise la nationalisation des capitaux privés et leur transformation en capitaux collectifs, impersonnels et inaliénables ». La rupture avec les radicaux entraîne alors la création d’un parti de classe, le premier en France, le Parti ouvrier : la Fédération du Parti des Travailleurs Socialistes de France. Le programme rédigé par Jules Guesde sera la charte du parti, après son adoption au congrès du Havre.

1870 : Congrès de Paris

1878 : Congrès de Lyon

1879 : Congrès de Marseille : L’immortel Congrès – Jules Guesde –

1880 : Congrès du Havre

Le manifeste du parti communiste: février 1848

Le marxisme

Comme « marxiste », « marxisme » a d’abord été forgé par les adversaires de Marx dans l’Association internationale des travailleurs, le Français Paul Brousse par exemple. Très vite, certains de ses partisans la reprennent à leur compte, malgré les réserves de Marx : « Moi, je ne suis pas marxiste » (1882). Ils lui donnent alors un sens positif. Ainsi, le jeune socialiste allemand Karl Kautsky, qui fonde en 1883 Die Neue Zeit, revue théorique non seulement du Parti social démocrate allemand, mais de tous ceux qui, dans les années 1880 se réclament de Marx. Pour Kautsky, « le socialisme marxiste n’est pas autre chose, en dernière analyse, que la science de l’histoire ».

Alors, le marxisme, un privilège allemand ? Non. Des textes de Marx sont diffusés et vulgarisés jusqu’en 1914 à travers toute l’Europe, à partir de l’Allemagne souvent, il est vrai. Et aussi vers le nouveau monde, l’Australie, le Japon, en somme les pays où se développe, selon des rythmes divers, le processus de formation du capital, où apparaît, plus ou moins, une classe ouvrière.

On traduit, on publie des « abrégés », on diffuse des textes en feuilleton dans la presse, on répère et on intègre à la parole socialiste des slogans d’une robustesse messianique. Le rôle des exilés politiques est souvent majeur dans ces entreprises de conviction intellectuelle : Genève, Londres, Paris, autant de foyers rayonnants.

A la fin du XIXe siècle et après la « crise révisionniste » qui revêt des couleurs différentes en Allemagne avec Bernstein, en Italie avec Croce, en France avec Sorel, en Russie avec Strouvé, à des stratégies politiques différentes correspondent de plus en plus des argumentaires différents.

Le marxisme n’est plus « nu », on dit « marxisme vrai » ou « marxisme orthodoxe » ou encore « marxisme révolutionnaire ». Le temps est venu des marxismes et du maintien de la tradition critique, chère au père fondateur.

La lutte des classes

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l’ouvrier: dire que j’aurai peut-être cette gueule-là… (L’Assiette au Beurre)

Similitude de vie, de travail et d’intérêts matériels et moraux : sur cette définition des classes sociales, chrétiens et marxistes seraient assez d’accord. Mais alors que le pape Léon XIII prédit l’union des classes, les marxistes, eux, sont persuadés que l’antagonisme des classes est un fait scientifiquement établi, un moteur de l’histoire.

« L’histoire de toutes les sociétés jusqu’à nos jours n’a été que l’histoire des luttes des classes » -Marx, Manifeste du Parti communiste, 1848-. Les violents affrontements qui opposent un peu partout ouvriers et dirigeants, n’excluent pas de grandes réconciliations au nom de l’intérêt général, autre valeur profonde du siècle. Colonisation, développement industriel, guerre défensive, provoquent la solidarité et le front commun.

En Angleterre, après les très dures émeutes d’ouvriers chartistes, les Trade-Unions souhaitent trouver place dans un pays auquel son Empire apporte la prospérité : les revendications seront essentiellement salariales.

Aux Etats-Unis, le mouvement ouvrier fortement influencé par les anarchistes, évolue avec l’AFL vers la négociation contractuelle, voire la solidarité d’entreprise.

En France, l’influence du syndicalisme révolutionnaire dans la CGT, l’appel à la grève ouvrière en cas de menace de guerre, n’empêchent pas les dirigeants socialistes et syndicalistes de se retrouver, avec les masses populaires, dans l’union sacrée, à l’heure du danger.

Il reste que nulle part l’intégration sociale des classes ouvrières n’est acquise. Pourtant, le XIXe est bien le « siècle où la lutte des classes n’a plus donné aux sociétés humaines des frissons à fleur de peau, mais les a saisies aux entrailles mêmes » (Jaurès).

Le syndicalisme

« …Le caractère distinctif de l’époque de la bourgeoisie, est d’avoir simplifié les antagonismes de classe. » – Marx – Engels, Manifeste du parti Communiste (1848) –

En 1862, les mutations de l’économie et de la société réclament une réponse de toutes les classes sociales qui se sentent agressées dans leur environnement, leur travail, leur mode de vie et de pensée. Tout naturellement, il leur vient l’esprit associatif. La classe ouvrière, en prenant conscience de son existence, la classe possédante pour conserver son pouvoir. Se réunir, s’entraider, mais aussi lutter pour conquérir ou garder les positions acquises.

C’est chez les ouvriers qualifiés que se sont formés les premiers militants, qu’ont été définis les premiers objectifs et conquises les premières victoires ; en Grande-Bretagne, en raison de son avance économique et des résistances qui ont entraîné les formes nouvelles de l’industrie. En France, la légalisation des syndicats attendra 1884, elle sera refusée au Japon de 1900 et 1945, c’est tout de même une exception.

Surtout n’imaginons pas, avant 1914, de belles constructions bien régulières. Nés, à la base d’une réaction de défense, souvent d’une grève qui a besoin de porte-parole, les syndicats ont des options différentes : rassembler certes pour améliorer les conditions de travail, mais faut-il combattre pour l’émancipation des travailleurs, de la classe ouvrière, contre le patronat et en visant à son abolition, sans même parler des syndicats crées par un patron pour faire pièce à l’organisation née spontanément. Catholiques et protestants, réformistes, révolutionnaires se déchirent et il est bien des manières d’être révolutionnaire.

La percée syndicale commence, y compris chez les ouvriers non qualifiés et bientôt dans le tertiaire. Partis et syndicats, un débat difficile auquel, malgré des mots d’apparence simple, aucun mouvement ouvrier n’a de solution simpliste. On ne peut même pas dire : aux syndicats, les luttes économiques, aux partis, les luttes politiques. Où mettrait-on le social. Indépendance, subordination, rien ne colle au réel. En Allemagne, les syndicats dirigés par les socialistes, sont dits neutres. En Angleterre, le parti travailliste se constitue à partir de syndicats non socialistes. En France, c’est la charte d’Amiens. A la veille de la guerre, le syndicalisme et c’est l’essentiel, est devenu, sauf pour l’Europe, en Russie, un phénomène de masse..

Les autres formes de solidarité subsistent, coopératives de consommation et de production, sociétés de secours mutuel, les organisations de type culturel, d’autant que la restructuration de l’industrie détruit et disperse la base militante et ainsi l’affaiblit. Seuls, les mineurs résistent et, plus nombreux, restent forts.

Quand le conflit survient en 1914, les forces ouvrières (1 million de syndiqués, plus de 5 .000 coopératives, près de 100 journaux professionnels) ne feront pas de séparatisme social : elles répondront sans hésitation à l’appel de la nation menacée.

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