Le cheval blanc de Paul Gauguin

Le cheval blanc - Paul Gauguin

Le cheval blanc - Paul Gauguin - Musée d'Orsay

Arabesques et motifs hippiques

« C’est un cheval blanc piaffant dans une rivière et des cavaliers dans le fond ou des chevaux sous bois », voilà comment Monfreid a baptisé cette toile de Gauguin.

Quelle est la couleur du cheval blanc de Gauguin ? Rose, non c’est celle du sentier, bleu, celle de l’arbre, orange, celle des reflets, rouge, alors, non, Vert !!! Posés en aplats, montés en courbes qui se chevauchent sous de longues sinueuses végétales. Comment la composition perce-t-elle le mystère de la vie maorie ?

1898 – 140 cm x 91,5 cm

Sujet

En dépit de ses difficultés financières toujours cuisantes et de son état de santé de plus en plus précaire à la date où il peignit ce tableau, Gauguin donne ici une image paradisiaque de Tahiti; un cheval blanc boit dans une rivière, tandis que deux cavaliers s’arrêtent sous bois dans une nature tropicale luxuriante. C’est l’âme primitive de l’île que le peintre donne à voir avec cette toile, une Tahiti qui semble restée vierge et où l’homme serait en parfait accord avec la nature. Tahiti réelle ou Tahiti rêvée ? « Mais quelquefois, la nuit, des éclairs sillonnaient l’or de la peau de Tehura… » Cette phrase de « Noa noa » résume bien la premier voyage de Gauguin à Tahiti, le second  sera sous le signe de Pahura , tout aussi jolie que la précédente mais qui elle l’accompagnera jusqu’à sa mort. C’est le deuxième paradis et le deuxième enfer, mais c’est à ce moment que Gauguin réalise ses plus grandes œuvres, notamment cette immense toile « Ou allons nous… », «  Et l’or de leur corps », « Vairumati », e t c… Le cheval blanc est de 98 ; c’est une des toiles les plus paradisiaques certainement, mais l’atmosphère a changé dans les œuvres de cette deuxième période polynésienne; Gauguin revient, et le retour sera définitif, il est entré dans le monde Maori, il n’a plus à le découvrir, il en parle la langue, il en fait presque partie. Retrouvant ce monde qu’il ne quittera plus, la distance qu’il a mise entre la civilisation et lui devient irrémédiable, ceci apparaît dans les toiles de la dernière période où il donne le sentiment d’avoir traversé un miroir, non pas qu’il soit totalement immergé dans la monde maori, mais plutôt qu’il ait atteint un lieu de l’intériorité par lequel sa vision du monde s’est transformée en s’agrandissant jusqu’à atteindre à l’enchantement absolu qu’il était allé cherché à l’autre bout du monde.

On sait que Gauguin lors de son premier voyage visita une partie de l’île de Tahiti à cheval, et que par la suite il utilisa fréquemment ce mode de locomotion. Ici dans « le cheval blanc » l’animal est semble-t-il une composante du paysage même si il sert de monture. Sans doute Gauguin fait-il allusion à un moment de promenade ou de voyage dans l’île, c’est un moment d’arrêt, le cheval blanc boit l‘eau de la rivière, les cavaliers sont entièrement nus, ce qui évoque bien sûr l’univers du paganisme. C’est ici le lien entre l’humain et la nature que le peintre veut faire apparaître ; sous la forme d’une fusion paradisiaque où l’animal devient le lien presque musical entre l’homme, le végétal et l’élémentaire.

A première vue ce tableau paraît le fruit d’une rêverie indéterminée ; pourtant son organisation complexe, comme nous allons le voir, permet d’y discerner beaucoup d’éléments thématiques qui permettent de penser que cette rêverie est peut-être le fruit d’un instant précis ,celui d’une sorte de révélation.

Composition

Une verticale et deux diagonales. Une verticale : la jambe gauche du cheval blanc et la verticale de la branche. Une diagonale : de l’oreille du cheval blanc à la tête du cavalier de droite. Une autre diagonale : la branche d’arbre qui traverse la toile de droite à gauche.

Une dernière ligne suit la jambe postérieure gauche remonte verticalement  en suivant une branche jusqu’en haut du tableau ;Il s’agit donc d’une étoile à cinq branches.

A cette composition par des lignes s’ajoute une composition par masses de couleurs qui se superposent selon des plans étagés de bas en haut. L’espace est saturé, il n’y a pas de ligne d’horizon. La composition est très décorative.

Couleur, Lumière

La scène se passe dans un sous-bois, dans une semi obscurité. La lumière vient de la gauche et transperce difficilement la végétation. Elle se traduit par des tâches claires (l’éclair jaune sur la cuisse de la cavalière de gauche, les tâches blanches sur le dos et l’encolure du cheval blanc). Gauguin est un grand coloriste. Il use volontiers de couleurs irréelles pour traduire une sensation. Ainsi un des chevaux est rouge, complémentaire du vert. « Mais le cheval est vert » devait dire à l’artiste le commanditaire de l’œuvre qui la refusa. Le cheval blanc, dans l’ombre, est devenu vert. Les éclats de lumière sur l’eau bleu marine sont orangés, la couleur complémentaire du bleu. Gauguin utilise la couleur comme élément de composition mais aussi pour ses capacités expressives et décoratives.s

Matière, forme

La couleur est posée en aplats qui délimitent des plages cernées de traits plus foncés. Dès l’époque de Pont-Aven, en 1888, il avait abandonné la technique impressionniste de la juxtaposition des touches de couleur qu’il avait apprise de Pissarro. Cette technique de l’aplat donne à cette peinture un caractère décoratif très prononcé caractéristique des œuvres du second séjour à Tahiti. Les formes délimitées par des lignes sinueuses sont tout en courbes. A l’encolure inclinée du cheval blanc répond la rondeur de la croupe du cheval rouge. L’arbre tropical, très japonisant, sinueux comme une liane.

Le cheval blanc, par l’audace de son coloris, sa composition décorative, ses contrastes de valeurs, traduit le mystère de la vie maorie.

Extrait des analyses plastiques réalisées pour le CD-Rom Secrets d’Orsay

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