« Vive l’Empereur »
Depuis le 17 février 1852, la presse est muselée. Les préfets sont prévenus : « Le gouvernement vous demande de ne pas hésiter à prémunir les populations contre ceux dont les tendances connues ne seraient pas dans l’esprit des institutions nouvelles ». Il importe que le gouvernement éclaire les électeurs sur les candidats recommandables.
10 mai : le clergé bénit les aigles distribués à l’armée.
19 octobre : « L’Empire c’est la paix ».
L’Empire se veut social, se dit démocratique.
7 novembre : la dignité impériale est rétablie dans la personne de Louis Napoléon Bonaparte.
21 et 22 novembre : par 7 824 189 oui, 253 000 non et 2 000 000 d’abstentions, le peuple français accepte l’Empire.
« La France a répondu à l’appel loyal que je lui avais fait. Elle a compris que je n’étais sorti de la légalité que pour rentrer dans le droit ».
2 décembre : installation de l’Empereur aux Tuileries après l’entrée solennelle par l’Arc de triomphe.
Le suffrage universel ne sera jamais remis en cause juridiquement, malgré le coup d’Etat du 2 décembre -Louis Napoléon Bonaparte profite alors d’une popularité plebiscitée- ; il sera pratiqué pendant toute la IIIe République pour l’élection des députés à la Chambre.
Les discussions se focalisent sur le mode de scrutin. Moteur de l’action politique, reflet de l’évolution de la société, chaque type de scrutin représente l’expression d’une époque.
Le plus classique est uninominal majoritaire à deux tours. « Au premier tour on choisit, au second tour on élimine. » Il est longtemps resté en vigueur, permettant les coalitions mais encourageant également la lutte des personnes au détriment de celles des idées, favorisant ainsi les « magouilles ».
On peut lui opposer la représentation proportionnelle, plus équitable, au risque de se trouver face à une assemblée ingouvernable, sans majorité.
Bonaparte Charles Louis Napoléon, empereur
1808 (Paris) – 1873 (Chislehurst, Kent)
Troisième fils de Louis Bonaparte, frère de Napoléon Ier et roi de Hollande, et de Hortense de Beauharnais, fille du premier mariage de Joséphine l’impératrice, Charles Louis Napoléon Bonaparte connaît l’exil dès son enfance.
Formé aux idées révolutionnaires par son précepteur, capitaine d’artillerie de l’armée helvétique, Louis Napoléon se sent à l’époque républicain dans l’âme et continuateur des idées développées dans le Mémorial de Sainte-Hélène comme le principe des nationalités.
Il participe en Italie au soulèvement des Romagnes contre le pape, il est expulsé de la péninsule italienne. Toutes les actions qu’il mène ensuite en France : complot contre la monarchie de Juillet, coup de main de Strasbourg avec quelques officiers, conjuration de Boulogne, échouent avant d’avoir commencé. A la suite de la dernière, il est arrêté et emprisonné. Enfermé à perpétuité au fort de Ham, il s’en évade après six ans de saines études au cours desquelles il lit beaucoup : Saint-Simon, les économistes, les socialistes et écrit une Histoire de l’artillerie et L’Extinction du paupérisme.
Il rentre après la Révolution de 1848, mais, bien qu’élu dans quatre départements, il reste discret. En revanche, sa propagande l’est moins et, peu à peu, il impose à l’opinion publique cette aura impériale qu’il tient de la dynastie. Il rassure les conservateurs effrayés, bénéficie de nombreux appuis dans l’armée, rallie les ouvriers sensibles à son discours social.
C’est sur ce « quiproquo » – selon Victor Hugo – qu’il est élu triomphalement président de la République.
Le quiproquo continue quand les conservateurs, qui ont gagné les élections, pensent qu’ils le manipuleront aisément.
Le coup d’Etat du 2 décembre 1851 y met fin ; le plébiscite qui suit lui donne une approbation massive, et la constitution de 1852 des pouvoirs très étendus.
Le rétablissement de l’Empire est proche ; un nouveau plébiscite consacre la dignité impériale rétablie par le Sénat.
Charles Louis Napoléon Bonaparte est proclamé Empereur le 2 décembre 1852.
Et c’est seul qu’il entend gouverner.
« Dressé au secret par la pratique des conspirations », l’homme est énigmatique : pour les uns, dépourvu de sens moral, sans respect pour le droit et plein de dédain pour les hommes, pour les autres, charmant, généreux et tout sauf cruel. Pour les uns, un aventurier, pour les autres, un homme du XXe siècle.
Il sent toutefois la nécessité d’une évolution dans le sens du progrès ; il n’est ni réactionnaire par principe, ni partisan de l’immobilisme par crainte du changement. Au contraire, s’il est entouré de gens souvent douteux, il sait laisser faire les gens compétents.
Son but : « fermer l’ère des révolutions en satisfaisant les besoins légitimes du peuple » -proclamation du 2 décembre 1851. Aussi défend-il, au nom du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, l’existence des nationalités, pour une nouvelle carte de l’Europe, il souhaite le libre échange pour défendre le pouvoir d’achat des masses et en politique intérieure il veut asseoir son régime sur le suffrage universel, garant de la souveraineté nationale à laquelle aspirent tous les Français.
Le plébiscite de mai 1870 approuve l’évolution de l’Empire vers un régime plus parlementaire par 7 358 000 oui contre 1 572 000 non.
A l’annonce des résultats, Napoléon III dit à son fils : « Mon enfant, tu es sacré par ce plébiscite » et, au Corps législatif : « Nous pouvons maintenant envisager l’avenir sans crainte « .
Trois mois plus tard, c’est la chute brutale. Les armées françaises battues par les armées allemandes unifiées, l’Empereur capitule et la République est proclamée le 4 septembre 1870.
1831 : complot contre la monarchie de Juillet
1836 : coup de Strasbourg
1840 : conjuration de Boulogne ; il est emprisonné à vie au fort de Ham
1846 : évasion en Angleterre
1848 : élu député, puis Président de la République
1851 : coup d’Etat du 2 décembre
1852 : Napoléon empereur
1854 : guerre de Crimée
1858 : attentat d’Orsini
1859 : campagne d’Italie
1860 : rétablissement du droit d’adresse
1867 : rétablissement du droit d’interpellation
1870 : défaite de Sedan