1853: Le Japon s’ouvre à l’Occident malgré lui

Le Japon en 1853

Le Japon en 1853

Le gouvernement américain, pour conforter sa position commerciale en Chine, souhaite depuis un certain temps avoir des bases au Japon. Il envoie le commodore Perry au Japon en 1853.
Le gouvernement russe, pour maintenir sa pression diplomatique dans la région, veut régler la situation des Kouriles et de Sakhaline.
Les Russes obtiennent la promesse d’être privilégiés si le Japon, d’aventure, ouvrait ses ports aux bateaux étrangers.
Les Américains, plus aventureux, font une démonstration navale appuyée dans la rade de Yedo -les populations sont affolées- et font parvenir une lettre au Shôgoun. Huit mois plus tard, ils viennent chercher la réponse et obtiennent l’ouverture de deux ports. Bien qu’ils soient en pays perdu, c’est un progrès.
Les Britanniques et les Russes obtiendront les mêmes avantages.
Le Japon s’ouvre lentement à l’Occident et au commerce. Et même si les conséquences premières s’expriment par des troubles : courant xénophobe, mouvements révolutionnaires, cette effervescence sort le Japon de sa léthargie.

THE220ALe Japon au XIXe siècle

Jusqu’au milieu du XIXe siècle, le Japon vit dans une relative quiétude et un certain isolement, défendant sa sécurité face aux Russes et n’entretenant avec l’Occident que des relations avec les Pays-Bas.
Après le voyage du commodore américain Perry, les puissances occidentales souhaitent développer le commerce (1859). Mais dès 1863, l’empereur souhaite le départ des Occidentaux. Des incidents ont lieu avec la marine américaine et l’on assiste à des réactions françaises et anglaises.
Les différentes influences et les conflits d’intérêts sur les privilèges des marchands rendent la situation intérieure inextricable, au moment de la révision des tarifs douaniers en 1866, et entretiennent la guerre civile. Le renversement du shogun, la proclamation du « retour à l’ancienne monarchie », la loyauté des armées seigneuriales conduisent à la formation d’un nouveau gouvernement qui annonce le début d’une ère nouvelle Meiji (politique éclairée).
THE220bVient alors l’ère des réformes; réforme administrative : les anciens fiefs sont abolis et redécoupés en départements, les usines deviennent des usines d’Etat, le yen devient la seule monnaie, la création de la Banque du Japon, en 1882, assainit l’organisation financière, réforme de l’impôt : le foncier remplace les redevances (1872). L’industrialisation dans les années 1880, puis la promulgation de la première Constitution japonaise (1889) parachèvent la transformation du pays.
Les difficultés intérieures incitent à l’expansion extérieure : guerre contre la Chine, occupation de la Mandchourie, intervention en Corée et à Formose renforcent la cohésion nationale, permettent de nourrir la révolution industrielle (minerai de fer importé de Daye) et de trouver de nouveaux débouchés (textiles). Enfin, le traité de Portsmouth met fin à la guerre russo-japonaise sous les bons offices des Etats-Unis.
A la veille de la guerre de 1914-18, s’achève l’ère Meiji qui, malgré une fin assombrie par la répression et une atteinte aux libertés civiques, a permis à l’Empire d’assimiler le système capitaliste, de favoriser un renouveau culturel, et de bâtir un enseignement primaire, secondaire, et universitaire de qualité.

 

L'ère Meiji au Japon

L’ère Meiji au Japon

1868: L’ère Meiji, une politique éclairée

Une révolution vient de s’accomplir au Japon : le Mouvement national qui se développe a entraîné la démission du shogoun, aussitôt acceptée par les députés. Voilà une révolution bien débonnaire ! Elle ne l’est qu’en apparence.
Les Japonais se trouvent en réalité fort divisés, et sur de nombreuses questions : celle de la civilisation occidentale, celle de la présence des étrangers au Japon, celle de la liberté commerciale soumise au contrôle américain.
A la mort de l’empereur Kameï, son fils Yoshihito lui succède sous le nom de Taishô-Tenno. La proclamation du retour à l’ancienne monarchie conduit à l’intronisation du nouvel empereur qui prend le nom de Meiji (qui signifie « politique éclairée »). Il restera jusqu’en 1912 : c’est la période dite de « l’ère Meiji », période d’ouverture aux autres nations mais aussi période de nombreux conflits.

 

La guerre russo-japonaise

La guerre russo-japonaise

La guerre russo-japonaise et la révélation d’une nouvelle puissance

La guerre russo-japonaise, le heurt entre l’impérialisme séculaire de la Russie et la jeune ambition expansionniste des Japonais aura pour conséquence l’affaiblissement du régime tsariste (révolution de 1905) et la révélation d’une nouvelle puissance : le Japon.
Ce sont les difficultés intérieures de la Russie et les problèmes financiers du Japon qui ont poussé les belligérants à la négociation. La médiation américaine sera acceptée par les deux parties et la courte victoire du Japon sera scellée par le traité de Portsmouth (5 septembre 1905).

 

James Abbott McNeill Whistler: Variations en violet et vert, 1871

James Abbott McNeill Whistler: Variations en violet et vert, 1871

Le Japonisme

« L’ouverture des ports japonais au commerce européen a exercé une énorme influence sur les arts européens, … ici enfin on trouvait un art vivant, un art populaire, dans lequel tradition et talent artistique demeuraient intacts, et dont les productions étaient d’une diversité attrayante et pleines d’une grande vigueur naturaliste. » -Walter Crane, Of the Decorative Illustration Book, Old and New, Londres 1896-
Les puissants en Europe possédaient autrefois des « cabinets de porcelaine » dans lesquels ils pouvaient montrer leurs collections venant d’extrême-orient. En 1870, c’est à un Français, Philippe Burty, qu’on attribue l’invention du mot « japonisme », expression du nouvel engouement de l’Europe dans les années 1850-60 pour l’art japonais.
Bing, le célèbre marchand d’objets japonais dont la boutique parisienne est située 22 rue de Provence, crée une revue le Japon artistique qui parle aussi de l’art chinois, dans le but de donner aux arts appliqués européens un coup de fouet et d’originalité. L’exposition, qu’il organise en 1890 à l’Ecole des beaux-arts, rassemble des centaines de gravures sur bois ; c’est un franc succès. A partir de là, le commerce d’art japonais prend son essor.
Des céramistes comme Théodore Deck, ou la manufacture de Sèvres (Félix Bracquemond), Gallé et les frère Daum reconnaissent cette influence dont le Portrait d’Emile Zola par Manet peut être considéré comme la vivante profession de foi (1867-68). Portraits de femme en kimono, romans, pièces de théâtres sont là pour rappeler cet enthousiasme pour l’Extrême-Orient et particulièrement le Japon. Toulouse-Lautrec collectionnent les objets japonais et surtout les estampes.
A partir de 1855, les arts du Japon sont présents à toutes les Expositions universelles. A celle de 1900 en particulier, le pavillon japonais remporte un grand succès. L’Art Nouveau et les symbolistes s’empareront, eux aussi, -après les impressionnistes qui s’étaient appropriés cette technique de libération- de cette forte présence en en exploitant les symboles et le graphisme. C’est la revalorisation du décoratif, du mouvement pour le mouvement, de l’instantané, du fugitif.

 

Le japonisme.- publicité pour S. Bing dans le catalogue illustré du salon de 1887

Le japonisme.- publicité pour S. Bing dans le catalogue illustré du salon de 1887

Bing Siegfried dit Samuel, marchand français
1838 (Hamburg) – 1905 (Vaucresson)

Né en Allemagne, installé en France après 1871, naturalisé français en 1876, Samuel Bing est un commerçant avisé qui tient magasin rue de Provence : Art chinois et japonais d’abord, puis « Nouveau Style »; agent de Tiffany, il sera l’un des premiers à promouvoir ce qu’on appellera « L’Art Nouveau ».
Pour Bing, le professionnel éclairé, l’expression « Art Nouveau » ne signifie pas plus que « industrie d’art » : il a commandé en tant que marchand, des vitraux d’après des cartons de peintres français, des ensembles mobiliers à Van de Velde et George Lemman.
Il est très violemment critiqué pour son cosmopolitisme : « Tout cela sent l’Anglais vicieux, la juive morphinomane ou le Belge roublard, ou une agréable salade de ces trois poisons ». Edmond de Goncourt se plaindra dans son Journal de ce « délire de la laideur ».
Cela n’empêche pas Bing d’accueillir aussi des expositions de peinture : les Nabis, Seurat, Signac, Toulouse-Lautrec et Rodin. En 1896, il expose Munch, ce qui lui vaut un article de Strindberg dans La Revue blanche. Au pavillon de l’Art Nouveau à l’Exposition universelle de 1900, apparaît  la création d’un Art Nouveau typiquement français : « Il faut, dit-il, se réimprégner de la vieille tradition française, retrouver sa grâce, son élégance, sa logique et sa pureté ; lui donner de nouvelles formes, comme si le fil n’était pas rompu… »

1875 : voyage en Chine
1888-91 : Bing publie Le Japon artistique
1895 : ouverture de la galerie rue de Provence, « Salon d’Art Nouveau »
1893 : mission aux Etats-Unis et rapport La Culture artistique aux Etats-Unis », publié en 1896

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