La comédie de moeurs au XIXe

Daumier, les spectateurs de théâtre

Daumier, les spectateurs de théâtre

Sous le Second Empire, le théâtre, selon le mot de J.R. Bloch,  » fait l’inventaire de la nouvelle société » à travers la comédie de mœurs : l’argent, la famille . Mais la vulgarité étouffe la poésie, le cabotinage appauvrit l’art dramatique. Seuls les dieux du boulevard sauvent un théâtre peinturluré de sensiblerie morale, miroir fidèle d’une société bourgeoise hypocrite.
Heureusement, les procédés et les recettes les plus éculés n’empêcheront pas des expériences généreuses. Le Théâtre Libre d’Antoine défend un jeu naturaliste, l’idéal pour l’acteur étant « de jouer comme si la scène n’était pas ouverte du côté de la salle. » Antoine parle sur scène comme dans la vie, « tenue, allure, gestes, expressions, tout était vrai, saisissant. » Parfois, il tourne le dos au public.
Le rêve va pouvoir renaître, l’excès de matérialisme va accoucher d’un courant poétique. Les Revenants, d’Ibsen, puis Le Canard Sauvage, sont « un coup de tonnerre dans la scène de France ». On reproche à Antoine d’incarner l’extrême-gauche de la littérature.
Les peintres, qui sont allés prendre l’air, vont peindre des décors de théâtre et y apporter un peu de la fraîcheur qu’ils ont trouvée dans la nature. Les expériences étrangères franchissent les frontières et donnent du punch aux expériences hexagonales.
Paul Fort, rejetant le naturalisme d’Antoine, écrit : « Le monde du théâtre est plongé dans le naturalisme quand arrive le symbolisme. » Il se tourne vers les poètes élisabéthains.
Lugné-Poe adapte Ubu. Paul Fort déclare : « Jarry nous apportait vraiment quelque chose. » Tel le phoenix renaissant de ses cendres, le Théâtre de l’Œuvre va renaître des ruines du Théâtre d’Art.

Le gendre de Monsieur Poirier de Émile Augier

Le gendre de Monsieur Poirier de Émile Augier

1854, Le gendre de Monsieur Poirier Le mariage du sac et du parchemin

Sur le marché matrimonial, quand un sac (nouveau riche) rencontre un parchemin (noble ruiné), cela donne les histoires du Gendre de Monsieur Poirier: Monsieur Levrault, drapier enrichi, donne sa fille à un aristocrate désargenté, le marquis de Larochelandier.
Emile Augier remporte un franc succès avec ses pièces sur la « lutte des classes » de style aimable : le gentilhomme vend son nom, le bourgeois apporte sa fortune et l’on essaie de faire bon ménage.
Ces pièces écrites par un bourgeois, pour les bourgeois, font fureur sous le Second Empire, mais ce type de comédie de mœurs un peu limité meurt avec la chute de Napoléon III.

Les Corbeaux de Becque

Les Corbeaux de Becque

1882, Les Corbeaux de Becque : Tout noir

La famille anéantie par la mort est prostrée. Alors la loi entre en scène avec les corbeaux redoutables et avides, les noirs, les sinistres, les impitoyables corbeaux. Ils s’abattent sur le nid dont ils ont savouré auparavant la tiède douceur et ils en partagent les débris.
Le réalisme de la pièce Les Corbeaux est terrible parce qu’il est simple, triste comme une vie qui débute par un idéal et s’achève dans la désillusion.
Quand la pièce est montée à la Comédie Française, les abonnés lui font grise mine et la critique autorisée, redoutant les audaces de Becque, ne lui reconnaît pas de talent. Il faudra attendre le succès de La Parisienne, d’une toute autre veine (plus enjouée) pour que l’auteur conquière la notoriété.

Le voyage de Monsieur Perrichon de Labiche

Le voyage de Monsieur Perrichon de Labiche

Labiche, le grand maître du rire

Une idée juste, du naturel, et beaucoup de gaieté, voilà les secrets d’un vrai succès que vient d’obtenir avec Le Voyage de Monsieur Perrichon en 1860, Eugène Labiche, « le grand maître du rire, notre premier producteur de gaz hilarant » au théâtre. -Emile Augier-
Observant avec lucidité l’ascension des classes moyennes (son public même s’il ne l’épargne pas dans ses comédies), Labiche raconte l’histoire de ce carrossier, à peine retiré du commerce, inaugurant par un voyage de plaisir en Suisse la vie de loisirs qu’il s’est conquise à grand-peine. Madame et mademoiselle Perrichon l’accompagnent, la première de mauvais gré, la seconde avec ivresse. Un premier voyage en Suisse !
Quant à Monsieur Perrichon, lui, le plus ahuri du monde, il se heurte aux changements de la société moderne qu’il découvre dans une gare de chemin de fer. Pêle-mêle surgissent quiproquos, extravagances et excentricités jusqu’à l’absurde. Un comique très français, difficile à traduire qui fait apparaître Labiche comme un précurseur de la dérision.

 

Folies Bergères

Folies Bergères

1860: Le café du sommier élastique

Vous trouverez Le café du sommier élastique dans les dépendances du grand magasin de literie de la rue Richer, c’est une scène éclectique où l’on donne des opérettes. Cette scène connaît un succès relatif jusqu’au jour de 1870 où l’intelligent monsieur Sari ajoute un promenoir au théâtre, pour en faire un établissement spécial qui tient du café-concert par ses consommations et son orchestre.
Son répertoire courant se compose de ballets, de pantomimes, d’exercices de gymnastique et d’exhibitions de toutes natures ; son promenoir, où se coudoient les petites dames les plus connues du quartier Breda, a le privilège d’attirer tout le clan des étrangers de passage dans la capitale, ce qui fait des Folies bergères « le véritable turf de la galanterie parisienne ».

Emile Augier

Emile Augier

Augier Emile, auteur dramatique français
1820 (Valence) – 1889 (Croissy-sur-Seine)

« Augier est le poète sans idéal et sans profondeur. C’est essentiellement le poète du bourgeois. Il rend heureux. » – Barbey d’Aurevilly –
Il rend heureux, mais d’un bonheur un peu étriqué, celui d’une bourgeoisie montante – celle du Second Empire – dont la morale assez terre à terre manque d’élévation et d’universalité.
Ecrivain d’une mode et d’une classe, Augier écrit des pièces qui ne résistent pas aux exigences du temps, malgré leurs qualités de construction et d’observation : une école du bon sens en rupture avec le romantisme, mais qui ne survivra pas à son époque.

1844 : La Ciguë
1848 : L’Aventurière
1849 : Gabrielle
1854 : Le Gendre de Monsieur Poirier
1855 :Le Mariage d’Olympe – Ceinture dorée
1857 : Académie française
1858 : Les Lionnes pauvres
1859 : Un beau mariage
1864 : Maître Guérin
1861 : Les Effrontés
1862 : Le Fils de Giboyer
1869 : Lions et Renards
1878 : Les Fourchambault

Eugène Labiche

Eugène Labiche

Labiche Eugène, auteur dramatique français
1815 (Paris) – 1888 (Paris)
Le succès est tout de suite venu. « Je n’ai eu qu’à tirer le cordon pour entrer », dit Labiche lui-même. Issu d’une famille bourgeoise, il épouse une riche héritière et la popularité presque en même temps. Fantaisiste, fécond et d’une gaîté inépuisable, Labiche connaît toutes les ficelles du vaudeville, et les utilise toutes, même si elles sont un peu grosses. Son sujet de prédilection : le bourgeois « Je me suis adonné presque exclusivement à l’étude du bourgeois, du « philistin »; cet animal offre des ressources sans nombre à qui sait le voir »; il le transperce et s’en sert pour pousser le comique jusqu’à l’absurde. En cela il est un précurseur. « Massacres à coups de rire », dira Philippe Soupault.

1838 : La Clé des Champs, roman
1850 : Embrassons-nous Folleville
1851 : Un chapeau de paille d’Italie
1860 :  Le Voyage de M. Perrichon
1861 : La Poudre aux yeux
1862 : La Station Champaudet
1863 : Célimare le Bien-Aimé
1864 : La Cagnotte
1875 : Les Trente Millions de Gladiator
1880 : entre à l’Académie française

Henri Becque

Henry Becque

Becque Henry, auteur dramatique français
1837 (Paris) – 1899 (Paris)
Becque a fait son « théâtre pour la vérité », avec son expérience de la vie. Dès qu’il a épuisé sa réserve d’observations, il s’arrête. Il ne se serait que répété ; il préfère se taire. La Navette, Les Corbeaux, La Parisienne, un livret d’opéra ; il n’a jamais fini Les Polichinelles.
Ses personnages sont tirés de la vie parisienne sous la IIIe République. Ils sont ce que nous sommes tous ; les choses qu’ils disent, ce sont de celles qu’on dit tous les jours, couramment, sans y songer et ces choses si naturelles sont monstrueuses : la sottise, l’hypocrisie, l’égoïsme y fleurissent au milieu de l’inconscience, de l’irresponsabilité et même de la brutalité.
L’auteur ne fait pas mystère de son pessimisme. Le comique est amer, mais il est fort : il naît de ce contraste entre l’opinion que les personnages ont d’eux-mêmes et celle que les autres voient, entre ce qu’ils croient être et ce qu’ils sont. Digne successeur de Molière, même si son style est plus sec, Becque est l’initiateur de la comédie nouvelle. Il ne s’est pas borné au théâtre ; ses écrits en prose, son œuvre poétique, ses chroniques sont dignes des pièces : il y observe un absolu souci de perfection dans la forme et d’originalité dans les idées.

1878 : La Navette
1882 : Les Corbeaux
1885 : La Parisienne
1890 : Querelles littéraires
1895 : Souvenir d’un auteur dramatique
1926 : Etudes sur l’art dramatique

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