le quotidien, bien de consommation de masse
La France est le premier pays où le quotidien est devenu un bien de consommation de masse à destination de tout le pays.
A la veille de la Grande Guerre, la presse à grand tirage est multiple. Plusieurs journaux de province approchent les 200000 exemplaires par jour. Des magazines de masse apparaissent : Le Petit écho de la mode, pour les femmes, Fillette, L’Epatant ou L’Intrépide, pour les enfants.
Mais l’expression « presse à grand tirage » vise surtout ceux qu’on appelle « les quatre grands » : Le Petit Parisien, Le Petit Journal, Le Matin, Le Journal, qui totalisent chaque jour en 1914, quelque 4 500 000 exemplaires.
Dès 1836, Emile de Girardin, en lançant La Presse, premier « journal à bon marché » (en fait encore très cher) s’appuie sur des initiatives de grand avenir : vente au numéro (et non plus seulement sur abonnement), publicité payante, publication de romans-feuilletons (Eugène Sue, Balzac)
Peu à peu, le nombre de pages augmente, passant de deux à huit, et donc le nombre de journalistes. On aborde le reportage.
En 1863, Moïse Millaud crée la presse à un sou en lançant Le Petit Journal ; au format plus petit, au tirage massif grâce aux rotatives Marinoni, il comprend des rubriques de faits divers et des renseignements utiles à la clientèle populaire.
Les quatre grands ont seuls le pouvoir de traiter d’égal à égal avec l’agence d’informations Havas, et la Société générale des annonces associée à Havas depuis 1857. Ils songent même à s’entendre pour diminuer entre eux la concurrence (constitution du Syndicat central de publicité en 1914).
De violents reproches sont adressés à ces premiers médias de masse. Sous couleur d’apolitisme, ils participent souvent à la montée du nationalisme et de la xénophobie (Le Journal pendant l’affaire Dreyfus, Le Matin à la veille de la guerre). Par l’intermédiaire de la publicité avouée ou déguisée qu’ils obtiennent, ils orientent l’opinion sans le dire et mettent à jour les problèmes de la liberté totale de la presse, proclamée en 1881, dans une société où l’argent est roi.
La presse illustrée
Des raisons d’ordre technique s’opposent longtemps à la parution d’illustrations dans la presse. Ni le bois, ni le cuivre ne peuvent supporter d’importants tirages sans être peu à peu détruits par la presse. Les premières images parues dans la presse périodique le sont dans les publications de luxe, à faible tirage, les journaux de mode.
Le Cabinet des modes, bimensuel qui insère, entre deux pages de texte, une petite eau-forte coloriée à la main, peut, à ce titre, être considéré comme le premier journal illustré français. L’apparition de la lithographie et la Révolution de 1830 contribuent à la résurrection de la presse satirique -Le Charivari-.
Le coup d’Etat met un frein à cette verve satirique, mais elle retrouve une certaine vigueur sous l’Empire libéral -La Lune et ses portraits charge des principales personnalités-.
Enfin, la génération des journaux illustrés surgit le samedi 14 mai 1842, à la parution du premier numéro de The Illustrated London News, hebdomadaire d’actualité, de grand format, bon marché, à grand tirage et garni de gravures sur bois, suivi, à Paris, le 4 mars 1843, par L’Illustration qui suscite à son tour des imitateurs, L’illustrierte Zeitung à Leipzig, A Illustracao à Lisbonne et Illustrierte Welt à Stuttgart.
Se développent aussi, dès le Second Empire, une presse populaire à cinq ou dix centimes, des hebdomadaires appartenant aux grands quotidiens parisiens et provinciaux, des suppléments illustrés. On y exploite le fait divers, l’image -des gravures sur bois- y joue un grand rôle et les tirages sont considérables. En 1900, le supplément illustré du Petit Journal dépasse le million d’exemplaires. Il se développe aussi une presse de vulgarisation scientifique et, la plus lue de toutes et aussi la plus critiquée, la presse de feuilletons.
Le contenu de ces journaux ne varie guère : feuilletons illustrés, récits historiques, biographies, récits de voyage, rébus, rudiments d’économie domestique. « Si d’un coup de baguette magique, on pouvait supprimer tous les journaux illustrés à la fois, il manquerait au public non seulement un amusement, mais encore un élément d’instruction rapide et agréable. » -un journaliste du Figaro illustré-
1861 : Premier numéro du Temps, le journal qui dit la vérité
Comment « affaiblir les grands fiefs de la presse en créant de petites seigneuries ». C’est la volonté non avouée du gouvernement de multiplier les autorisations pour organiser la concurrence.
Des créations parisiennes, Le Temps est l’une des plus importantes : le premier numéro paraît le 25 avril 1861, grand journal libéral par la volonté de Auguste Nefftzer, un vétéran du journalisme qui veut un « journal protestant rédigé par des protestants et imbu de l’esprit protestant. » Son programme ? » Le programme de l’esprit moderne, la liberté… De la liberté de conscience à la liberté des nationalités, toutes les libertés sont solidaires. »
Avant tout un journal qui dit la vérité, en tous cas un grand journal sous le Second Empire et sous la Troisième République. Le Temps : environ 10 000 exemplaires.
1863: Le Petit Journal: Un sou, l’argent de ceux qui n’en ont pas
Le slogan tombe comme un coup de tonnerre ; Le Petit Journal, de petit format (30X40cm) et journal d’agrément, « met l’information à la portée de tous ; la recherche d’une actualité percutante assure son succès populaire. » « Quand vous décrivez un assassinat, montrez le sang, surtout montrez le sang, cela fait toujours monter la vente. »
Cet exploit est possible grâce aux presses à clichés cylindriques de l’Italien Marinoni ; ces nouvelles rotatives sont un spectacle que le fondateur du journal, le financier Millaud, offre gratuitement à la foule stationnée devant le rez-de-chaussée vitré de l’immeuble.
Tiré cette année-là à 38 000 exemplaires, vingt ans plus tard à 600 000, Le Petit Journal sera en 1890 le premier journal du monde à atteindre le million d’exemplaires.
Sa devise « une idée par jour »!
Emile de Girardin est un écrivain, un industriel de la presse et un brasseur d’affaires : il aime diriger un journal, il sait aussi renflouer une feuille à la dérive par amour de la presse, par goût des affaires, mais aussi par ambition politique.
Il connaît des succès foudroyants avec La Mode qu’il revend, avec le Musée des familles, premier grand hebdomadaire de feuilletons, avec le Journal des Connaissances utiles, premier organe de vulgarisation scientifique.
Surtout, en 1836, il lance avec succès La Presse, vendue 40 francs par an grâce à la publicité (le Journal des débats est à 80 f).
Républicain convaincu, exilé au lendemain du coup d’Etat du 2 décembre, Girardin renfloue le journal La France en 1874 pour le mettre au service de Gambetta. C’est à nouveau une grande réussite, et avant tout une satisfaction politique.
Une grande agence de petites annonces
Quand Charles Havas ouvre une agence en 1832, en plein quartier des imprimeries de journaux et à la proximité de la Grande Poste d’où partaient et arrivaient les courriers, c’est pour vendre aux journaux français des articles de la presse étrangère tout traduits.
En 1835, le Bureau devient Agence et a déjà 200 abonnés.
Après avoir absorbé son concurrent le Bulletin de Paris, Auguste le fils, ouvre en 1875 place de la Bourse une agence chargée d’exploiter la publicité des journaux. Cette agence est à l’origine de la Société Générale des Annonces créée en 1914.
La Semaine de Suzette lance Bécassine
La presse enfantine, au début du XXe siècle, est aux mains des éditeurs-libraires et assez limitée. Ce sont des publications de qualité moyenne et à l’audience confidentielle.
Quelques grandes réussites toutefois, dont La Jeunesse illustrée, Les Belles Images, éditées par Arthème Fayard et La Semaine de Suzette, fondée en 1905 par Maurice Languereau qui signe dans son journal du nom de Caumery les aventures de Bécassine (dessin de Jean-Pierre Pinchon), la célèbre fille niaise, servante chez la marquise de Grand-Air : un succès qui augure bien de la réussite future de la bande dessinée.
Ces journaux, au texte peu abondant, sont constitués d’images et de dessins à la couleur vive faisant appel à l’imagination ; il sont vendus quelques dizaines de centimes.
Girardin Emile de, publiciste et homme politique français
1806 (Paris) – 1881 (Paris)
Girardin, en introduisant les annonces et la publicité dans les journaux, a créé la presse moderne ; c’était en 1836. Dans le journal « Toujours en avance d’une idée, une idée par jour » telle était sa devise -il a imaginé aussi la retraite pour tous, les congés maladies, et, surtout, a milité pour la liberté de la presse, préparant ainsi la grande loi de 1881, qu’il n’a pas connue : il est mort quelques jours avant qu’elle ne soit votée.
Girardin a pleinement vécu l’aventure de son siècle, intervenant dans l’avènement, puis dans l’abdication de Louis-Philippe, aidant à l’ascension de Louis Napoléon Bonaparte, avant de participer à la fondation de la IIIe République.
La vie de cet homme contesté a été en elle-même un vrai roman, celui d’un enfant né dans une riche et noble famille, puis abandonné, qui a souffert de la pauvreté, s’est battu en duel – il a tué le journaliste Armand Carrel en 1836 -, puis a rencontré Delphine Gay, son meilleur soutien, et a connu enfin la célébrité et la fortune.
1836 : fondation de La Presse, premier journal à prix modique, accessible au grand public
1849 : il est élu député à l’Assemblée législative
1866 : il fonde le journal La Liberté
1872 : Le Moniteur universel – Le Petit Journal
1874 : il achète le journal La France
Havas Charles-Louis, homme d’affaires français
1783 – 1858
Sous Napoléon 1er, Charles-Louis Havas, fournisseur des armées impériales est un homme d’affaires prospère. La monarchie restaurée signifie pour lui quinze ans de difficultés.
En 1832, il assure la couverture des nouvelles « du dehors » en traduisant pour les journaux français les articles de la presse étrangère. C’est le début de ce qui sera plus tard l’Agence Havas. La politique étrangère est au centre des préoccupations. En 1835, Havas transforme son bureau en Agence des feuilles politiques, correspondance générale. La grande entreprise d’information est née. Les journaux ne se satisfont plus des commentaires, ils souhaitent des faits. Havas ne les diffuse pas qu’à la presse, ces faits : il a aussi une clientèle de banquiers, d’hommes d’affaires, de particuliers.
Il a des correspondants dans le monde entier. Et, pour la province, il est l’administrateur secret de la Correspondance des départements.
La mise en place de ces rouages, tels qu’ils fonctionnent jusqu’en 1930 s’accomplit sous la IIe République et le Second Empire.
Jacques-Edouard Lebey (1815-1884), un des promoteur de la publicité en France, créateur de la Société générale des annonces devient propriétaire de l’agence Havas en 1865, sept après la mort de son fondateur.
Puis le fils de Charles-Louis, Auguste Havas poursuit l’œuvre de son père, en s’associant avec Charles Laffitte en 1875 ; il ouvre une agence chargée d’exploiter la publicité des journaux. C’est la future Société Générale des Annonces qui fusionnera en 1919 avec l’Agence Havas.
Après la Seconde Guerre mondiale, les activités publicitaires auxquelles le nom de Havas reste attaché sont séparées des activités d’information reprises par l’Agence France Presse.
Personne ne lirait un journal ne contenant que des bonnes nouvelles
Essayez pendant quelque temps de n’écouter et de ne regarder à la télé et sur Internet que les bonnes nouvelles.
Faites en la liste.
Calculez le pourcentage de bonnes nouvelles par rapport aux mauvaises.
Comment pouvez-vous estimer l’écart avec le pourcentage réel d’événements heureux et malheureux dans le monde sur une semaine.
Comment rectifiez-vous le biais introduit par les media dans la vision du monde qu’ils nous donnent? Faut-il encore décider si l’absence d’événement remarquable (bon ou mauvais) est une bonne ou une mauvaise nouvelle! Dans le cas présenté sur la photo, l’absence d’événement est une bonne nouvelle! La presse, au lieu de titrer : « Des missiles en position de tir dans la région de Moscou » aurait pu titrer : « les missiles de la région de Moscou toujours gentiment sur leur base. »
Au lieu de faire les gros titres sur « Trierweiler hospitalisée », la presse aurait pu dire : « Notre président de la république est un homme merveilleusement normal: plus il avance en âge, plus ses maîtresses sont jeunes. Vive la santé amoureuse de notre président! »
2 comments for “Les débuts de la presse à grand tirage”