Dans une petite ville française…
Malgré tous les progrès du XXe siècle, la petite ville française reste bloquée…Est-ce dû au centralisme excessif des institutions de la France? Madeleine Rebérioux disait: « la petite ville, c’est le sous-préfet, le bordel et l’ennui ». Si les maisons closes ont disparu, les hôtels de la périphérie de la petite ville en tiennent lieu, j’en ai eu quelques preuves cocasses.
« Dans une petite ville française, une rivière se meurt de chaud au-dessous d’un boulevard où, vers le soir, des hommes jouent aux boules… ». Dans une petite ville française, les idées ne circulent pas plus que les hommes; les thèmes et les catégories sociales sont constants. Il faut un fait divers ou une élection pour rendre à la vie les eaux dormantes de la petite ville. Souvent, on s’ennuie.
« Le plus riche propriétaire des environs, l’homme envié de tous, un petit nombre de gens qui se tiennent au dessus des commérages, quelques marchands, deux ou trois cabaretiers, le curé et enfin Monsieur Tuvache, le maire, avec ses deux fils, gens cossus, bourrus, obtus, cultivant leur terre eux-mêmes, faisant des ripailles en famille, dévots d’ailleurs et société tout à fait insupportable. »
Monsieur le sous-préfet, parfois Monsieur le préfet : « il avait assisté à ces affaires de corruption sans cesse étouffées et renaissant toujours… et ce spectacle qui lui semblait naturel avait imprimé, dans son âme, un profond sentiment d’indulgence qu’il répandait sur tous ses administrés.
« Dans la petite ville, le marché, la foire, la fête et les comices ponctuent la vie : « ils arrivèrent ces fameux comices ; dès le matin de la solennité, tous les habitants, sur leurs portes, s’entretenaient des préparatifs…une espèce de bombarde devait signaler l’arrivée de Monsieur le préfet et le nom des cultivateurs lauréats. »
Dans la petite ville, la fabrique et la gare font naître des nouveaux quartiers : « vers la gare, viennent s’arrêter les voitures des voyageurs de commerce, s’échelonnent des restaurants pleins d’hommes poussiéreux qui regardent, avalent à la hâte une soupe grasse et des ragoûts nostalgiques ».
La petite ville a quelques fonctionnaires qui savent lire, des médecins, parfois une Ecole normale, un lycée, une caserne « qui fait marcher le commerce ». Partout, règne la confusion des rôles ; le postier est un voisin ; un cousin, le créancier ; l’église est le prêtre; l’école, l’instituteur !
La politique est partout, dit-on depuis 1879, mais les courants beaucoup sont moins accusés qu’à Paris ; les questions de personne, les querelles de clocher, les racines d’un candidat, comptent plus que son appartenance politique. Les clubs, les associations, parfois la loge maçonnique, la fanfare et les cercles, les réunions au café aident tout le monde à supporter leur morne existence.
« A ce soir où vous savez! »
« L’établissement unique, dans la petite ville, était assidûment fréquenté. Madame avait su lui donner une tenue comme il faut. Ces dames sont pour la plupart de vigoureuses et de saines campagnardes, recrutées dans la région où la race est de bonne constitution. » Telle est la petite ville, vue par Balzac, Flaubert, Anatole France, Maupassant, Aragon, Henri de Régnier.