La libre pensée, que divers courants de droite et de gauche prennent soin de distinguer de la pensée libre, est héritière des hommes de la Renaissance (Etienne Dolet), des libertins du XVIIe siècle et des voltairiens. L’héritage anglais -Discours sur la liberté de penser, Anthony Collins- et belge -sociétés de Solidaires- a aussi fortement influencé le courant de la libre pensée en France.
Elle commence à se structurer réellement sous le Second Empire ; de grandes associations de Libres-Penseurs se développent sous la IIIe République.
Être libre penseur, ce n’est pas seulement repousser les dogmes, refuser l’assistance du culte lors des grands actes de la vie, et notamment les obsèques, c’est aussi affirmer sa foi en la République, et placer au-dessus de tout la démocratie, le progrès la science. Proches parfois de la franc-maçonnerie -du moins du Grand-Orient-, les libres penseurs viennent de la bourgeoisie radicale et anticléricale, médecins, vétérinaires, pharmaciens, et des milieux populaires ruraux et urbains ; des familles socialistes aussi, à l’exclusion des guesdistes, Jean Allemane, Paul Brousse, de nombreux blaquistes ; des milieux intellectuels, Marcelin Berthelot, Anatole France, Gabriel Séailles, Ferdinand Buisson.
Mais, si le but de la libre pensée était de retirer toute espèce d’influence aux Églises, et surtout à l’Église catholique, la grande ennemie, souvent leurs cérémonies civiles restent-elles curieusement calquées sur des cérémonies catholiques, même si les banquets gras du vendredi veulent affirmer publiquement l’anticléricalisme et exprimer le souhait de la laïcisation (de l’enseignement, des cimetières, des hôpitaux et des tribunaux).
Localement, on fait son possible pour que l’espace villageois ou urbain soit épargné par les expressions sonores habituelles des cérémonies catholiques, petite guerre aux clochers, aux processions, aux soutanes qui paraît dérisoire, mais qui n’est que la réaction normale contre la « chape de plomb » -Claude Nicolet- que l’Église catholique fait encore peser sur la conscience des Français.
La Guerre de 1914 porte un rude coup aux sociétés de libre pensée ; elles se reformeront à partir de 1920. La virulence de la déclaration des évêques de France sur la laïcité, en 1925, et le renouveau de leurs prétentions redonne vigueur à un courant dont le combat contre l’Église aurait pu paraître injuste après le sacrifice de nombreux ecclésiastiques morts pour la France.
Einstein, lui aussi fait « une orgie de libre pensée », une façon de prôner la zététique face aux croyances!