Napoléon et Vercingétorix, on a les icônes qu’on peut

L’emprise de Napoléon

la légende napoléonienne

la légende napoléonienne

Trois semaines en Corse. Impossible de ne pas croiser Napoléon à chaque coin de rue.

Les polémiques se poursuivent aujourd’hui. Si on fait le bilan de son règne, soyons honnête, il semble très négatif et les grandes réformes qu’on lui attribue ont été réalisées par ses collaborateurs et sont les conséquences des idées de la Révolution. Oui mais elles étaient sa volonté, son impulsion. Alors, les Français ne cessent de rêver d’un Napoléon. Pourquoi une telle fascination pour ceux qui ont le pouvoir d’aimanter le peuple pour l’amener à sa perte? On n’est pas trop regardant sur la vie et l’oeuvre des icônes, du moment qu’elles sont des icônes. Mais ne devient pas icône qui veut.

L’emprise de Napoléon est consacrée par la littérature, l’imagerie populaire, la peinture. Chateaubriand l’avait prédit : “Vivant, il a marqué le monde, mort, il le possède.”

“L’homme de la rue trouve en lui les qualités et les puissances des autres hommes de la rue. Il le trouve un citoyen de naissance, comme lui-même, qui, par des mérites très intelligibles est arrivé à une position si dominante, qu’il a pu satisfaire tous les goûts que l’homme du commun possède, mais qu’il est obligé de cacher et de refouler.” -Emerson-
Professeur d’énergie, Napoléon est le héros parfait. Il est humain. Chacun peut projeter en lui sa volonté de puissance, son rêve de domination universelle. “Napoléon est le seul roi dont le peuple ait gardé la mémoire.” -Stendhal-
Ils aimaient un souverain parvenu qui les faisait parvenir. Pour la Pologne, il est le messie. Pour d’autres, peut-être aussi. C’est la liturgie napoléonienne. Il est italien, il est polonais, il est russe, il est l’homme du globe, l’homme le plus complet. Il a réussi la synthèse du divin et de l’humain. Il a ouvert la voie à “l’union absolue”. Waterloo, c’est le Golgotha, l’indispensable souffrance par laquelle passe la régénération. Le retour des cendres en 1840, voulu par Louis-Philippe qui entendait ainsi rattacher son règne à la Révolution sans la République, remue les cœurs romantiques et fixe la légende : c’est l’apothéose du mysticisme napoléonien.
Ce que j’ai toujours trouvé curieux c’est qu’on ait pardonné Waterloo à Napoléon et pas Sedan à Napoléon III. Sedan, le désastre le plus humiliant de l’histoire de la France, l’Alsace et la Lorraine perdues. Le second empire a englouti son honneur dans la boue de Sedan. Alors qu’à y regarder de près, la France sous le second empire, dirigée par un homme aux idées socialistes (au départ…) s’est magnifiquement développée.
Mais rien n’y fait : l’un est Napoléon le grand et l’autre est Napoléon le petit.

Vercingétorix, le Gaulois, un autre roman national

Vercingétorix

Vercingétorix

Napoléon III érige Vercingétorix au rang de héros national, en lui élevant une statue à Alix-Sainte-Reine, site supposé d’Alésia.
Les instituteurs laïques vont forger l’image de notre ancêtre, le Gaulois blond aux yeux bleus, et celle des bons druides coupant le gui et préparant l’hydromel, à défaut de cervoise. L’histoire libérale, au début du XIXe siècle -Guizot, Thierry-, avait déjà opposé à la domination des Romains, puis des Francs, les victimes, tenants de la liberté, les fils des Gaulois.
Après la défaite de 1870, il est réconfortant de se rappeler que nos ancêtres les Gaulois ont résisté aux hordes barbares. De plus, la République laïque préfère descendre des Gaulois plutôt que d’Adam et Eve. Certains, plus pointilleux, arguent que les Gaulois n’ont pas laissé de trace écrite, que les élites du peuple Arverne auraient soutenu Jules César, et que Vercingétorix, pour venger son père assassiné par les druides rebelles, fut peut-être un agent romain, un traître. Oui, on le sait les Gaulois de Vercingétorix étaient des collabos, trait de caractère assez répandu parmi les Français.
Même si cette hypothèse est sacrilège, il reste que nos ancêtres furent plutôt gallo-romains, car la Gaule fut vite romanisée. Quant à la résistance, elle n’apparaît qu’au IIIe siècle, face à la menace barbare, quand la digue romaine se craquelle. Les Gaulois étaient alors bien différents des contemporains de Vercingétorix, et assez peu conformes à l’imagerie qu’a répandue pieusement la république laïque.

Et le musée pour glorifier les exploits

Le musée

Le musée

La ville du XIXe siècle signe son importance par l’opulence et la majesté d’un nouveau bâtiment qui vient l’orner : le musée.
Cabinets de curiosité à la Renaissance, cabinets de physique amusante au siècle des Lumières, ces ancêtres du musée vont complètement se transformer grâce à la Révolution de 1789, qui veut porter à la connaissance de tous le patrimoine collectif de la Nation.
Sous Napoléon Ier, c’est une façon de glorifier les exploits de la France, car les musées sont destinés à recevoir une part du butin artistique de la Grande Armée. Les musées fleurissent un peu partout ; ce sont des sortes de bazars, d’immenses galeries ou de vastes halles où s’entassent à profusion, le long des murs ou dans les vitrines, tableaux et objets de toute nature.
Tandis que le musée du XXe siècle sera avant tout un lieu de contemplation esthétique, celui du XIXe demeure un lieu privilégié d’instruction pour tous. En ce sens il est un des plus authentiques témoins de la volonté démocratique du siècle.

Fève tonka

Botanique

Fêves tonka

Fêves tonka

Sur de grands arbres de la forêt tropicale, les rumaras poussent des fruits semblables à des mangues. Récoltés, séchés pendant un an, ces fruits libèrent 1 ou 2 graines de 4cm de long sur 1cm de large : les fèves tonka, Dipteryx odorata, de la famille des Fabaceae.
Originaire du Vénézuela, on la trouve dans les petites Antilles, ça et là : elle est vendue sur le marché de Saint Georges, capitale de l’île de Grenade.
Aujourd’hui, cet arbre est largement cultivé au Venezuela et au Nigeria.

Usages

Les fèves sont médicinales.
Elles contiennent essentiellement de la coumarine, aux effets calmants mais qui peuvent à forte dose être toxique.
Jusqu’à présent en Europe on utilisait essentiellement la fève tonka dans la parfumerie.
Depuis quelques années, on l’a introduite, à petite dose (cf. noix de muscade), dans la cuisine pour nuancer tout en douceur : une crème anglaise, un foie gras poêlé.
On l’emploie à forte dose comme “mort aux rats”.
La fève tonka est très riche en acide coumarique. Pour extraire la coumarine, on laisse tremper les fèves dans l’alcool pendant 24 heures puis on les fait sécher. Un processus de fermentation se déclenche alors au cours duquel les cristaux de coumarine se forment sur l’épiderme des graines. Cette coumarine est notamment employée comme fixateur en parfumerie.
La fève tonka a des propriétés aromatiques, cardiotoniques, narcotiques, anticoagulantes, carminatives, stomachiques et stimulantes. L’extrait obtenu à partir de la fève a été prescrit avec succès dans le traitement de la coqueluche. Il faut néanmoins l’utiliser avec prudence car, à forte dose, il peut provoquer des arrêts cardiaques.
La fève tonka dégage un arôme sucré très puissant et très caractéristique qui lui vaut d’être parfois utilisée en pâtisserie, mais son usage tend à disparaître. Elle est aussi considérée comme un substitut de l’amande amère dans certain pays.

Les chants de Maldoror de Lautréamont

Les chants de Maldoror de Lautréamont

Les chants de Maldoror de Lautréamont

Édités à Paris, en 1869, presque à compte d’auteur, distribués à vingt exemplaires, Les Chants de Maldoror n’ont été véritablement diffusés qu’après la mort du poète.
Préface à un livre futur, les Chants associent, dans de longues méditations sur le caractère étrange de l’homme, le poète, le lecteur et le héros – ce “bandit”-, “celui qui ne sait pas pleurer.”
Plus que la rébellion contre Dieu, plus que la révolte de tous les romantismes, c’est le cri de naissance de la poésie : le poème va changer la vie !
“O mathématiques sévères, je ne vous ai pas oubliées depuis que vos savantes leçons, plus douces que le miel, filtrèrent dans mon cœur comme une onde rafraîchissante.” (Isidore Ducasse – Comte de Lautréamont)

 

 

 

Lautréamont

Lautréamont

Lautréamont, Isidore Ducasse, dit comte de, écrivain français

1846 (Montevideo) – 1870 (Paris)

“C’était un grand jeune homme brun, imberbe, nerveux, rangé et travailleur. Il n’écrivait que la nuit, assis à son piano. Il déclamait, il forgeait ses phrases, plaquant ses prosopopées avec des accords.”
On ne connaît presque rien de la vie d’Isidore Ducasse. Les rares portraits sont apocryphes. Il est né, il a vécu jusqu’en 1859 à Montevideo où son père accomplit une carrière honorable de chancelier au Consulat général de France. Sa mère mourut en 1847.
“Elle fut enterrée sous son seul prénom, dans une fosse commune.”
Il fit des études au lycée de Tarbes puis à celui de Pau (1859-65) retourna peut-être à Montevideo et s’installa à Paris en 1867, vivant d’une pension confortable, à l’hôtel. On ignore tout des causes et circonstances de sa mort. Ne reste de lui qu’une correspondance relative à l’édition de Maldoror, dont la distribution fut suspendue par crainte du scandale.
“L’obsession continuelle de ce malheureux Lautréamont – évidemment un pseudonyme – est en effet le blasphème.” – Léon Bloy –
Une incompréhension épaisse entoure l’auteur de Maldoror, ce livre “magique et torturé”, étrange voisinage de la folie et de la littérature”. Bouffon ? schizophrène ? athée ? ou au contraire chercheur de Dieu ? apôtre de l’activité sexuelle primitive ? révolutionnaire et, pourquoi pas, prophète de la Commune?
“Ouvrez-le, et voilà toute la littérature retournée comme un parapluie. – Francis Ponge –
Préface à un livre futur, jamais écrit, Les Chants du Maldoror marquent une éclatante rupture avec la poésie personnelle : en ce sens c’est une “apocalypse définitive de cette œuvre”.

Etudes secondaires à Paris – préparation à l’Ecole polytechnique
1868 : parution du premier des Chants de Maldoror
1869 : parution des cinq suivants (Chants de Maldoror)
1920 : à titre posthume, Préface à un livre futur