La prostitution au XIXe siècle
Les prostituées, “ces êtres bizarres qui ne sont d’aucun monde” -Balzac-, font l’objet pour la première fois en 1836 d’une enquête sérieuse. C’est un chantre du réglementarisme, ce médecin hygiéniste (Parent-Duchatelet), qui se penche sur les effets de la prostitution dans ces villes ou affluent les prolétaires trop pauvres, trop instables pour se mettre en ménage et dont les bourgeois redoutent la violence non canalisée. Il préconise l’enfermement des “filles soumises” dans des “maisons closes”; il y voit le moyen de rendre les villes “saines et paisibles”.
Puis, sous le Second Empire, le prolétariat s’intégrant aux cités, les maisons pour “filles à numéro” se font moins nombreuses et la demande de prostitution est relayée par de nouveaux milieux.
Malgré la peur de la syphilis, les hommes mariés qui “respectent leurs femmes”, mais surtout ne veulent plus trop d’enfants, les jeunes gens de la bonne société qui font leurs premières armes avant le mariage, créent une nouvelle clientèle.
A côté des luxueuses “maisons de rendez-vous” à Paris et en dehors des courtisanes attitrées, naissent en province des lieux comme Le Panier fleuri des Beaux-Quartiers -Aragon- ou La Maison Tellier de Maupassant : “Ils s’y retrouvaient à six ou huit, non pas des noceurs, mais des hommes honorables, des commerçants, des jeunes gens de la ville… la maison était familiale…”
Pour beaucoup d’ouvrières enfin, et de plus en plus d’employées, la prostitution c’est à dire vendre son corps, c’est simplement faire le “cinquième quart de la journée”… pour survivre.
“Prenez quelqu’un…(sinon) vous ne vous en sortirez pas, c’est moi qui vous le dis.” Zola –Au Bonheur des dames–
La condition de la femme au XIXe
Aux hommes le public, la vie du citoyen, la production. Aux femmes qui n’ont pas le droit de vote, le privé, le ménage, la consommation et la famille, pivot de la reproduction de la force de travail.
Les mœurs organisent la séparation des hommes et des femmes au quotidien. L’éducation diffère suivant le sexe. Aux filles sont longtemps réservés les genoux de leur mère et ceux de l’Eglise.
Et pour le travail, à chaque sexe le sien. Parfois, les syndicats organisent eux-mêmes l’exclusion. De toute façon, le travail de la femme est toujours sous-payé, au nom du salaire d’appoint, et les naissances brisent sa continuité.
La condition de la femme bourgeoise est la pire. Tôt mariée, dans l’ignorance, souvent à un homme plus âgé, elle gère sa ou ses domestiques, mène parfois une vie mondaine, mais surtout s’ennuie et trouve un réconfort dans la religion ou l’adultère.
Le travail de la paysanne est lié à la production : cochons, basse-cour, jardin, marchés.
Reste la femme du peuple, en ville. Salariée ou non, ouvrière ou simple ménagère, elle assure les fonctions de ministre des Finances de la famille. Son pouvoir est réel, ici le fait s’oppose à la loi.
La condition de la femme change lentement. En 1861, Julie Dubié est la première à passer son bac. De nouveaux métiers s’ouvrent à la petite bourgeoisie et aux milieux populaires : journalistes (1830), demoiselles des postes, institutrices. Au féminisme des droits civils, s’ajoute celui des droits civiques et des droits sociaux. En 1900, la CGT adopte ce principe revendicatif fondamental : “A travail égal, salaire égal”.
En 1907, la femme est autorisée à exercer une profession séparée de celle de son mari et à disposer librement des produits de son travail.
La condition et les droits de la femme. Quelles limites ?
Le congrès international de la condition et des droits de la femme qui se tient en septembre 1900 n’aura pas grand effet sur les habitudes de vie et la condition de la femme dans un avenir immédiat. En dehors des revendications d’égalité qui y sont réaffirmées et d’un texte sur la journée de 8 heures qui est adopté, une proposition comme celle demandant l’assimilation des domestiques aux autres travailleurs crée des courants contradictoires.
Le courant féministe bourgeois craint que, pendant le repos hebdomadaire, les jeunes filles soient livrées à elles-mêmes et s’inquiète que l’on pousse des masses de jeunes filles à la prostitution si l’on décourage l’emploi des mineures.
La proposition sera votée grâce à l’autre courant : le courant féministe socialiste, mais ne sera pas suivi d’effet. Les freins sociologiques sont encore très forts.
Mais le congrès a pris date et c’est la dernière réunion commune entre les deux courants du féminisme français.
Quelques courtisanes et prostituées célèbres dans l’art
La Dame aux camélias d’Alexandre Dumas fils et la Traviata de Giuseppe Verdi
Olympia, d’Édouard Manet
Les Diaboliques de Barbey d’Aurevilly, parus en 1874
“Le duc de Guise de notre littérature”, ainsi parlait Lamartine de Barbey d’Aurevilly
L’ingérence du diable dans les affaires humaines se révèle dans le récit des aventures particulières, il s’incarne dans une femme : il est le projet de Barbey d’Aurevilly, moraliste chrétien et artiste.
Il s’agit d’histoires vraies, dans lesquelles l’accès de fureur ou la machination criminelle sont poussées si loin que l’inhumain côtoie le surnaturel.
Vengeance de la duchesse de Sierra Leone qui se livre à la prostitution pour ternir l’honneur du duc. Assassinat de la femme légitime par une maîtresse diabolique – maîtresse cachetée à la cire par un amant jaloux – mort de l’amante muette près de ses parents endormis.
La démarche est plus horrible que le crime.
Toute peinture étant toujours assez morale quand elle est tragique et qu’elle donne l’horreur des choses qu’elle retrace.