Le mot alchimie évoque tout de suite un personnage mystérieux, barbu de préférence, coiffé d’un bonnet, frileux et triste. On le représente toujours vivant dans une sorte de crypte ou de grenier, entouré d’un crâne posé sur une Bible, d’énormes grimoires, une cornue, un fourneau, des fioles, des tuyaux et des instruments bizarres. Parmi les plus grands qui consacrèrent leur vie à l’oeuvre hermétique, cette science occulte qu’on appelle alchimie, Arnaud de Villeneuve, Raymond Lulle, Roger Bacon, Nicolas Flamel, Paracelse.
Quelle est la différence entre l’alchimiste et le chercheur en physique des particules ou en nanotechnologies? L’escroquerie et la malhonnêteté intellectuelle: elle avait cours chez les alchimistes mais elle a aussi cours parfois chez les scientifiques? Non, la différence fondamentale est que l’alchimie confond les causes et les effets, cherche des justifications dans des esthétiques formelles et mystiques sans rapport avec l’expérimentation scientifique. L’alchimiste croit que Dieu lui révèle des secrets à travers des signes qu’il peut finalement s’inventer à sa guise . On peut toujours trouver des corrélations dans un bottin pour justifier ce qu’on veut. L’exemple de Nicolas Flamel
Paris, XIVe siècle. Nicolas Flamel est libraire, écrivain, juré, sa boutique et sa maison à l’enseigne de la Fleur-de-Lyse est située à l’angle de la rue des Marivaux et de la rue des Écrivains. Il est habile copiste et a une bonne épouse, Pernelle. Il n’aurait sans doute été qu’une petit bourgeois de Paris si un étranger ne lui avait vendu un étrange grimoire de 21 feuillets de papyrus. Les lettres latines étaient artistiquement colorées. La première page portait l’inscription suivante: Abraham le Juif, prince, prêtre, Lévite, astrologue et philosophe, à la gent des Juifs par l’ire de Dieu, dispersés aux Gaules, Salut. Ce grimoire fit de Flamel un alchimiste. Il passa de nombreuses soirées à l’étudier car, bien évidemment, les ouvrages hermétiques sont obscurs…
Évidemment il faut bien que ces ouvrages soient suffisamment obscurs pour qu’on puisse dire que celui qui les étudie n’a pas su en percer le secret ou pour camoufler le fait qu’il n’y a pas de secret mais uniquement de l’escroquerie ou encore une profonde conviction que l’auteur a d’être en possession d’une vérité révélée. Dans ce dernier cas, les neurophysiologistes pourraient sans doute expliquer cet état de confusion mentale, comme ils ont expliqué la structure musicale du Boléro de Ravel par l’accident vasculaire cérébral dont il avait été victime ou encore les voix de Jeanne d’Arc.
Ce qui est certain, c’est que les alchimistes disent tous qu’ils ont réussi leurs transmutations en or seuls ou, comme dans le cas de Nicolas Flamel, devant sa femme seule. Comme on brûlait les alchimiste à cette époque, Flamel se garda évidemment de divulguer son secret…
Tous les alchimistes souhaitaient réaliser leur Grand Oeuvre, à savoir trouver la pierre philosophale, qui leur donnerait la recette pour transmuter les métaux (surtout fabriquer de l’or!), guérir et rendre immortel.
Pour vous faire rire, voici quelques extraits d’ouvrages hermétiques
Extrait du manuscrit d’Abraham le Juif
Fils de la doctrine, je vous commande. Congelez l’argent vif, de plusieurs choses faites, 2,3 et 3,1, 1 avec 3, c’est 4,3,2 et 1. De 4 à 3, il y a 1, de 3 à 4, il y a 1, donc 1 et 1, 3 et 4 De 3 à 1, il y a 2, de 1 à 3, il y a 1, de 3 à 2, 1,1,2 et 3. Et 1,2, de 2 à 1, 1, de 1 à 2, 1. 1 donc 1. je vous ai tout dit.
Sûr que vous ne comprendriez pas plus une démonstration d’un physicien quantique relativiste! Cherchez l’erreur au-delà de l’erreur : l’endoctrinement, la croyance en une révélation.
Extrait d’un texte gravé sur une plaque d’émeraude (tombe d’Hermès dans la grande pyramide)
Il est vrai, sans mensonge, certain et très véritable. Ce qui est en bas est comme ce qui est en haut et ce qui est en haut est comme ce qui est en bas pour faire les miracles d’une seule chose. Et comme toutes choses ont été, et sont venues d’un, ainsi toutes choses sont nées dans cette chose unique par adaptation… Tu sépareras la terre du feu, le subtil de l’épais avec grande industrie. Il monte de la terre au ciel et derechef il descend en terre et il reçoit la force des choses supérieures et inférieures… C’est la force de toute force, car elle vaincra toute chose subtile et pénétrera toute chose solide. Ainsi le monde a été créé.
Là, on est encore devant un autre mode de fonctionnement : on peut faire dire ce que l’on veut à ce texte! Mais on retrouve la notion de vérité révélée!
De vieux rêves, d’éternelles questions
Le secret de l’origine de la vie et la ruée vers l’or ont tourmenté quelques cervelles humaines et continuent de les tourmenter. Paracelse voulait fabriquer un homonculus en flacon (mais c’était aussi un bon expérimentateur), les biologistes clonent des êtres vivants et cherchent à fabriquer la première cellule.
Quelques chercheurs en blouses blanches ont travaillé dans le plus grand secret à la façon des kabbalistes ou des alchimistes dans un laboratoire aux États-Unis. Un soir d’août 1945, l’un d’eux posa sur la table une petite boule et un avion, semblable aux archanges chargés de punir l’emporta dans les nuages au-dessus d’Hiroshima.
Soif d’argent, soif de pouvoir, soif d’immortalité, pour les étancher, il n’y a que trois façons : ne pas avoir soif, croire en Dieu, ce qui permet de justifier tout ce qui arrive sans se sentir responsable, travailler, chercher et se poser des questions: le cerveau humain est fait pour ça.
(sources : Léo Larguier de l’Académie Goncourt – 1946)
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