La rage de la recherche.
« L’événement médical le plus important de l’année 1884 a été l’annonce de la découverte nouvelle faite par Monsieur Pasteur concernant la rage. Monsieur Pasteur rend les chiens parfaitement réfractaires à la rage en leur inoculant le virus atténué. Ce fait fondamental est maintenant hors de doute. Il reste à préserver l’homme ou le chien mordus par un animal enragé. Monsieur Pasteur y parviendra-t-il ? »
En 1884, Pasteur demande à ce qu’une commission soit nommée pour examiner 20 chiens rendus réfractaires à la rage par le vaccin placés en comparaison avec 20 chiens devant servir de témoins après avoir fait mordre les 40 chiens par des chiens enragés.6 Juillet 1885 : Madame Meister se présente en pleurs au laboratoire de Pasteur à l’Ecole normale ; son fils de neuf ans, Joseph, a été mordu par un chien enragé deux jours plus tôt.
Elle supplie. Le médecin persuade Pasteur : sans traitement, le petit ne peut que mourir.
Un autre médecin injecte le vaccin. Joseph Meister est sauvé.
Pasteur qui avait vu à l’âge de neuf ans le fer rouge grésiller sur la chair humaine, peut être satisfait. C’était ainsi qu’on soignait la rage avant sa découverte.
Faire reculer les frontières de la vie
« On voit en s’appuyant sur les statistiques les plus rigoureuses quel nombre élevé de personnes a déjà été soustrait à la mort. La prophylaxie de la rage après morsure est fondée. Il y a lieu de créer un établissement vaccinal contre la rage. »
L’Académie des sciences examine et adopte à l’unanimité le projet de Pasteur ; une souscription est ouverte en France et à l’étranger pour créer à Paris L’Institut Pasteur.
« D’un bout de la France à l’autre il y eut un mouvement d’enthousiasme et de générosité qui gagna les pays étrangers. » Le 14 novembre 1888, personne ne manque à l’inauguration*, pas même le président Carnot: « Votre institut est un honneur pour la France. »
L’lnstitut Pasteur sera un grand dispensaire pour le traitement de la rage, un centre d’étude pour les maladies virulentes et contagieuses et enfin un centre d’enseignement supérieur ; Pasteur y tient : « La science française, en obéissant à cette loi d’humanité, se sera efforcée de reculer les frontières de la vie. »
Montant de la souscription : 2 586 680 francs dont 200 000 francs votés par les chambres ; dons du tsar, de l’empereur du Brésil et du Sultan.
* Assistent à l’inauguration le président Carnot, Duruy, Jules Simon.
Le 6 septembre 1894, le Docteur Émile Roux met au point un sérum antidiphtérique.
1997:
– Non la consomption n’est pas infectieuse
. Quoi ?
– La phtisie… la tuberculose si vous préférez
. Mais si c’est infectieux !
– Non, c’est une croissance anormale des cellules
. Non.
– Si !
Le 24 mars 1882, Robert Koch met tout le monde d’accord sur la maladie du siècle : il annonce la découverte du bacille de la tuberculose à l’Institut d’hygiène de l’Université de Berlin.
Dorénavant, on pourra reconnaître la maladie avec la seule aide du microscope en regardant les expectorations.
Reconnaître mais pas encore soigner : la tuberculine ne sera fabriquée qu’en 1897, soigner mais pas encore vacciner : le BCG date de 1913.
1913 : La mort de la grande maladie du XIXe
Depuis la découverte du bacille de Koch, tous les essais pour préparer un vaccin contre la tuberculose ont échoué. Albert Calmette, directeur de l’Institut Pasteur de Lille et son associé Camille Guérin, viennent, eux de réussir dans cette difficile entreprise. Dès 1907, Calmette avait exposé ses recherches sur le diagnostic précoce de la tuberculose chez l’homme : après instillation dans l’un des yeux du sujet d’une goutte à 1% de tuberculine, les sujets sains ne présentent aucune réaction, les sujets atteints présentent une congestion de l’œil.
Calmette et Guérin ont alors cultivé le bacille bovin virulent sur un milieu bilié et l’ont repiqué un grand nombre de fois sur ce milieu, pour donner naissance à une souche atténuée, le bacille de Calmette-Guérin ou B.C.G. capable de déterminer une lésion locale très légère provoquant une immunité contre le bacille de la tuberculose virulent. La maladie du XIXe siècle est sur le point d’être vaincue.
L’élargissement du champ d’étude de l’homme à l’infiniment grand et l’infiniment petit, porte un coup fatal à l’obscurantisme.
Depuis le XVIIe siècle, le microscope permet de brèves incursions dans le monde mystérieux de « l’invisible à l’œil nu », en 1835 ; Bassi affirme que la maladie du ver à soie est due à un parasite végétal microscopique, mais tout commence avec l’étude de la fermentation : si des êtres vivants microscopiques sont capables de transformer le vin en vinaigre, ils sont sûrement capables de bien d’autres choses. Pasteur va plus loin encore : certains microbes sont très dangereux, mais la vie serait impossible sans eux. « Il n’y a pas de génération spontanée ! tout vivant naît d’un vivant » et les germes vivants microscopiques sont partout, voltigent dans l’air, contaminent les aliments, infectent les plaies et chaque microbe déclenche une affection déterminée.
Les médecins s’insurgent, les polémiques sont violentes, pourtant, « dans nos hôpitaux, les gens ne meurent pas des maladies pour lesquelles ils sont amenés, mais de celles qu’ils contractent ». Seul le chirurgien écossais Lister remercie Pasteur de lui avoir « démontré la vérité de la théorie des germes de putréfaction et de lui avoir donné le seul principe qui pût mener à bonne fin le système antiseptique ».
Le médecin allemand Robert Koch, l’autre fondateur de la bactériologie, rendra aussi hommage à Pasteur.
Pasteur découvre le principe d’atténuation des virus qui permet la vaccination et Koch, lui, parvient à cultiver les microbes en dehors des organismes qu’ils contaminent pour mieux les observer et mieux les étudier. Le chirurgien militaire Sédillot invente le mot « microbe » en 1878. La fin du siècle est jalonnée de la découverte des germes responsables de différentes maladies et de la maîtrise de l’antisepsie, de la vaccination, puis des antibiotiques en 1928.
1860 : Pasteur, maladie du ver à soie
1876 : Pasteur et Koch, maladie du charbon
1879 : Neisser identifie « Neisseria Gonorrhoeae », responsable du « mal français » en Italie et du « mal italien » en France, en bref de la blennorragie.
1880 : Laveran découvre en Algérie le parasite responsable du paludisme
1880 : Loeffler, diphtérie
1882 : Koch, bacille de la tuberculose
1884 : concours pour favoriser la découverte de l’agent responsable du choléra
1884 : Gaffky isole « Salmonella typhi », bacille responsable de la typhoïde, Nicolaiev identifie le virus du tétanos et Escherich découvre la bactérie « Escherichia Coli » qui va devenir le matériel de prédilection des généticiens.