Poèmes antiques de Leconte de Lisle (1853)
« Plutôt qu’une naïve et vraie grandeur, le désir et le décor de la grandeur. » (Marcel Arland)
Leconte de Lisle ne s’est pas vraiment remis de 1848. Il entend et écoute « l’appel désespéré des nations en croix et des justes râlant sur le fumier des villes ». Il regrette la victoire de la bourgeoisie et refuse que le peuple accepte sa défaite.
Les Poèmes Antiques, parus en 1863, c’est pour oublier, oublier sa déception, oublier sa tristesse, oublier la violence, même s’il sait que le meurtre nourrit l’héroïsme.
Il faut quitter le thème personnel, se retremper aux sources pures de l’antiquité, fortifier l’intelligence par la méditation et ne pas oublier que le poète est un ouvrier qui forge les mots. Le résultat est savant, et paraît assez froid au premier abord. Ce grand tourmenté qui n’a pas voulu être passionnel, laisse transparaître son pessimisme et ses poèmes antiques font parfois regretter « les hideux siècles de foi, de lèpre et de famine » qui, au moins, avaient le mérite d’être vivants.
Son influence sur les poètes du XIXe siècle est grande ; il a créé une véritable école et hissé la poésie au premier rang.

Portrait de Rimbaud en 1875.-Dessin à l’encre et à la plume, sous le dessin un poème de Coppée intitulé Ultissima Verba
Le Parnasse contemporain (1866)
« Tout ce qui est utile est laid. » (Théophile Gautier)
Sous le roi « bourgeois », après 1830, puis sous l’Empire, les tenants de l’art pour l’art – une formule de Benjamin Constant, en 1804 – se voulaient bohèmes, hostiles au matérialisme (celui des financiers ou des socialistes), dédaigneux du progrès de la politique.
Plus « morceaux choisis » que véritablement « recueil de vers nouveaux », plus rassemblement que manifeste, le Parnasse contemporain réunit de jeunes poètes (Coppée, Verlaine, Villiers de l’Isle-Adam) abrités par des anciens : Gautier, Leconte de Lisle ou Baudelaire.
Déjà en 1861, l’habile Catulle Mendès les avait accueillis dans la Revue fantaisiste. Il y aura trois recueils du Parnasse Contemporain en dix ans. Le plus « parnassien » étant le dernier (qui écarte L’Après midi d’un faune de Mallarmé).
Leconte de Lisle, Charles Marie Leconte dit, poète français
1818 (La Réunion) – 1894 (Louveciennes)
Leconte de Lisle réagit contre le romantisme et contre le bon sens : le premier a avoué son impuissance en 1848, le second montre chaque jour sa médiocrité. L’échec de 1848 a beaucoup marqué le jeune poète et aggravé son pessimisme : en outre son manifeste en faveur de l’abolition de l’esclavage le brouille avec sa famille et tarit sa source de revenu.
Il trouve refuge dans la poésie. L’amour du beau, voilà le remède, contre le désenchantement de la vie, l’absurdité des choses, le spectacle de l’histoire. Il n’admet qu’une passion, celle de la beauté formelle :
« Vous vivez lâchement, sans rêve, sans dessein,
Plus vieux, plus décrépits que la terre inféconde,
Châtrés dès le berceau par le siècle assassin
De toute passion vigoureuse et profonde.
Votre cervelle est vide autant que votre sein,
Et vous avez souillé ce misérable monde
D’un sang si corrompu, d’un souffle si malsain,
Que la mort germe seule en cette boue immonde.
Hommes, tueurs de Dieux, les temps ne sont pas loin
Où, sur un grand tas d’or vautrés dans quelque coin,
Ayant rongé le sol nourricier jusqu’aux roches,
Ne sachant faire rien ni des jours ni des nuits,
Noyés dans le néant des suprêmes ennuis,
Vous mourrez bêtement en emplissant vos poches.
– Poème LXXIX des Poèmes Barbares 1872 –
1853 : Poèmes antiques
1872 : Les Erynnies, drame
1862 : Poèmes Barbares
1870 : bibliothécaire au Sénat
1884 : Poèmes tragiques