La guerre de Crimée, censée régler la crise des Lieux Saints, est finie depuis le 18 janvier 1856, mais le tsar refuse de traiter et les Anglais hésitent encore. Les pressions de la Prusse et de l’Autriche permettent l’ouverture du Congrès de Paris.
Dans la capitale française, c’est l’euphorie : grand bal à l’ambassade d’Angleterre pour fêter le retour à la paix, Te Deum à Notre Dame le 16 mars 1856, à l’occasion de la naissance du prince impérial, pendant que les plénipotentiaires discutent. Enfin, le 30 mars, on placarde dans les rues des affiches à 14h30 : « la paix a été signée aujourd’hui ». « L’Empire, c’est la paix! »Le Traité de Paris « met fin à la guerre actuelle et, en réglant la question d’Orient, assoit le repos de l’Europe sur des bases solides et durables… de grands changements territoriaux auraient pu en être la conséquence, si l’indécision de l’Autriche, la lenteur des opérations militaires n’étaient venues en réduire à un simple tournoi les germes d’une grande révolution politique. »- Emile Ollivier-
Le Transsibérien: le plus grand transcontinental du monde
Traverser la Sibérie, c’est conquérir l’Extrême-Orient, exploiter un espace immense et riche. Par la piste, bloquée la moitié de l’année, on met 40 à 50 jours pour rejoindre Vladivostok, la perle de l’Orient, en partant de Moscou.
La guerre de Crimée a montré l’insuffisance des chemins de fer et les gisement métallifères de la Sibérie sont inexploitables sans voies de communication. Alexandre III décide de construire le Transsibérien : il en adopte le tracé en 1901 ; deux tronçons à voie unique à partir du lac Baïkal sont achevés pour 1903. Des ouvrages d’art les réuniront en 1904.
Après sa défaite dans la guerre avec les Japonais, la Russie construit une nouvelle ligne au Nord de la Mandchourie. Contrôlée par le Japon, elle sera achevée en 1917: 9 000 km de Moscou à Vladivostok, le plus grand transcontinental du monde : un axe de première importance, militaire économique et commercial.
Dans ces contrées, les trains continuent de circuler d’Est en Ouest, et d’Ouest en Est, et de chaque coté d’immense étendues, des steppes et des terres jaunes à perte de vue.
La Russie au XIXe
La Russie au XIXe siècle va changer plus que le reste de l’Europe. Pourtant, en 1849, Nicolas Ier est encore le gendarme du continent. Il lance ses troupes en Hongrie pour rétablir l’ordre, mais subit une défaite en Crimée en 1856 qui ébranle les structures anciennes.
Alexandre II sent qu’il vaut mieux que les serfs soient affranchis par lui plutôt que d’attendre qu’ils se libèrent par eux-mêmes. C’est pourquoi l’abolition du servage en 1861, et les réformes administratives, judiciaires, scolaires, ne seront que partiellement remises en cause par la suite, même par Alexandre III pourtant peu enclin au libéralisme.
Dans la préface d’une réédition du Manifeste du Parti communiste, Engels écrit en 1890 : « En 1848, le tsar était le chef de la réaction européenne. Aujourd’hui, il est dans le palais impérial de Gatchina, comme un prisonnier de guerre et la Russie est l’avant-garde du mouvement révolutionnaire européen. »
De fait, le développement des entreprises textiles et métallurgiques financé par quelques grandes familles et surtout par des manufacturiers anglais et des banques belges, françaises et allemandes, crée un prolétariat ouvrier qui s’entasse dans les villes. Les théories marxistes s’y répandent parmi les tenants de l’opposition d’abord, puis dans la jeunesse étudiante, et enfin dans les masses urbaines. La défaite subie face au Japon en 1904-1905 accélère le mouvement de contestation, car elle trahit la faiblesse de l’armée. La résistance à la tyrannie dans les zones russifiées (Pologne, Finlande, Sibérie) grandit elle aussi.
Le grand ébranlement de 1905 aurait dû convaincre le tsar Nicolas II de la nécessité d’un changement. Il ne saura pas saisir sa chance. Son destin est fixé. L’histoire de la Russie se fera sans lui et dans la révolution.
Alexandre II, tsar de Russie
1818 (Moscou) – 1881 (Saint-Pétersbourg)
Surnommé « le libérateur » par les paysans parce qu’il abolit le servage, le tsar Alexandre II avait pris conscience des structures archaïques de l’Empire au moment de la guerre de Crimée. La défaite l’encourage à engager des réformes jugées indispensables.
Les tribunaux de caste sont remplacés par des tribunaux communs à toutes les classes, les châtiments corporels supprimés, des Zemstvos, assemblées locales élues, chargées de la gestion des affaires locales, sont instituées. Des lycées et des universités nouvelles naissent à Odessa, Varsovie et Tomsk. L’accès des femmes à l’enseignement est facilité.
Alexandre II stimule le développement économique (voies ferrées, industries, commerce), mais dans le fond, la crise agraire demeure, la sujétion économique et morale des paysans reste très dure. L’insurrection polonaise, une tentative d’assassinat sur la personne du tsar alourdissent un climat déjà tendu. Alexandre II se raidit dans la censure et le contrôle de l’enseignement, impose la dispersion des cercles intellectuels d’universitaires.
Pour conjurer les problèmes intérieurs, il poursuit une politique d’expansion, d’annexion, de colonisation et d’alliance avec ses voisins les plus puissants : Autriche, Allemagne. Mais la guerre avec la Turquie, gagnée sur le terrain, est perdue dans les traités et la Russie se retrouve isolée. L’agitation révolutionnaire s’accroît. Attentat après attentat manqué, le tsar tombe au cinquième, alors qu’il se préparait à convoquer une assemblée d’empire pour l’associer au gouvernement.
1856 : guerre de Crimée (traité de Paris)
1859 : conquête du Caucase
1861 : abolition du servage
1863 : insurrection polonaise
1865-68 : pénétration russe en Asie centrale, Tachkent, Boukhara, Samarkand
1877-78 : guerre contre la Turquie (traité de Berlin)
1881 : le tsar est victime d’un attentat