Bismarck, haute tension!

Bismarck chancelier

Bismarck chancelier

1862: Bismarck chancelier

Les grandes questions se décideraient…par le fer et par le sang (Bismarck)
A Berlin, la situation est toujours extrêmement tendue. La Chambre vient de rejeter tous les frais de réorganisation militaire voulus par le roi qui souhaite une armée plus homogène et plus dévouée.
Guillaume Ier s’entête. C’est pour les Français un sujet d’étonnement qu’un roi constitutionnel veuille gouverner sans les Chambres.
Après avoir parlé d’abdiquer, le roi, sur les suggestions du ministre de la Guerre Roon, a reçu le Comte de Bismarck Schoenhausen, ambassadeur de Prusse à Paris, arrivé fort à propos à Berlin deux jours plus tôt.

Celui que Guillaume Ier traite de « Junker sans principes » est ressorti de l’audience, ministre des Affaires étrangères et président du Ministère. Il a 47 ans.
Substituer Monsieur de Bismarck à Monsieur de Bernsdof, c’est bonnet blanc et blanc bonnet, la crise n’en continue pas moins, et nous avons beaucoup ri de l’insignifiance des ministres choisis par le nouveau chef du gouvernement. Ainsi parlent les Français !

Sadowa

Sadowa

Sadowa ou le temps d’un cigare

Sadowa, le 3 juillet 1866, le prince royal tarde ; Bismarck charge son pistolet d’arçon et tranquillement allume un cigare qu’il fume avec lenteur : il vient de se jurer de ne pas vivre plus que le temps de le fumer.
Heureusement, le prince royal arrive ; les Prussiens sont vainqueurs et les Autrichiens vaincus.
Les Italiens, alliés aux Prussiens, sont vaincus de leur côté, mais cette défaite est sans conséquence grâce à la victoire de la Prusse. Napoléon III, comme convenu avec Bismarck, reste neutre.
Le prétexte de la guerre : les duchés du Schleswig et du Holstein, cédés en 1864 par le Danemark à la Prusse et à l’Autriche ; l’enjeu réel : l’unification de l’Allemagne autour de la Prusse après exclusion de l’Autriche.
« L’Allemagne est trop petite pour que l’Autriche et la Prusse puissent y tenir ensemble. » -Bismarck –
La paix de Prague (le 23 août 1866), grâce à quelques petites concessions (pour regagner « l’amitié perdue » de l’Autriche) laisse les mains libres à Bismarck qui obtient ce qu’il voulait : l’Autriche se retire de la Confédération germanique, cède les duchés danois et laisse la Prusse libre de fonder sa confédération.
L’Autriche cède à la France la Vénétie que Napoléon III décide de redonner sur le champ à l’Italie.

la dépêche d'Ems

la dépêche d’Ems

Casus belli

La dépêche d’Ems 1870 : l’exemple même du casus belli. Bismarck souhaite la guerre mais ne veut pas la déclencher. Il déforme habilement le compte rendu des démarches de l’ambassadeur de France Benedetti auprès de Guillaume 1er à Ems où celui-ci prend les eaux.
La France ne souhaite pas que le prince de Hohenzollern accepte la couronne d’Espagne et exige de la Prusse une renonciation officielle.
Le roi a refusé de voir l’ambassadeur et lui a fait dire par l’aide de camp de service qu’il n’avait plus rien à lui communiquer. C’est la dépêche d’Ems envoyée à la presse.
En France, la dépêche est perçue comme un camouflet par le gouvernement et l’opinion publique. Le 13 juillet, le Conseil des ministres décide de rappeler les réservistes. Le 15 juillet, le Corps législatif vote les crédits militaires. Le 19 juillet, la France déclare la guerre à la Prusse.

EVT305BAssurance maladie obligatoire en Allemagne
Bismarck est inquiet de la montée du parti social-démocrate ; contre lui, il emploie d’abord la force : c’est la loi d’exception de 1878. Puis il se rallie au « socialisme de la chaire » et met au point une législation sociale en avance sur toute l’Europe et pour de longues années.
La loi de 1883 est la première. Les travailleurs allemands en bénéficient, mais la social-démocratie n’est pas atteinte !
15 Juin 1883 : assurance maladie obligatoire – financement ouvriers : 2/3, financement patrons : l/3. 6 Juillet 1884 : accidents du travail, à la charge des patrons ; 22 Juin 1889 : loi sur l’invalidité et la vieillesse (financement patrons et salariés à égalité ; complément de l’Etat si nécessaire). Elle concerne les ouvriers agricoles comme ceux de l’industrie.

Affaire Schnaebele

Affaire Schnaebele

Une tension constante

1873…1874…1875…1887, la tension franco-allemande persiste.
Aux élections allemandes, l’Alsace e la Lorraine n’ont envoyé que des candidats protestataires. En 1887, le commissaire Schnaebelé, soupçonné d’exécuter des activités de renseignement est convoqué par son homologue allemand, arrêté et incarcéré.
Le ministère Freycinet, encouragé par le général Boulanger veut la guerre ! On ne peut envoyer un ultimatum au gouvernement allemand avant qu’il ait répondu à vos observations conseille et convainc le président de la République Jules Grévy. Calme et sang froid.
Schnaebelé, après explications, est relaxé, la convocation allemande valant sauf-conduit. Les Français interprètent le geste comme une reculade ; Bismarck lui, profite de ce test pour faire voter sa loi militaire. Boulanger, ministre de la guerre, exploite l’incident et devient un héros national.

Bismarck

Bismarck

L’intransigeance congédiée

Bismarck se heurte fréquemment au jeune empereur Guillaume II dans tous les domaines, intérieur et extérieur, jusque même dans l’organisation du gouvernement. Plus personne en fait ne supporte le caractère difficile et autoritaire du chancelier qui va jusqu’à traiter ses ministres d’ânes, quand il ne sont pas d’accord avec lui.
Aussi, quand Bismarck présente sa démission le 18 mars1886 pour protester contre le fait qu’on l’accuse ouvertement de cacher des rapports importants à l’empereur sur l’état de la Russie, est-il tout étonné qu’elle soit acceptée. Il se retire et, se croyant toujours indispensable, vitupère jusqu’à sa mort contre ses successeurs.

L’unité allemande

L’Autriche est prestigieuse, mais la Prusse est moderne. Bismarck, chancelier de Prusse en 1862, est un diplomate de génie, à la tête d’un état puissant par sa base occidentale, la Ruhr, où « les cheminées d’usine sortent de terre comme des champignons » -Max Wirth-.
Prusse et Autriche s’opposent pour la prépondérance dans cette « confédération germanique » que chemins de fer et union douanière cimentent fortement.
Ce qu’on appelle encore les « Allemagne », une nuée de petits états auxquels les révolutions de 1848 n’ont rien changé, sont sous la suzeraineté théorique de l’empereur d’Autriche. Bismarck, avant d’agir, s’assure de la neutralité bienveillante de Napoléon III: son armée, très supérieure techniquement, écrase celle des Autrichiens à Sadowa.
L’empereur des Français frôle le ridicule en exigeant des compensations territoriales (en Sarre, en Belgique, au Luxembourg) : Bismarck poursuit aussi la guerre économique et tient au contrôle des chemins de fer et des mines frontalières. La guerre avec la France devient inéluctable. Elle consacre l’entente de tous les Allemands, y compris ceux du Sud, réticents, sous l’égide de la Prusse.
Les armées françaises vaincues, l’unité allemande est scellée par le sang et juridiquement entérinée par la naissance du « Deuxième Reich ». L’Allemagne annexe par le traité de Francfort du 10 mai 1871 l’Alsace et une partie de la Lorraine à la Prusse. Cet empire s’effondrera après la Grande Guerre de 14-18.

traité de Franckfort

traité de Franckfort

L’Empire allemand naît en 1871, à Versailles dans la galerie des Glaces, après la victoire sur la France des Allemands coalisés autour de la Prusse. Il s’éteindra après la défaite de 1918.
1871-1918 : c’est le IIe Reich. Le premier, le Saint Empire germanique a été détruit d’un trait de plume par Napoléon Bonaparte après sa victoire à Austerlitz.
Guillaume 1er, roi de Prusse devenu empereur, et son chancelier Bismarck symbolisent cette nouvelle unité. Elle s’est faite par les armes, grâce à l’essor de l’industrie de la Ruhr, et au marché commun commercial et douanier. Sous la férule de Bismarck, elle va s’exprimer par la monnaie unique : le Mark, une banque d’Empire, des chemins de fer fédéraux et un code civil commun.
Elle va aussi s’exporter, sous forme d’expansion coloniale : Cameroun, Togo, Sud-Ouest africain, Afrique orientale et même Océanie, puis sous Guillaume II s’exprimer par son pangermanisme : réconciliation avec l’Autriche, poussée vers les Balkans et le Proche-Orient où la Turquie reste la grande amie. Enfin cette unité est confortée par un développement commercial spectaculaire que la flotte allemande, présente partout, soutient fermement.
La rivalité avec l’Angleterre s’exacerbe, elle sera une des causes de la Première Guerre mondiale. Pourtant, Guillaume II n’est pas belliqueux, l’Empire acquiert sa suprématie dans la paix. Il laissera pourtant entraîner cet empire dans l’engrenage infernal de l’été 1914… jusqu’à sa perte.

Otto von Bismarck

Otto von Bismarck

Bismarck-Schoenhausen Otto Eduard Leopold von, homme politique allemand
1815 (Schoenhausen) – 1898 (Friedrichsruh)

Du député d’extrême droite du Landtag de Prusse au chancelier de Prusse, le parcours de Bismarck est difficile mais flamboyant. Le jeune chancelier a tout connu : les chasses, les festins et leurs excès, mais aussi les lectures historiques et philosophiques et leur pénétrante profondeur.
Ses adversaires le surnomment « Bismarck le toqué », mais ils le craignent : il n’hésite pas à se battre en duel, et ne mâche pas la violence de ses critiques contre les libéraux ou les juifs.
Dès sa prise de pouvoir, il propose à l’Empereur Guillaume Ier un programme autoritaire. Le bien nommé « chancelier de fer » n’est pas que le géant vigoureux que l’on connaît, il sait aussi être courtois et charmeur quand il le faut, irritable et coléreux quand cela l’arrange.
Il ne s’embarrasse pas de scrupules pour choisir les moyens de sa politique. « Celui qui a la force va de l’avant » a-t-il coutume de dire.
Personnalité dominante de l’histoire allemande, il parvient à l’unité de l’Allemagne en trois étapes : il règle d’abord le problème autrichien (défaite de l’Autriche à Sadowa), crée la Confédération de l’Allemagne du Nord et une union douanière.
Deuxième étape : il force la France à déclarer la guerre. La victoire le mène à Versailles où il impose l’unité aux autres états allemands (troisième et dernière étape). Il devient alors chancelier de l’Empire ; il gouverne ainsi pleinement et l’on peut dire que l’Europe devient bismarckienne pendant vingt ans :
– à l’intérieur de l’Empire, Bismarck développe l’armée, affermit les institutions, muselle les opposants : les catholiques en lançant le Kulturkampf, les socialistes en les réprimant, mais donne à l’Allemagne la première législation sociale de l’Europe.
– à l’extérieur, il pratique un système d’alliances qui isole la France.
Le vieil aristocrate prussien qu’il est toujours resté, ne supportera pas l’avènement de Guillaume II en 1888 et sa « Weltpolitik » (politique impérialiste). A la première occasion, il donne sa démission et est tout surpris qu’elle soit acceptée. Contraint à la retraite, il ne cesse de vitupérer contre ses successeurs jusqu’à sa mort en 1898.

1847 : député du Landtag de Prusse
1851-58 : plénipotentiaire prussien à la diète de Francfort
1859-62 : ambassadeur à Saint-Petersbourg
1862-67 : chancelier de Prusse
1866 : victoire de la Prusse à Sadowa contre l’Autriche
1867 : Confédération de l’Allemagne du Nord
1870 : guerre contre la France
1871 : fondation de l’Empire allemand
1871-90 : chancelier de l’Empire allemand et président du Conseil de Prusse

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