Église, papauté et culte marial au XIXe siècle

HEVT474bLe Vatican et la papauté

Au milieu du XIXe siècle, l’Eglise catholique romaine est en expansion. Les missions en Afrique, Océanie, Asie, devancent ou utilisent la colonisation. Les conversions éclatantes se multiplient en Europe. On se demande même si le pasteur Newman, qui deviendra cardinal, ne va pas ramener l’Angleterre dans le giron pontifical !

Pie IX se considère comme prisonnier au Vatican, et souhaite même un moment s’installer en France. Il affirme une totale intransigeance dogmatique et dénonce dans l’encyclique Quanta Cura et dans le Syllabus les erreurs du monde moderne : rationalisme, indifférence, libéralisme, socialisme, communisme. Il proclame à Vatican I le dogme de l’infaillibilité pontificale dans le domaine de la foi et des mœurs : c’est l’alléluia spirituel après le glas temporel.

Son successeur, Léon XIII compose plus avec l’esprit du temps. Frappé par la misère ouvrière qu’il considère comme un scandale moral, il rappelle en 1891 dans l’encyclique Rerum Novarum que la propriété est un droit naturel, mais que le patronat a le devoir de verser un juste salaire. Les États sont invités à se préoccuper des travailleurs.

Léon XIII préconise le ralliement à la République et appuie, en France, les catholiques qui en sont partisans. Œcuménique, il esquisse un rapprochement avec les anglicans et les orthodoxes.

Saint Pie X donnera plutôt un coup de barre dans l’autre sens. Ascète préoccupé du divin, il est élu en 1903 comme candidat reconnu de l’Autriche conservatrice. Il condamne la séparation des Églises et de l’Etat, le syndicalisme. A sa mort, l’Eglise catholique romaine est bien à la croisée des chemins.

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Le culte marial

CD28_008Au XIXe siècle, Marie est partout présente dans l’Église de France. D’abord populaire, le culte marial est lié aux sensibilités et aux interrogations de l’époque.

La proclamation du dogme de l’Immaculée Conception par le pape Pie IX en 1854 vient consacrer la ferveur des fidèles : la bien heureuse vierge Marie a été conçue sans péché, préservée pure de toute souillure du péché originel. Une série d’apparitions confirme le dogme dans la conviction des catholiques, scelle leur unité face aux protestants. Elle ouvre la voie au dogme de l’Assomption défini par Pie XII en 1950, selon lequel le corps pur de Marie se trouve au ciel, aux côtés de son fils.

Pour certains, ce culte remonte aux déesses fécondes de l’Antiquité, et traverse les siècles sous différentes formes pour rejoindre notre époque. Ses aspects superstitieux et fétichistes sont condamnés par les libéraux qui en énoncent les exagérations et les déviations.

Médiatrice auprès du Christ des demandes des voyants, elle est la femme, tendre, sensible, miséricordieuse. C’est la signification de Lourdes, haut lieu de prières. Mais en fait, « la Reine s’est assise à votre droite, Seigneur », dit l’ancien testament, et la bien-aimée Notre-Dame a toujours protégé la France. Ce n’est pas un retour au passé, même si de nombreuses églises et cathédrales lui sont consacrées.

Malgré les divergences qui sont exploitées par la politique, les passions se calment au moment de l’union sacrée face à la guerre en 1914, et c’est à Notre-Dame-des-Victoires à laquelle Louis XVIII avait voué une église en plein centre de Paris que se confient tous les Français pour qu’Elle les aide au succès de leurs armes.

CD39_77L’affaire Jeanne d’Arc

Depuis sa mort sur le bûcher, Jeanne d’Arc a été l’expression vivante d’une mythologie nationale, tantôt adulée, tantôt oubliée, toujours récupérée.

Les premières représentations de Jeanne apparaissent au XVe siècle : la pucelle y revêt le costume des héros antiques et des saints, en armure, portant l’épée, l’étendard à la main. Puis son souvenir se fige et s’appauvrit, tombant dans un relatif oubli (XVIIe).Au siècle des Lumières, c’en est fini de la pucelle, mais les hommes de la Révolution exhument sa dimension patriotique.

Tout ceci reste modeste et change sous la Restauration. C’est alors que se fixent les traits d’une nouvelle héroïne, incarnation de la patrie, mais aussi sainte de l’église catholique. Michelet s’écrie alors « Oui, selon la religion et selon la patrie, Jeanne fut une sainte. »

Le Second Empire n’officialise pas le culte de Jeanne, mais il le maintient, les désastres de 1870-1871 entraînant un vrai déferlement de ferveur johannique et jusqu’en 1918, plus de 300 statues, reproduites à plus de 200 000 exemplaires, des dizaines de livres, de gravures, d’affiches, de cartes postales entretiennent le mythe. Jeanne est omniprésente. Sainte ou patriote, toujours et partout. Les Français communient dans son culte, mais chaque parti revendique Sa Jeanne. Le culte culmine à chaque étape vers la canonisation, favorisé par les crises du régime et la montée du nationalisme. 1894 : elle est déclarée vénérable ; 1909 : béatification ; 1920 : canonisation. Au moment de la guerre, les discordes se taisent. Jeanne est une valeur essentielle dans l’Union sacrée.

Les deux encycliques qui ont marqué le XIXe

HEVT134« Erreurs et doctrines perverses » – Le Syllabus de Pie IX – 1864

Stupéfiant ! Consternant ! La nouvelle encyclique fait rétrograder l’humanité jusqu’au moyen âge, si on la suivait à la lettre, il faudrait raser complètement le grand édifice de 1789. Pour l’anniversaire du dogme de l’Immaculée Conception, Pie IX adresse à tous les évêques l’encyclique Quanta Cura :

Il faut condamner les « erreurs et doctrines perverses » et il insiste en annexant, groupées en un tableau de 80 propositions, squelette sans ornement, le recueil des principales erreurs de notre temps, de tous les péchés, de tous les malheurs :

« anathème à qui dira : il n’existe aucun être divin, suprême anathème à qui dira : les décrets du Saint-Siège apostolique entravent …

anathème à qui dira : chaque homme est libre d’embrasser et de professer la religion …

anathème à qui dira : l’Église n’a pas le droit d’employer la force

anathème à qui dira : l’Église doit être séparé de l’État, anathème à qui dira : les lois de la morale n’ont pas besoin de la sanction divine

anathème à qui dira : le sacrement de mariage n’a pas besoin d’être,

anathème à qui dira : le pontifie romain peut et doit se réconcilier avec le progrès, le libéralisme et la civilisation moderne.

…panthéisme, naturalisme et rationalisme absolu : condamnés,

rationalisme modéré : condamné,

indifférentisme, latitudinarisme : condamnés,

socialisme, communisme, sociétés secrètes, sociétés bibliques, sociétés clérico-libérales : condamnés,

erreurs relatives à l’Église et à ses droits : condamnées,

erreurs relatives à la société civile : condamnées,

erreurs concernant la morale naturelle et chrétienne : condamnées,

erreurs concernant le mariage chrétien : condamnées,

erreurs sur le principat civil du pontifie romain : condamnées,

erreurs qui se rapportent au libéralisme contemporain : condamnées… »

Leon XIII

encyclique Rerum Novarum

« Il ne peut y avoir de capital sans travail, ni de travail sans capital. » 1891

Le pape Léon XIII, bien informé par de nombreux rapports transmis par l’Union de Fribourg et Albert de Mun, constate l’aggravation de la situation sociale, la misère imméritée des ouvriers, mais refuse le concept d’égalité qui ne serait qu’égalité dans le dénuement, dans l’indigence et dans la misère : une odieuse servitude pour tous les citoyens.

Il récuse le socialisme et la lutte des classes, défend la propriété et les biens inaliénables de la famille et propose une relation harmonieuse entre les classes, car « de même que dans le corps humain, les membres malgré leur diversité, s’adaptent merveilleusement bien à l’autre…ainsi dans la société, les deux classes sont destinées par la nature à s’unir harmonieusement. »

Le « pape des ouvriers » rappelle leurs devoirs à chacun des partenaires sociaux : patrons, ouvriers, État, pour maintenir l’ordre et l’harmonie, condamne les excès et les abus commis par les uns et les autres.

Cette forte prise de position, qui fait l’objet de l’encyclique « Rerum Novarum », aura une grande influence sur le syndicalisme et la politique chrétienne démocrate de cette période.

Bismarck

Bismarck

l’Allemagne et l’ Église : échec du Kulturkampf

« Quand j’ai engagé le Kulturkampf En 1872 , j’y ai été principalement déterminé par le côté politique de la question ». Bismarck justifie « ce combat pour la civilisation » par la nécessité de conforter l’unité allemande ; il redoute tous les facteurs de division (les catholiques représentent un tiers de la population) il craint l’autorité du pape sur l’église allemande. En bon luthérien, il combat l’obscurantisme catholique, puis prend des mesures contre l’Église : en Prusse, le gouvernement nomme aux fonctions ecclésiastiques ; ailleurs, les jésuites et les congrégations sont expulsés, l’état civil est laïcisé et le mariage civil institué. Ce sont les lois de mai.

La réaction de Pie IX est violente. La rupture des relations diplomatiques avec le Vatican consommée. Certains évêques sont mis à l’amende, voire emprisonnés. Le conflit a des répercussions jusqu’en Autriche. Le Kulturkampf sera en fait un échec, car Bismarck a besoin du soutien du parti du Centre, qui représente les pays catholiques. Les lois sont abandonnées, -sauf pour l’état civil et le mariage-, les relations diplomatiques renouées avec le nouveau pape élu Léon XIII.

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