La barricade
La barricade, tradition révolutionnaire, insurrectionnelle, force l’évolution politique dans les situations désespérées. Immédiate, souvent spontanée, toujours populaire, elle enflamme et conquiert les esprits insubordonnés, qui refusent le présent, et qui sont prêts à risquer leur vie pour un avenir, souvent mal défini, toujours utopique mais jugé meilleur par leur imagination.Phénomène essentiellement urbain, la barricade naît dans une rue étroite, facile à barrer d’un omnibus renversé, calée entre deux maisons complices favorisant cheminements et défilements intérieurs, elle est consolidée par des pavés arrachés à la chaussée, par un tonneau, par des machines apportées d’un chantier voisin.
Ainsi, paraît-elle de nature défensive, alors que sa manifestation est de caractère offensif. Pour vaincre, l’insurrection doit voir la ville se « couvrir de barricades »; le gouvernement ne peut alors faire manœuvrer les troupes. La révolte conserve ses chances. Si la barricade devient défensive, elle meurt.
Semant la peur chez les bourgeois (qui au XIXe siècle, confondent souvent peuple et pègre), faisant l’admiration des autres (friands d’anonymat glorieux, d’héroïsme vain, et de spontanéité généreuse), la barricade nourrit l’imaginaire social à travers les poésies, l’imagerie, les chansons.
La Barricade de Ernest Meissonier, une œuvre célèbre d’un artiste oublié
« Mon cher Alfred, vous me demandez ce que je pense du destin de la Barricade… Parler de son œuvre et en dire tout le bien qu’il en pense n’est pas chose facile pour un artiste… quand je l’ai fait, j’étais encore sous la terrible impression du spectacle que je venais de voir et, croyez-le, mon cher Alfred, ces choses là vous entrent dans l’âme. Quand on les reproduit, ce n’est pas seulement pour faire une œuvre, c’est qu’on a été ému jusqu’au fond des entrailles, et qu’il faut que ce souvenir reste. J’étais alors capitaine d’artillerie dans la garde nationale ; depuis trois jours que nous nous battions, j’avais eu des hommes tués et blessés dans ma batterie. L’insurrection entourait l’hôtel de ville où nous étions, et quand cette barricade de la rue de la Mortellerie venait d’être prise, je l’ai vue dans toute son horreur : ses défenseurs tués, fusillés, jetés par les fenêtres, couvrant le sol de leurs cadavres, la terre n’ayant pas encore bu tout le sang… Mais voilà, cher ami, que je me laisse entraîner par les souvenirs….-Meissonier-, lettre adressée à Alfred Stevens 22 octobre 1890.
Meissonier Ernest, une gloire incontestée de son vivant, un artiste tombé aujourd’hui dans un oubli relatif. Surtout, une œuvre pléthorique conservée essentiellement au Louvre et à la Wallace Collection de Londres.
Les transportés
En 1848, les ouvriers insurgés subissent une répression terrible : le « spectre rouge » affole l’ordre établi. Le décret Sénard proclame que « tout individu pris les armes à la mains sera transporté outre-mer ». L’Algérie est moins loin que les Iles Marquises. Ils y seront acheminés par milliers. La répression qui suit le coup d’état de Louis Napoléon Bonaparte en 1851 en transportera encore beaucoup d’autres. Libérés après un certain temps d’emprisonnement, ces transportés participeront à la colonisation de peuplement en Algérie. La répression après la Commune envoie aussi son lot de condamnés dans les territoires d’Outre-Mer : 3989 exactement.
A partir de 1872, c’est le départ pour la Nouvelle-Calédonie où Napoléon III avait déjà exilé des républicains, et Thiers, des révoltés musulmans algériens. Les rescapés du voyage, d’abord, du pénitencier, ensuite, peuvent s’installer à Nouméa, à condition d’avoir un métier. C’est le cas de Louise Michel qui apprend aux petites canaques à lire, à refuser d’obéir aux ordres des colons et à chanter La Marseillaise sur la place des cocotiers.