Le 25 octobre 1864, Taine est nommé professeur d’histoire , de l’art et d’esthétique à l’École des beaux arts.
Les philosophes du XIXe siècle, 1856, La recherche de la vérité
Hippolyte Taine vit de répétitions et d’articles écrits pour différentes revues. Ceux consacrés aux philosophes français classiques sont réunis dans Les philosophes du XIXe siècle, publié en 1856, alors que l’empire autoritaire le contraint à abandonner le professorat.
Ce recueil, tout en assumant l’héritage de Descartes, c’est à dire la faculté de rendre intelligible toute notion quelque soit sa complexité, ridiculise le verbalisme d’un Victor Cousin, le langage abscons d’un Maine de Biran, le finalisme d’un Jouffroy, pour afficher une ambition de déduction et d’exposition qui permet une appréhension globale, même s’il elle est parfois confuse, d’éléments très différents.L’inspiration, plus que l’expérience des laboratoires, telle est la vraie logique, celle de la science, celle à laquelle il s’est confronté en découvrant la rigueur des sciences de la nature, grâce à Cuvier.
En cela, il est bien l’héritier des philosophes classiques, qui prend la mesure d’une époque dominée par le progrès scientifique.
Les origines de la France contemporaine, 1875
C’est parce qu’il y a eu une France qu’il y a eu un La Fontaine et des Français
Livre d’histoire ou traité de philosophie politique ? Taine, notable parvenu, légitimiste en politique, vieilli et amer, a voulu s’interroger sur les causes du désastre de 1870 et il a cru les trouver : la France est malade depuis 1789 ! La Révolution a détruit les valeurs morales essentielles !
Cette œuvre qui occupera les vingt dernières années de sa vie se présente comme la « consultation » d’un médecin.
« La France : un cheval vicieux monté par de mauvais cavaliers. »
Moralisateur, tantôt procureur, tantôt prédicateur, Taine a voulu poursuivre la démarche du naturaliste. Mais la grande peur de 1871 continue de produire ses effets : le fond de l’humanité, il le voit désormais dans le « gorille féroce et lubrique. »
Son esprit de simplification ne peut masquer l’analyse idéologique de tous les conservatismes : ils n’ont pas fini d’y puiser !
Taine Hippolyte Adolphe, philosophe et historien français
1828 (Vouziers, Ardennes) – 1893 (Paris)
Le plus grand peut-être des professeurs, qui aient façonné le XIXe siècle français, a peu professé. L’Empire et l’université l’ont craint et rejeté. Refusé à l’agrégation de philosophie en 1851, il publie en 1853 son Essai sur La Fontaine et ses Fables qui remplace sa thèse.
Beaucoup de ses idées principales y sont déjà exprimées : la théorie des « conditionnements », la « faculté maîtresse », ce souci de faire apparaître les ressorts d’une individualité et les faits particuliers, voire la conception du critique comme « naturaliste de l’âme ».
Dès lors, il publie des articles et des essais de critique littéraire, de philosophie et d’histoire. Il collabore à la Revue des Deux Mondes, enseigne à I’Ecole des beaux-arts, séjourne en Angleterre et étudie le positivisme anglais, voyage en Italie et écrit sa Philosophie de l’Art.
La fin de l’Empire, c’est d’abord l’effondrement du conservatisme intellectuel (d’un Royer-Collard ou d’un Cousin), de la doctrine et de l’enseignement officiels. Taine, avec Les Philosophes français du XIXe siècle (1856), avait su rallier la contestation. Désormais, légitimiste en politique, marié, il connaît les honneurs et le succès grâce à la publication de De l’intelligence et Les Origines de la France contemporaine qui consacrent son autorité. Il fréquente le salon d’Edmond de Goncourt, s’essaie à des œuvres plus mondaines et pour finir, inquiet devant la « maladie du siècle », se rapproche du christianisme.
1853-61 : La Fontaine et ses fables
1856 : Les Philosophes français au XIXe siècle
1858 : Essais de critique et d’histoire
1864 : Histoire de la littérature anglaise
1870 : De l’intelligence
1876-96 : Les Origines de la France contemporaine
1878 : il est élu à l’Académie française
1882 : Philosophie de l’art
L’enseignement de l’Histoire au XIXe
Les grandes œuvres historiques foisonnent tout au long du siècle. Augustin Thierry, Guizot, Michelet en dominent la première moitié.
Augustin Thierry, chantre de la couleur locale, ouvre « le siècle des historiens » en passionnant ses lecteurs pour le Moyen Age. Guizot proclame que « la lutte des diverses classes de notre société a rempli notre histoire ». Michelet, enfin, le plus grand, allie le culte des archives à la puissance de l’imagination pour faire revivre l’histoire de toute la France, cette « personne » dont il est amoureux et qui s’incarne dans « le peuple ».
De nouvelles générations d’historiens entrent en scène pendant la seconde moitié du siècle. Renan, en publiant la Vie de Jésus, un livre qui fait scandale, s’appuie sur la philologie pour expliquer les origines d’une religion à laquelle il a cessé de croire. Taine avec ses Origines de la France contemporaine, entend bâtir l’histoire des hommes à l’image des sciences naturelles.
Finalement la Révolution de 1789 concentre travaux et passions : Lamartine, Louis Blanc, Michelet, Quinet, autant de thèses différentes. Le développement des travaux universitaires n’arrête pas, au contraire, les controverses. Aulard pourfend Taine qui, marqué par la peur et la haine de la Commune, a décrit les révolutionnaires comme des malades, des fous. Il magnifie Danton. Son disciple infidèle, Mathiez, montre au contraire en Danton un corrompu et en Robespierre le héros de la pureté révolutionnaire.
La grande synthèse sur la Révolution viendra d’un non-professionnel, Jean Jaurès. Son œuvre, publiée d’abord en livraisons vendues à la criée, mêle la province et la capitale, l’Europe et la France, le récit voire la prosopopée, et l’analyse des classes. Il écrit à la lumière de Marx autant que de Michelet l’Histoire socialiste de la Révolution française. L’adjectif ne sert pas un parti. Il indique la voie d’une compréhension sociale.