Contes à mes petites filles
Une débutante de cinquante cinq ans entre à la maison Hachette à qui elle cède par contrat le 1er septembre 1855, pour la somme de cinq cents francs, le droit de publier une édition tirée à cinq mille exemplaires « d’un ouvrage intitulé Contes à mes petites filles ou un titre analogue ».
Il n’est pas sûr que la comtesse de Ségur ait rencontré Louis Hachette à l’occasion des négociations qu’il poursuivait avec le comte de Ségur à propos de la bibliothèque des chemins de fer, mais c’est probable.
Les Nouveaux Contes des fées paraissent pour Noël 1856 ; puis, sans interruption, volume après volume, la comtesse, « cette dame (qui) a des yeux comme des pistolets », « l’idéale grand-mère » livre dix-huit tomes en vingt ans à la Bibliothèque rose que Hachette a créée en 1857. Personne aujourd’hui ne se souvient des premiers auteurs qui ont écrit pour cette collection : Zénaïde Fleuriot, Alfred Assolant, Mayne-Reid ; en revanche, Andersen, Perrault et la Comtesse restent présents dans bien des mémoires.
Plus qu’une psychanalyse sommaire de l’éducation bourgeoise, un tableau des relations parents-enfants-domestiques dans lesquelles la fessée symbolise des rapports plus pervers que ne le laisse présager la morale de caste que professe la « divine comtesse ». Refuge des enfants qui trouvent, dans ce miroir, les images de leurs fantasmes, appréciée particulièrement des petites filles qui goûtent la saveur d’un féminisme naissant (le sexe fort est souvent faible ou lâche quand il n’est pas odieux), l’œuvre est lue par les adultes pour ses qualités classiques.
Le tirage des Malheurs de Sophie en 1859 avoisine les 2 millions d’exemplaires ; les Mémoires d’un âne (1860), 1,5 million.
Ségur, comtesse de, née Sophie Rostopchine, écrivain français
1799 (Saint-Pétersbourg) – 1874 (Paris)
La Comtesse de Ségur née Rostopchine, la « terrible tartare », est fille du célèbre comte Rostopchine, gouverneur de Moscou lors de l’incendie de 1812. Elle épouse le Comte Euqène de Ségur, pair de France.
« La Comtesse Sophie, douée d’un esprit aimable et cultivé » débute à 55 ans dans la littérature. Elle abandonne les droits de ses livres à la maison Hachette pour un forfait assez ridicule ; elle n’attend de sa plume que de quoi semer aumônes et charité, et saura défendre les intérêts de ses pauvres à l’occasion : « Je dois vous prévenir que le succès de mes ouvrages précédents et surtout des Mémoires d’un âne fait croître mes prétentions. »
Elle n’aime pas que l’on touche à ses textes, elle juge avec scrupule les illustrateurs, s’inquiète auprès d’Emile Templier, chargé des relations publiques de la maison Hachette : « Auriez-vous l’obligeance, Monsieur, de me faire connaître l’impression de Mesdemoiselles vos filles à la lecture de mes Petites Filles modèles et leurs observations critiques qui peuvent m’être fort utiles ? »
Elle répond avec humour aux demandes de corrections : « Je vous ferai seulement observer que je n’ai pas voulu créer un âne chrétien, mais un âne tel que vous le qualifiez, âne avant tout. » Elle menace de trouver un autre éditeur, puis finalement reste fidèle à Hachette.
1857 : La Santé des enfants
1857 : Nouveaux Contes de fées pour les petits enfants
1858 : Les Petites Filles modèles
1858 Livre de messe des petits enfants
1859 : Les Vacances
1860 : Mémoires d’un âne
1861 : La Sœur de Gribouille
1862 : Pauvre Blaise
1862 : Les Deux nigauds
1862 Les Bons Enfants
1863 : L’Auberge de l’ange gardien
1864 : Les Malheurs de Sophie
1864 : François le bossu
1864 : Le Général Dourakine
1865 : Evangile d’une grand-mère
1865 : Jean-qui-grogne et Jean-qui-rit
1865 : Un bon petit diable
1865 : Comédies et proverbes
1870 : Diloy le chemineau
1871 : Après la pluie le beau temps
1871 : La fortune de Gaspard
1871 : Le mauvais génie