Réassurer contre l’angoisse du changement
Dans les sociétés archaïques, les rites consacrent le changement d’âge et de statut social des individus au long de leur vie par un ensemble d’épreuves et de cérémonies.
D’autres rites marquent les changement de période (saison, nouvel an, nouvelle lune, etc.) et même parfois le franchissement du seuil de la maison ou d’un édifice religieux.
Ces rites comportent en général trois stades : la séparation, l’attente et l’intégration.
Le changement ou le devenir sont source de troubles plus ou moins profonds qu’il s’agit de conjurer chez l’individu comme chez le groupe.
Par exemple, la naissance comme entrée parmi les vivants, la puberté comme entrée chez les adultes, le mariage pour le célibataire et pour tous, la mort.
Même si, dans notre société, la plupart de ces rituels se sont simplifiés et laïcisés et les autres tombés en désuétude en fonction de l’évolution des moeurs, des idées et des techniques, leur fonction n’en reste pas moins essentielle pour maintenir le lien social.
Avez-vous eu le sentiment que votre passage à l’âge adulte a été ponctué de rituels. Même s’ils n’ont plus rien à voir avec ceux des sociétés archaïques, ils existent. Dénichez-les.
Que vous apportent-ils? Imaginez les conséquences si vous les supprimiez.
La fonction du rituel est à la fois de supprimer ou de compenser les impuretés du devenir (recours à l’eau, au feu, au sang ou à leurs symboles) et de réduire les déséquilibres liés au changement d’état. Ils comportent souvent des signaux mimétiques et symboliques attestant ce qui est en train de se dérouler (l’enlèvement de la mariés, l’échange des anneaux.
La maladie est souvent traitée comme une période de marge qui a aussi ses rituels spécifiques visant à la guérison et au retour à l’état normal.
Si les rituels d’initiation masculins et féminins ont pratiquement disparus ainsi que ceux qui régissaient les contacts entre les deux sexes (non sans inconvénient peut-être), d’autres se sont maintenus, même à minima : ceux de la naissance et de la mort et ceux du mariage.
Rituels de passage à l’âge adulte dans les sociétés archaïques
Le changement de statut du jeune devenant adulte était ponctué de rituels d’initiation dont l’aboutissement était la reconnaissance de l’aptitude à se marier, à participer aux activités sociales et à assumer ses responsabilités en tant qu’homme ou femme dans la communauté.
Malgré ses variations culturelles, les pratiques réelles et symboliques de l’initiation présentent des similitudes de fond.
– Une phase de rupture avec l’enfance et le milieu maternel.
– Une phase d’accès au statut d’adulte après un ensemble d’apprentissages et d’épreuves.
Les jeunes des deux sexes sont soumis à des retraites, des purifications et des probations. Pour les garçons, l’initiation est collective; elle comporte la révélation des origines du groupe, des êtres et des objets sacrés, l’exigence d’exploits, souvent des mutilations corporelles. Pour les filles, l’initiation est individuelle car elle commence généralement avec la première menstruation. Il s’agit essentiellement de les préparer à assumer leur rôle spécifique : la fécondité.
En occident, la préparation des jeunes gens au métier des armes (chevalerie médiévale) et aux métiers d’artisanat (compagnonnage) était ponctuée de rites publics et privés.
Jusqu’au milieu du XXe siècle
Les frontières entre l’enfance, l’adolescence et l’état adulte étaient marquées par une suite de changements subits ou progressifs affectant le vie quotidienne: contrôle parental, argent de poche, costume (premier pantalon pour les garçons, premiers bas pour les filles).
Parallèlement, une série d’examens: certificat d’étude, brevet, baccalauréat, ponctuaient une scolarité débouchant plus ou moins tôt sur le métier et sur le mariage pour lequel il fallait avoir un état (expression longtemps en usage dans le monde rural).
Rituels de passage à l’âge adulte aujourd’hui
Il ne reste plus que quelques traces de ces rituels qui excluent toute véritable rupture:
– de la petite enfance à l’enfance: la perte des dents de lait et le passage de la petite souris
– début de la vie scolaire: achat du premier cartable
– là où elle subsiste, la cérémonie et la fête de première communion
– fêtes et cadeaux pour les succès aux examens.
les conséquences de cette évolution sont l’extension notoire de l’aire de liberté d’expression des jeunes mais aussi la perte des repères des jeunes concernant leur propre statut d’âge et ses étapes.
Il s’instaure alors une sorte de coinçage des jeunes entre le maintien prolongé d’une dépendance économique aux parents et une revendication d’autonomie souvent précoce.
Ce déclin des rituels se manifeste dans le système éducationnel, de l’école à l’université. Les cérémonies de rentrée des cours, de distribution des prix et des diplômes, les symboles vestimentaires et emblématiques, les association d’élèves et d’étudiants tendent à disparaître en France alors qu’ils perdurent dans les pays anglo-saxons. Tant qu’ils gardaient leur sens, ces rituels contribuaient à la transmission d’une culture et d’une idéologie où les lieux d’éducation s’intégraient dans leur contexte local sans s’y aliéner.
Les bizutages disparaissent dans les grandes écoles.
S’ils ont pu servir de prétexte à des abus, ils ne se réduisaient pas à cela.
On observe aujourd’hui une grande ambigüité dans l’attitude des jeunes: d’une part une résistance aux déterminations de l’école et aux routines vidées de leur sens et d’autre part une recherche, souvent confuse, de conduites et de symboles exprimant leur identité collective qui passent souvent par le langage, le costume et certaines manières de faire la fête.
Rituel de passage à la retraite
L’espérance de vie en bonne santé augmente, le monde du travail vous rejette de plus en plus tôt. Comment envisagez-vous votre fin de vie? Entre ce que les personnes actives disent et ce qu’elles font réellement une fois à la retraite il y a souvent un monde.
– Vous avez un hobby et vous avez toujours rêvé d’avoir du temps à lui consacrer, faire de la généalogie, une thèse sur un sujet marginal qui n’intéresse que vous…C’est un bonne idée, mais la statistique montre que bien peu y arrivent. Au moment de s’y mettre, une sorte de paresse envahit tout ces velléitaires dont le hobby finit par être « comment passer le plus de temps possible à faire les courses pour ne pas s’y mettre ».
– Vous avez décidé d’enfin ne rien faire et dans le meilleur des cas de voyager. Bien, mais avez-vous songé à l’entretien de votre cerveau et de votre corps? Le discours des guides dans les tours organisés suffisent-ils à stimuler la réflexion.
– Vous êtes tellement accro à votre boulot que vous cherchez des missions rémunérées dans votre domaine de compétence. Là aussi, l’expérience prouve que le nombre de ces missions décroit très vite exponentiellement. Vous pourrez tirer un ou deux ans… Si vous avez la chance d’être un artiste ou un écrivain reconnu, alors là, vous n’aurez pas de problème pour continuer sans songer à la retraite.
– Vous cherchez du bénévolat dans votre domaine de compétence. Si vous avez de bons réseaux, cette solution peut être source d’expériences passionnantes qui vous stimuleront et qui vous maintiendront en forme.
– Vous prévoyez une vingtaine d’années avant votre retraite un reconversion qui vous permettra une seconde vie passionnante: il faut les moyens, une grande imagination et une bonne dose d’énergie. Les exemples les plus connus sont ceux qui achètent des domaines viticoles par exemple. Tout le problème est de concevoir cette nouvelle activité afin qu’elle ne soit pas un gouffre financier et qu’elle soit rentable.
Et le divorce, est-ce un rituel?
Votée en première délibération à la Chambre des députés le 8 mai 1882, et en deuxième délibération le 19 juin suivant, le projet de loi sur le divorce, dite loi Naquet, est transmis au Sénat le 27 juin.
Il y rencontre une opposition très vive et reste bloqué deux ans dans les bureaux avant d’être soumis à discussion publique.
Monsieur Naquet se fait élire au Sénat pour défendre son projet. La loi est enfin votée le 27 juillet 1884.
En substance elle dit : « Le divorce doit garder un caractère exceptionnel, et ne peut être prononcé qu’en cas de peine infamante, d’adultère et de sévices ou injures graves ; la rupture du mariage par consentement mutuel deviendra possible de fait, car la jurisprudence étendra à l’incompatibilité d’humeur la notion de « de sévices et injures graves ».
Le divorce marque certes un passage, mais on ne pourrait le nommer rituel que s’il était un gage de cohésion sociale…A méditer.