Les impressionnistes chez Nadar

impressionnistes

Impression soleil levant, Claude Monet

La première exposition impressionniste

Elle ouvre ses portes le 15 avril 1874 chez le photographe Nadar.

Le fameux tableau de Monet Impression soleil levant y fait sensation.

Une petite vue du port du Havre ou des bateaux dans la brume ?

– « Ah ! Le voilà, le voilà ! Mais que représente cette toile? »

. Impression, soleil levant.

– « Impression, j’en étais sûr. Je me disais aussi, puisque je suis impressionné, il doit y avoir de l’impression là-dedans…Et quelle liberté, quelle aisance dans la facture ! » -Louis Leroy dans Le Charivari-

Durand-Ruel fait allusion dans ses mémoires à une Marine au soleil couchant. Monet aurait dit : »Mettez…Impression. » Et le frère de Renoir aurait rajouté sur le catalogue pour « expliquer »: soleil levant, Impressionnant !

Monet, Sisley, Pissarro, Renoir, Degas « sont impressionnistes dans ce sens qu’ils rendent non le paysage, mais la sensation produite par le paysage. »

« Les marchands ne voulaient pas de nous. il nous fallait pourtant exposer mais où?…Nadar, le grand Nadar, qui est bon comme le pain, nous prêta le local. » -Claude Monet, dans une interview donnée à la Vie moderne-

Nadar fréquente les impressionnistes au Guerbois et, toujours prêt à accompagner une révolution, qu’elle soit artistique, scientifique ou politique, accepte d’accueillir la Société des peintres, sculpteurs, graveurs créée par Monet, Degas, Pissarro et leurs amis. Une exposition sans jury, hors Salon officiel, cela fait son bonheur.

« Parce que le jury ne sera jamais qu’une institution et non un principe, parce que tout ce que l’autorité ne peut délivrer, la liberté le dispense. Donc laissez faire ! laissez passer ! Plus de jury ! Expositions libres ! » – Manet dans le Grand Journal, le 6 mai 1866-

Nadar prête donc en 1874 ses locaux, « galeries excellemment décorés », à ces jeunes peintres dont la plupart sont ses amis. Un grand absent : Manet, non qu’il ne veuille pas exposer chez un photographe, comme le prétendent les esprits mal intentionnés, mais parce qu’il ne souhaite pas s’opposer au Salon officiel où il expose. Parmi les participants, figurent Boudin, Cals, Cézanne, Degas, Guillaumin, Monet, Berthe Morisot, Camille Pissarro, Renoir, Sisley ; La désagrégation du groupe sera consommée en 1886. Entre ces deux dates, une révolution de la peinture est dite ; ces peintres de l’Ecole des Batignolles, tant décriés parce qu’ils contestent l’art officiel et n’acceptent plus d’être sans cesse « refusés » sont-ils pour autant maudits ?

Paul Durand-Ruel soutient particulièrement les impressionnistes qu’il commence à exposer dès 1876 dans sa galerie de la rue Laffitte. Le développement du capitalisme aidant, il sait acheter une collection de tableaux d’un même peintre ou mensualiser un artiste dont il se garde l’exclusivité du travail. Il parvient même à intéresser une banque, créant ainsi un flux de capitaux vers le commerce de l’art. Il traverse l’Atlantique et lance la première exposition impressionniste à New-York (1886). Il y ouvre ensuite une galerie qui restera très active jusqu’en 1950.

« On vient d’ouvrir chez Durand-Ruel une exposition qu’on dit être de peinture, le passant inoffensif, attiré par les drapeaux qui décorent la façade, entre, et, à ses yeux épouvantés, s’offre un spectacle cruel : cinq ou six aliénés, dont une femme, un groupe de malheureux atteint de la folie de l’ambition, s’y sont donnés rendez-vous pour exposer leurs œuvres. Il y a des gens qui pouffent de rire devant ces choses. Moi, j’en ai le cœur serré. Ces soi-disant artistes s’intitulent les intransigeants, les « impressionnistes » ; ils prennent des toiles, de la couleur et des brosses, jettent au hasard quelques tons et signent le tout… » -Albert Wolff, Le Figaro du 3 avril 1876-

C’est parce qu’ils ne comprennent pas qu’ils se moquent et rejettent l’irréductible singularité du génie d’un peintre comme Manet, l’instaurateur de cette idée toute simple : la peinture n’est que la peinture, elle n’exprime rien d’autre qu’elle-même.

« L’expression impressionniste n’est pas venue, comme l’a écrit Monsieur Benedite d’un tableau de Monet exposé sous le titre Impression, mais elle a pris naissance dans les discussions de 1858 où Manet disait volontiers :  » un artiste doit être spontanéiste, voilà le terme juste. » » -Antonin Proust-

« Ne pas perdre l’impression qui nous a émus. » -Corot- « Se préoccuper de rendre l’impression », tel est le souci de ces peintres, représenter les phénomènes les plus fugitifs, hors du temps, avec lesquels joue la lumière : soleil, brouillard, neige, eau, reflets, scintillement dans le vent; travail en plein air; interaction des couleurs entre elles. La palette du peintre est très claire, la technique incisive, et nerveuse : touches en virgule, hachures, volutes maîtrisées. La théorie, les prolongements du post-impressionnisme, confirmeront plus tard l’importance des travaux de Chevreul sur la décomposition de la lumière, expliquant ainsi ce contraste simultané des couleurs.

Ces peintres, sont actualistes pour les uns, naturalistes pour d’autres, spontanéistes pour Manet, impressionnistes pour le grand public, incontestablement et surtout à l’origine de toutes les révolutions picturales du XXe siècle.

Savez-vous détecter les nouveaux talents?

On ne voit que ce qu’on sait, on aime ce qu’on a appris à aimer étant jeune, on a tendance à penser que la société doit évoluer par continuité.

Durand-Ruel qui a découvert les Impressionnistes disait sur la fin de sa vie qu’il n’était plus capable de détecter les nouveaux talents car sa connaissance intime des Impressionnistes l’empêchait d’apprécier la nouveauté. Passé un certain âge, tout le monde voit la crise à sa porte.

Certains disent : la société ne peut plus avoir de cohérence car il n’y a plus de rituels. Bien sûr que si, mais ils évoluent.

Visitez quelques musées et foires d’art contemporain. Sauriez-vous, comme Durand-Ruel lorsqu’il était jeune, détecter les oeuvres vraiment nouvelles ET géniales?

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