La mine et la colère

Quelques grandes colères du XIXe siècle autour de la mine.

la mine

Le puits N°3: aucun homme n’est remonté, dessin de Steinlen

La mine, c’est d’abord le fond, monde souterrain ténébreux, entrelardé de puits et de galeries dans lesquels circulent les wagonnets tirés par des chevaux ; les bennes sont remplies par les enfants et poussées sur les rails par les herscheurs, tandis que les piqueurs battent les quartiers de charbon.

Le fond : une chaleur infernale, des bruits continus, des poussières pénétrantes ; l’angoisse du danger, de l’incendie, de l’éboulement, des inondations et des coups de grisou habite les mineurs qui y descendent chaque jour pendant neuf ou dix heures. Groupés en équipe que surveille le porion, contremaître redouté. Ils négligent souvent la sécurité, parce qu’ils sont payés à la tâche.

La mine, c’est aussi le travail de « jour », le travail en surface, le tri du charbon, le lavage, la manutention. Le « jour » où travaillent les hommes, mais aussi des femmes et des enfants.

La mine, ce n’est pas seulement la fosse, c’est aussi la vie de tous les jours dans un cadre souvent insalubre : le coron qui appartient en général à la compagnie d’exploitation et où toutes les maisons se ressemblent.

La mine, enfin, c’est une tradition dont on hérite par nécessité : on y entre galibot vers douze ans. Métier noble, certes, parce que dur et dangereux, métier où règne une solidarité exemplaire, métier aussi, usant et causant des maladies irréversibles, tuberculose, silicose.

Les premiers exposés sur le front du travail, les mineurs seront les premiers dans les luttes ouvrières. Ce n’est pas un hasard si la mine a symbolisé la révolution industrielle et si le mineur est l’incarnation de la classe ouvrière au XIXe siècle, car le charbon était le « pain » de l’industrie

Émergence de la conscience de classe

Grève

Grève à la Ricamarie © 1948-1914 Toute une histoire

11 juin 1869 : 15 000 mineurs cessent le travail à la Ricamarie.

Depuis 1867, l’atmosphère est particulièrement tendue,

– dans la Loire, plusieurs dizaines de morts et une centaine de blessés par an sont dus aux accidents du travail,

– la journée de travail est de 12 heures,

– l’hygiène est précaire,

– la question du livret ouvrier n’est toujours pas réglée,

– le patron est tout puissant,

– la loi d’assurance de juillet 1868 ne résout pas grand chose.

A ces dures conditions de travail, s’ajoutent le refus des compagnies de la moindre augmentation de salaire et l’attitude non conciliante du ministère de l’Intérieur qui font monter la colère et la haine au cœur des ouvriers : « C’est contre l’ordre juridique, économique, politique et religieux que nous devons tendre nos efforts. » -Varlin-

Le 16 juin, à la Ricamarie, c’est le massacre : 13 morts, 9 blessés ; le 19 juin, s’entament des négociations qui aboutiront à ramener le séjour de l’ouvrier dans la mine à 11 heures et à rediscuter les salaires.

Grève d’Anzin, une des plus longues grèves de l’histoire

grève

dessin sur la grève d’Anzin

1884 : Cinquante six jours de grève à la mine d’Anzin ! La toute puissante compagnie d’Anzin qui règne sur vingt communes et quarante deux mille ouvriers et qui a déjà tenu tête plusieurs fois à « ses » mineurs, remporte la victoire.

La vie syndicale, réorganisée en 1883, est annihilée pour 15 ans.

Pourtant la solidarité ouvrière a joué : Vallès a pu collecter 12 mille francs grâce au Cri du Peuple et Zola n’a pas été le seul à exprimer son émotion devant ce tragique affrontement entre le travail et le capital.

Le capital l’emporte ; il profite de la dépression économique. Waldeck-Rousseau a préféré ne pas intervenir. Basly, le « mineur indomptable » sera élu député-mineur de la circonscription en 1885.

La grève de Decazeville

Watriner, watrineur, watrinage.

En pleine crise industrielle et dans une Compagnie en difficulté, la dégradation des conditions de travail, la diminution des salaires, (opérée pour amortir les outils), la création d’un économat (le président et le vice-président de la coopérative sont des ingénieurs) qui ne sert que les intérêts de la dite Compagnie provoquent un mécontentement général dans la mine de Decazeville. Commencée le 26 janvier 1886, la grève s’étend rapidement. 2000 mineurs cessent le travail.

Au cours d’une manifestation, les grévistes défenestrent l’ingénieur Watrin qu’ils rendent depuis six ans responsable de leurs malheurs. Il meurt sur le coup. Les responsables de sa mort seront condamnés en Cour d’assises. Dans l’immédiat l’armée occupe Decazeville.

Le travail reprend le 29 janvier, mais de nouvelles réductions de salaires entraînent une nouvelle grève le 25 février. A la Chambre, on s’insurge : « nous ne pouvons pas donner 360 000 francs par an à la Compagnie de Decazeville pour mater les ouvriers » déclare le député républicain de la Loire. Le travail reprend après le rétablissement des anciens salaires.

Le meurtre de Watrin restera longtemps célèbre dans les annales anarchistes. Les mineurs de Decazeville sont présentés comme des « justiciers ». Mais cet acte de violence dont les syndicats, encore faibles, ne portent pas la responsabilité, a divisé les socialistes.

Jules Guesde pour sa part souligne l’importance de la grève comme moyen d’action : « elle laisse derrière elle, prêt pour la grande lutte libératrice, un corps d’armée tout entier ».

Coup de grisou

la mine

Catastrophe de Courrières © 1848-1914 Toute une histoire

Forçat des grands centres miniers

Gare à toi si tu bouges

Voici les policiers

Et les pantalons rouges

Mais qu’importe, si dans la mine

on ne peut vivre en travaillant

Mieux vaut mourir en combattant debout

et guerre à la famine.

La mine

Catastrophe de Courrières © 1848-1914 Toute une histoire

Le coup de grisou du 10 mars 1906 à Courrières tue de nombreux mineurs et en bloque plus de mille au fond.

Après l’émotion, c’est la colère : les compagnies sont accusées de vouloir augmenter les rendements sans assurer la sécurité. L’enterrement est suivi d’une immense grève réprimée par l’armée quand après avoir passé 20 jours au fond 13 mineurs remontent, épuisés mais saufs.  La colère redouble : barricades, perquisitions, la mine est en folie ; on craint une révolution. 25 000 soldats sont sur place. Le briseur de grèves – Georges Clemenceau – devient Président du Conseil. C’est la rupture entre les socialistes et une grande partie des radicaux.

Germinal : Histoire naturelle et sociale d’une famille sous le Second Empire.

La mine

La censure et Germinal d’Émile Zola

Un roman « sur la mine et le socialisme » dit Zola.Un reportage ? Non ! même si l’auteur s’est documenté sur les mines de charbon et si, en 1884, il a pris beaucoup de notes pendant la grève d’Anzin.

Ce qu’il veut démontrer, ce sont « les ressorts cachés », « le pourquoi des choses ».

Intégré au cycle des Rougon-Macquart, son roman doit se passer sous l’Empire. Comment y intégrer Souvarine, le »nihiliste »?

Finalement le roman évoque « la lutte du capital et du travail ». Telle est la source de sa prodigieuse fortune. Il s’ouvre à l’espérance : malgré la victoire de la Compagnie, le mineur « devient un homme ».

Naître, venir au monde : c’est Germinal.

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