Le concept de Guerre froide
La Guerre froide est un conflit dans lequel les parties s’abstiennent de recourir aux armes l’une contre l’autre. L’expression, qui a été employée pour la première fois par le prince Juan Manuel d’Espagne, a été reprise par le financier Bernard Baruch au début de 1947, et popularisée par le journaliste Walter Lippmann. Elle désigne habituellement la confrontation soviético-américaine qui a suivi la dissolution, après 1945, de la coalition antihitlérienne. (…)
Invité en 1946 au Westminster collège de Fulton dans le Missouri pour recevoir le titre honorifique de docteur honoris causa, Winston Churchill prononça un discours marquant officiellement l’entrée dans la Guerre froide.
Le président Truman qui assistait au discours de Fulton était un ancien élève de cette université prestigieuse du Missouri.
« De Stettin, dans la Baltique, à Trieste, dans l’Adriatique, un rideau de fer est descendu à travers le continent. Derrière cette ligne se trouvent les capitales de tous les pays de l’Europe orientale : Varsovie, Berlin, Prague, Vienne, Budapest, Belgrade, Bucarest et Sofia. Toutes ces villes célèbres, toutes ces nations se trouvent dans la sphère soviétique, et toutes sont soumises, sous une forme ou sous une autre, non seulement à l’influence soviétique, mais encore au contrôle très étendu et constamment croissant de Moscou. »
Extrait du discours prononcé à Fulton, Missouri, par Winston Churchill, le 6 mars 1946.
De Gaulle et la Guerre froide
Dès son retour au pouvoir en 1958, le général de Gaulle entend mettre en place une réelle politique d’indépendance vis-à-vis des deux Grands. Il dote la France de l’arme atomique en 1960 afin de ne plus dépendre du parapluie nucléaire américain.
En 1966, il opte pour le retrait des forces françaises du système intégré de l’OTAN. Les relations avec l’Oncle Sam demeurent tendues lors de ses visites à Phnom Penh en 1966 et à Montréal en 1967. Au Vietnam, il critique l’engagement militaire américain en Asie du Sud-Est. En Amérique du Nord, il encourage la naissance d’un Québec libre dans un Canada américanisé.
La grandeur de la France passe aussi par l’établissement de rapports privilégiés avec le bloc de l’Est. En 1964, il reconnaît la République populaire de Chine et se rend à Moscou en 1966. L’intense coopération menée avec les pays du Tiers-Monde s’inscrit dans ce refus de la bipolarité du monde.
Pour autant, il ne renonce pas aux alliances traditionnelles. Ainsi, la France reste membre de l’Alliance atlantique et au plus fort de la crise cubaine en 1962, de Gaulle apporte un soutien total au président Kennedy.
La course aux armements
L’arme nucléaire
En 1949, la première bombe atomique soviétique explose. Jusqu’à cette date, les États-Unis sont la seule puissance à maîtriser l’arme absolue. Pour Churchill, véritable faucon au lendemain de Fulton, les Occidentaux devaient profiter de leur monopole momentané pour imposer leurs vues à l’URSS. Cette attitude traduisait l’échec de la commission onusienne Baruch qui voulait étendre à toutes les nations l’utilisation et le contrôle de l’énergie nucléaire à des fins pacifiques.
Lors de la Guerre froide s’engage entre les deux Grands une course effrénée aux armements. Chaque camp ne voit son salut que dans la fabrication d’armes de plus en plus puissantes. Américains et Soviétiques développent d’impressionnants complexes militaro-industriels. La peur réciproque de l’emploi de l’arme atomique, symbole de destruction de l’humanité, impose finalement une forme d’équilibre international. La Guerre froide ne débouche pas sur le troisième conflit mondial. Mais l’Union Soviétique consacre près de la moitié de son budget à la fabrication d’armes de terreur.
Un ensemble d’accords sur le désarmement nucléaire
1963 : Traité de Moscou afin d’interdire les expériences nucléaires dans l’atmosphère. La France et la Chine qui préparent leur bombe atomique ne ratifient pas ce traité. 1967 : Traité de dénucléarisation des fonds marins et de l’espace.
1968 : Traité de non-prolifération de l’arme nucléaire.
1972 : Accords SALT 1 .
1979 : Ratification de SALT 2 .
La course à l’espace
Lors de la Guerre froide, la conquête de l’espace devient un enjeu majeur de la rivalité entre les deux superpuissances. Une compétition acharnée s’engage. Chaque succès technologique prend figure de victoire d’un système sur l’autre. Initialement, les Soviétiques mènent la course en tête. Premier homme dans l’espace en 1961, Gagarine devient un héros planétaire. Les Américains prennent leur revanche avec le succès de la mission Apollo. Le monde entier regarde en 1969 les premiers pas sur la Lune de Neil Amstrong. La détente des années 70 conduit Américains et Soviétiques à mener conjointement des missions spatiales. Dans les années 80, confrontée à ses paradoxes économiques et sociaux, l’URSS ne suit que difficilement le challenge spatial.
L’espace à l’heure de la détente Image de synthèse représentant le premier rendez-vous américano-soviétique de l’espace le 5 juillet 1975. À gauche, la capsule américaine Apollo XVIII prête à s’amarrer à la capsule soviétique Soyouz à droite: rapprochement symbolique.
Des avancées diplomatiques
Le chancelier allemand, Willy Brandt avec l’aval américain peut entamer sa politique à l’Est (Ostpolitik) de rapprochement entre la RFA et la RDA. La Chine est réintégrée dans le concert onusien en septembre 1971. Le président Nixon se rend en février 1972 à Pékin.
La coexistence pacifique
Au lendemain de la construction du Mur de Berlin et de la crise cubaine des missiles, les deux Grands prennent conscience des dangers d’une confrontation directe pouvant aboutir à la destruction de l’humanité par le feu nucléaire. Un dialogue débute, qualifié de coexistence pacifique. Cette amélioration des relations internationales reste cependant entachée par de nombreux conflits périphériques (Vietnam, guerre des Six jours, guerre du Kippour, Angola, Mozambique), preuve des limites du dégel entre Américains et Soviétiques. De plus, les Américains conçoivent la coexistence pacifique comme l’entérinement du monde hérité de Yalta alors que les Soviétiques l’abordent comme une autre façon de continuer la Guerre froide.
La coexistence pacifique dans le discours politique soviétique et américain. Deux conceptions différentes de la »détente »
De retour des États-Unis en octobre 1959, Khrouchtchev définit devant le Soviet suprême sa conception de la coexistence pacifique, imposée par le danger d’une guerre nucléaire. »Actuellement, une évaluation plus sobre de la situation, une compréhension plus raisonnable de l’équilibre des forces sur la scène internationale se manifestent de plus en plus en Occident. Et une telle compréhension des choses conduit inévitablement à la conclusion que les plans prévoyant l’emploi de la force contre le monde socialiste devraient être relégués dans les archives. La vie elle-même exige que les pays ayant des systèmes sociaux différents doivent apprendre à vivre ensemble sur notre planète, à coexister pacifiquement . (…) La reconnaissance de l’existence de deux systèmes différents, la reconnaissance à chaque peuple du droit de régler lui-même tous les problèmes politiques et sociaux de son pays, le respect de la souveraineté et l’application du principe de la non-ingérence dans les affaires intérieures, le règlement de tous les problèmes internationaux au moyen de pourparlers, voilà ce qu’implique la coexistence pacifique sur une base raisonnable. (…) Le principe même de coexistence pacifique entre États aux systèmes sociaux différents implique des éléments de concessions mutuelles, la prise en considération des intérêts réciproques car on ne saurait, autrement, édifier les relations normales entre États. Quant aux questions idéologiques, nous nous en sommes tenus et nous nous en tiendrons, inébranlables tel un roc, aux principes du marxisme-léninisme. Les problèmes idéologiques ne peuvent être réglés par la force et on ne peut imposer à un État l’idéologie qui règne dans un autre État. Aucun homme sensé n’a jamais admis que les litiges d’ordre idéologique ou les questions relatives au régime social de tel ou tel autre pays doivent être réglés par la guerre. Les capitalistes n’approuvent pas le système socialiste , notre idéologie, nos conceptions leur sont étrangères. Dans une égale mesure, nous, citoyens d’États socialistes, nous n’approuvons pas le régime capitaliste et l’idéologie bourgeoise. Mais, il nous faut vivre en paix et régler les problèmes internationaux qui se présentent par des moyens pacifiques seulement. De là découle la nécessité de faire des concessions mutuelles. » Extrait de Les mémoires de l’Europe, tome VI, L’Europe moderne, sous la direction de Jean-Pierre Vivet, Éditions Robert Laffont, Paris, Discours de John Kennedy
Université américaine, Washington, D.C., le 10 juin 1963. »Quelle sorte de paix je veux évoquer ? Quelle sorte de paix recherchons-nous ? Non une Paix Americaine imposée au monde par les armes de guerre américaines , non la paix du tombeau ou la sécurité de l’esclave. Je parle de la paix authentique, la sorte de paix qui fait que la vie sur terre vaut d’être vécue , la sorte de paix qui permet aux hommes et aux nations de croître, d’espérer et d’édifier une vie meilleure pour leurs enfants , non seulement la paix pour les Américains, mais la paix pour tous les hommes, non seulement la paix dans notre temps, mais la paix dans tous les temps. Je parle de la paix en raison du nouvel aspect de la guerre. La guerre totale est absurde en un âge où les grandes puissances peuvent maintenir de puissantes forces nucléaires relativement invulnérables et refuser de capituler sans avoir recours à ces forces. Elle est absurde en un âge où une seule arme nucléaire représente près de dix fois la force explosive de toutes les armes lancées par les forces aériennes alliées pendant la Seconde Guerre mondiale. Elle est absurde en un âge où les poisons mortels produits par l’emploi réciproque d’armes nucléaires seraient transportés par le vent, par l’eau, par le sol et par les graines jusqu’aux coins les plus reculés du globe et contamineraient les générations à venir. (…) Je parle donc de la paix comme de la fin nécessaire et raisonnable que doivent envisager des hommes raisonnables. J’ai conscience que la poursuite de la paix n’est pas aussi spectaculaire que celle de la guerre, et souvent les termes employés par ceux qui la poursuivent tombent dans des oreilles lasses. Mais nous n’avons pas de tâche plus urgente. Certains disent qu’il est vain de parler de paix mondiale, de droit mondial ou de désarmement mondial, et que cela sera vain aussi longtemps que les dirigeants de l’Union Soviétique n’adopteront pas une attitude plus éclairée. J’espère qu’ils le feront, je crois que nous pouvons les y aider. Mais je crois aussi que nous devons examiner notre propre attitude, sur le plan individuel comme sur le plan national, car notre attitude est aussi essentielle que la leur. (…) Premièrement, réexaminons notre attitude vis-à-vis de la paix elle-même. Trop d’entre nous pensent qu’elle est impossible, qu’elle est irréelle. Mais c’est une conception dangereuse, défaitiste. Elle mène à la conclusion que la guerre est inévitable, que l’humanité est condamnée, que nous sommes sous l’emprise de forces que nous ne pouvons contrôler. Il n’y a pas de raison d’accepter cette façon de voir. Nos problèmes sont créés par l’homme, ils peuvent donc être résolus par l’homme. Et l’homme peut être aussi grand quand il le veut. (…) La paix mondiale, comme la paix locale, n’exige pas que chaque homme aime son voisin. Elle exige que tous vivent en intelligence, soumettent leurs différends à un mode d’arbitrage juste et pacifique. Et l’histoire nous enseigne que les inimitiés entre nations comme entre individus ne sont pas éternelles, quelque profondément enracinées que puissent sembler nos sympathies et nos antipathies. (…) Deuxièmement, réexaminons notre attitude vis-à-vis de l’Union Soviétique. (…) Aucun gouvernement, aucun système social n’est si mauvais que le peuple qu’il représente doive être considéré comme manquant de toute qualité. Nous, Américains, nous avons une aversion profonde pour le communisme, en tant qu’il constitue une négation de la liberté et de la dignité de la personne. Mais nous pouvons encore rendre hommage au peuple russe pour ses nombreuses réalisations dans le domaine de la science et de l’espace, du développement économique et industriel, de la culture et du courage. Parmi les nombreux traits que les peuples de nos deux pays ont en commun, aucun n’est plus fort que notre haine commune de la guerre. (…) Troisièmement, réexaminons notre attitude vis-à-vis de la Guerre froide. Rappelons que nous ne sommes pas engagés dans un débat où nous chercherions à multiplier les sujets de dissension. Nous ne sommes pas ici pour distribuer le blâme ou désigner le coupable du doigt. Nous devons prendre le monde tel qu’il est et non tel qu’il aurait pu être si l’histoire des dix-huit dernières années avait été différente. (…) Nous ne voulons pas imposer notre système à tout un peuple qui n’en veut pas, mais nous voulons et nous pouvons nous engager dans une compétition pacifique avec n’importe quel autre système sur la Terre . » The Burden and the Glory§, John F. Kennedy.
Des relations commerciales
1972 : en échange de produits agricoles et technologiques américains, l’URSS livre gaz et pétrole aux États-Unis.
Un acte majeur, les Accords d’Helsinki
1975 : à Helsinki en Finlande, Brejnev pour l’Union Soviétique et Ford pour les États-Unis ratifient les points suivants :
– Dans le droit international, reconnaissance de l’indépendance politique des États et du non-recours à la force pour régler les conflits. Inviolabilité des frontières de l’Europe héritées de 1945.
– Les droits et les libertés fondamentales de l’homme sont reconnus par les deux Grands.