Étude pour Un Dimanche après midi à la Grande Jatte de Georges Seurat

Georges Seurat

Étude pour Un dimanche après midi à la Grande Jatte de Georges Seurat – Musée d’Orsay

Vibration chromatique

« Rien n’est moins heureux pour caractériser l’art patient, réfléchi, sûr, d’un Seurat, que ce mot impressionniste, disant plutôt le soudain de la vision, rattrapage du fugitif dans la nature, la fixation de la minute d’un mouvement ou d’une lumière et aussi le hasard », cette réflexion de  Verhaeren convient fort bien à cette étude de Seurat.

Passer un dimanche à l’étude du coin droit de la Grande Jatte. Peints sur le motif, trois groupes s’inscrivent dans cette perspective atmosphérique. Les dames, assises dans l’ombre, y resteront. Les petites filles s’évanouiront dans la lumière, les jeunes gens aussi. Seules les formes simplifiées et de petites touches rondes rejoindront l’intemporelle. Pour comprendre ce passage vers le pointillisme, observez bien la couleur.

1884 – 15,5 cm x 25 cm

Monotone et patiente tavelure

Les avis sont partagés : « Inénarrable », « des bonshommes en bois pour une fantaisie égyptienne » ; les naturalistes y virent « une ribouldingue dominicale de calicots, d’apprentis charcutiers, de femmes à la recherche d’aventures », tandis que Paul Adam « admirait, dans la raideur des personnages, des cortèges pharaoniques » et que l’hellène Moreas y voyait « des processions panathénaîques ».

Présenté à la dernière exposition impressionniste en 1886, l’œuvre de Georges Seurat Un dimanche après-midi à l’île de la Grande Jatte fait figure de manifeste pointilliste. C’est l’école du « petit point ». « Un des éléments essentiels du contraste simultané est le suivant : deux couleurs voisines ont une influence réciproque, chacune imposant à l’autre sa propre complémentaire… employées en juxtaposition, les petites touches iront se fondre dans l’œil et non sur la palette, recréant ainsi la lumière ».

Sujet

Cette petite peinture à l’huile fait partie de l’énorme travail préparatoire à la grande toile conservée à l’Art Institute de Chicago que Georges Seurat peignit deux années durant de 1884 à 1886. Seurat a peint et dessiné chaque élément de ce monument du pointillisme, pendant même la réalisation de cette grande toile, y ajoutant un singe aperçu la veille sur le bord de l’eau ou un chien, ou une barque. Il s’agit ici d’une esquisse qui concerne le coin droit à l’extrémité du tableau. La grande toile achevée illustre selon les théories du mélange optique les loisirs des parisiens en banlieue sur une île de la Seine.

Composition

Il n’y a pas de perspective linéaire dans cette esquisse, nous avons affaire ici avec une parfaite perspective atmosphérique dont l’espace est indiqué par l’éloignement des formes et les zones de lumière et d’ombre.

Trois groupes de personnages, les deux femmes à droite, trois hommes à gauche, et deux petites filles à l’arrière plan. Les deux femmes sont assises dans une zone d’ombre près du landau. Un peu plus loin deux fillettes dans la lumière du soleil ; elles ne figureront pas dans l’œuvre, leur place étant occupée par un couple, enfin un groupe de trois jeunes gens deux couchés sur le ventre, un autre assis regardant vers le fleuve, ces personnages disparaîtrons aussi de la version définitive.

Ces groupes de personnages sont, pour les deux femmes et les trois jeunes gens inscrits dans des triangles, les deux petites filles se dirigeants vers le bord de l’eau sont, elles verticales. A part les deux enfant la verticalité dans le tableau est donnée par les troncs d’arbres qui reçoivent presque tous la lumière du soleil.

 

Couleur, lumière

La lumière dans toutes ces petites esquisses est sublime, elles ont ce côté d’exécution sur le motif irremplaçable quant à la fraîcheur du « saisi » et de la lumière. C’est une lumière zénithale, lumière de la fin de la matinée sans doute et différente de celle de la version définitive qui est une lumière de fin d’après-midi. Les dames sont à l’ombre, des trois jeunes gens deux tournent le dos au soleil, les deux petites filles, une en blanc l’autre en bleu et rose marchent vers la gauche du tableau, elles sont le point culminant de la lumière dans le tableau.

Le traitement de la couleur est ici réaliste, Seurat a refroidi les ombres des arbres sur la pelouse avec du bleu outremer pur ou mélangé au vert.

Les zones ensoleillées sont en vert clair mêlé à l’ocre jaune, les troncs dans leur partie qui reçoit la lumière ont été travaillés avec la terre de Sienne brûlée et l’ocre rouge. Ce que l’on voit des feuillages est traité avec un autre vert tirant un peu vers l’émeraude pour finir à droite dans l’outremer aussi.

Matière, forme

Seurat n’a pas encore commencé le pointillisme dans ces esquisses, il reste dans la manière de la baignade à Asnières en petits coups de pinceau croisés. Sa première manière est liée à l’expérience impressionniste et à la restitution d’une lumière par le moyen pur de la peinture, au détriment même de la lisibilité du tableau.

C’est en réalisant La Grande Jatte qu’il créera la discipline divisionniste et traversera le miroir de l’impressionnisme avec l’arme prétexte de la science. Ce flou, cette vibration étonnante de la lumière dans cette petite peinture doit pourtant déjà quelque chose aux théories de Chevreul ; pour en donner un exemple la robe de la femme assise est faite de petites touches roses et bleues, Seurat n’a pas cherché à foncer ces deux couleurs

Pour faire l’ombre, il a seulement éliminé le rose ce qui donne à son ombre une très grande légèreté.

Seurat était un grand dessinateur ; dans cette rapide esquisse ou « croqueton », à mi-chemin entre l’impressionnisme et le divisionnisme pointilliste de la toile définitive, par la juxtaposition de couleurs complémentaires et les ombres bleues, les formes sont simplifiées, solides, presque géométriques. L’œuvre achevée donnera une impression d’intemporalité.

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