Deux lutteurs, un gendarme et son sabre pour tout service d’ordre, des spectateurs respectueux. En Bretagne en 1890, la lutte bretonne, ou Gouren, était une grande fête.
Les lutteurs devaient porter une chemise de toile et combattre debout. Le but du jeu est d’envoyer son adversaire par terre. On ne gagne que s’il tombe sur les deux omoplates. Pour cela, on attrape l’autre par la chemise et on essaie de faire un « kliked », un crochet de jambe, pour le faire tomber. Paul Sérusier appartenait au groupe des Nabis qui cherchaient à peindre la vie quotidienne au moyen d’un dessin très simplifié et de couleurs profondes.
On pourrait reproduire à propos de ce tableau le même dialogue que pour Le Talisman. Paul Gauguin aurait pu dire à Sérusier
« – comment voyez-vous cette herbe?
– elle est jaune!
– mettez du jaune, le plus beau jaune de votre palette ».
Les spectateurs, habillés de noir, sont bien sagement alignés pour regarder le spectacle. Seule tache de couleur vive parmi eux, le tablier rouge d’une Bretonne. Les coiffes blanches et les chemises des hommes sont bleues à force d’être trop blanches. Les chemises des lutteurs sont presque aussi jaunes que l’herbe qui occupe près de la moitié du tableau. Le roux des cheveux d’un des lutteurs répond à la couleur de leurs pieds disproportionnés.