1862 – Un public considérable se bouscule à la leçon inaugurale de Renan, bien autre que la trentaine d’auditeurs qui s’intéresse à l’hébreu. La séance est houleuse.
« Jésus, un homme incomparable, si grand que, bien qu’ici tout doive être jugé au point de vue de la science positive, je ne voudrais pas contredire ceux qui, frappés du caractère exceptionnel de son œuvre, l’appelle Dieu, opéra une réforme du judaïsme si profonde, si individuelle, que ce fut à vrai dire une création de toutes pièces. » A ces mots, les attaques fusent :
« On ne peut supporter de voir l’explication de livres sacrés confiés à un professeur qui ne partage pas nos croyances surnaturalistes. »
« En acceptant cette chaire d’un gouvernement dont vous n’approuvez pas tous les principes, vous faites le sacrifice de vos idées. »
Reste que la grande part de l’auditoire soutient Renan.
Malgré cela, quelques jours plus tard, par un arrêté du ministre de l’Instruction publique, en date du 26 février, le cours de Monsieur Renan est suspendu jusqu’à nouvel ordre. La raison ? Exposition « de doctrines qui blessent les croyances chrétiennes, et qui peuvent entraîner des agitations regrettables. »
La vie de Jésus de Renan ne fait pas l’unanimité!
Renan 1871 : Réforme intellectuelle et morale : reconquérir les provinces perdues
La perte de l’Alsace et d’une partie de la Lorraine et l’issue de la Commune ont plongé le pays dans le pessimisme. L’interrogation de Renan reflète l’état d’esprit qui règne alors en France dans les partis politiques. « Reprenons tous ensemble les vrais et grands problèmes, les problèmes sociaux qui se résument ainsi : trouver une organisation rationnelle et aussi juste que possible de l’humanité. »
Après avoir constaté l’échec de la démocratie pure et du suffrage universel en 1789 et en 1848, Renan poursuit : « créez à l’homme en dehors de l’État et par delà la famille une association qui l’élève, le soutienne, le corrige, l’assiste, le rende heureux, ce que fut l’Église et qu’elle n’est plus, ou encore : « on est aujourd’hui trop naïf à parler de modération, de justice, de fraternité, de la reconnaissance et des égards que les peuples se doivent entre eux. »
Enfin, « la France d’ici longtemps n’aura plus qu’un objectif : reconquérir les provinces perdues. »
Renan Ernest, écrivain français
1823 (Tréguier) – 1892 (Paris)
La vie et l’œuvre de Renan sont dominées par le christianisme dont il rejette la croyance tout en en gardant le respect, et par le scientisme auquel il adhère comme à une religion.
Après avoir renoncé à la prêtrise, il rencontre Marcelin Berthelot, s’enthousiasme pour la science et ses méthodes. En 1848, année où il est reçu à l’agrégation de philosophie, il écrit L’Avenir de la science, un cri d’espoir et de confiance qui ne sera publié que deux ans avant sa mort.
Renan est l’auteur d’un grand nombre d’ouvrages d’histoire et de philosophie. Mais son œuvre maîtresse est L’Histoire des origines du christianisme, dont le premier tome, La Vie de Jésus, en 1863 fait scandale. Il y exalte les vertus humaines du Christ et en écarte l’aspect divin. Pour les croyants, il est un renégat ; pour les autres, un champion de la libre pensée.
Sous la IIIe République, Renan retrouve sa chaire au Collège de France d’où Napoléon III l’avait chassé. Académicien, il devient une sorte de personnage officiel. Marqué par la guerre de 1870 et par la Commune, il incline vers des positions conservatrices qui le rattachent à l’École traditionaliste. Dans ses Souvenirs d’enfance et de jeunesse, il a rendu compte lui-même de son propre itinéraire intellectuel.
1838 : entrée au petit séminaire de Paris
1845 : Renan renonce à devenir prêtre
1863 : La vie de Jésus
1863-83 : Les Origines du christianisme
1871 : La Réforme intellectuelle et morale
1876 : élu à l’Académie française
1883 : administrateur du Collège de France – Souvenirs d’enfance et de jeunesse
1887-93 : Histoire du peuple d’Israël
1890 : publication de l’Avenir de la science