La morue séchée ou stockfisch

Dès qu’on arrive dans les villages côtiers de Norvège au nord du cercle polaire, l’odeur le morue séchée est omniprésente, comme un âpre accompagnement de la nature. Au nord du cercle polaire, les petits villages, sur la côte ou dans les îles, ne vivent que de la pêche.

Les séchoirs à morues découpent leur silhouettes de bois.

Sur les murs de la plupart des maisons sèchent des morues. Les maisons de pêcheurs, bardées de bois, sont souvent de ce rouge brique bien particulier, mais sont parfois gris clair ou blanches, toujours implantées au bord de l’eau, souvent sur pilotis dans certains villages ou même arrimées par des haubans.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les séchoirs où sont pendues les têtes sont les plus impressionnants. Après avoir demandé ce qu’on faisait de ces têtes de morue, aux Polonais saisonniers employés à les dépendre et les transporter dans des hangars, après avoir posé la même question aux Norvégiens propriétaires des hangars où ils conditionnent les têtes en cages de 2mx2m environ, j’ai toujours obtenu la même réponse: on envoie ça en Afrique. En insistant pour connaître l’économie d’un tel transport, j’obtenais comme réponse : c’est plein de protéines et ils en font de la soupe. Bref, personne n’a pu me dire qui gagnait quoi dans cette affaire et par qui c’était subventionné. Si quelqu’un peut me répondre…

Ce qui est clair en tout cas, c’est que la grande partie des morues séchées est exportée au Portugal. Les Portugais les cuisinent en bacalhau (c’est le plat le moins cher dans les restaurants norvégiens). La grande partie des têtes de morues séchées est exportée au Nigéria apparemment. Je sais qu’ils disent vrai pour le Portugal alors pourquoi l’exportation des têtes vers l’Afrique serait-elle un plaisanterie? Mais quand même, qui paye??? Et pourquoi les Africains ne pêcheraient-ils pas, surtout au Nigéria qui a une belle façade océanique?

J’ai dit villages côtiers, mais c’est un pléonasme dans le nord-ouest de la Norvège: tous les villages sont sur la côte. Il suffit de regarder une carte des Lofoten pour voir qu’il n’a pas de route qui ne longe pas la mer.

L’expérience Stockfisch

Un couple de Norvégiens m’a proposé un soir de dormir chez eux. C’était à Utakleiv, dans les Lofoten, pas même 100 habitants. Ils m’ont laissé la clef de leur maison pendant qu’ils allaient faire la fête avec des amis et pendant que de mon côté j’allais à mon traditionnel rendez-vous avec le soleil de minuit. Lorsque je suis rentrée à 2 heures du matin, ils contemplaient la mer en buvant du vin. Ils m’ont proposé de boire et l’homme m’a dit que je ne pouvais pas repartir sans savoir comment manger le stockfisch. Il a sorti un filet de morue séchée, en a détaché un bout et l’a mis à la bouche. Il m’en a proposé un.

Ça se déguste comme le Lindt 99% de cacao : il faut le laisser dans la bouche jusqu’à ce qu’il soit bien imprégné de salive, alors la saveur du poisson envahit le palais.

J’ai évidemment rapporté un filet de stockfisch à Paris et ai proposé, au déjeuner familial de retour de Norvège, de faire l’expérience du stockfisch à l’apéritif. Ma petite fille de 4 ans a goûté, comme tout le monde, en a redemandé plusieurs fois et a voulu emporter le reste chez elle.

Quant à moi, après cette initiation, lors de mes excursions et escalades, je mettais un filet de stockfisch dans ma poche gauche et une bouteille d’eau dans ma poche droite, et je pouvais partir pour la nuit, enfin pas la nuit, puisqu’il faisait jour, mais bref pour huit heures entre 20h et 4h du matin.

Il a vraiment fallu que je lave mon ciré au retour, parce que, même bien enveloppée, la morue séchée, ça schlingue! Curieusement, elle laisse dans la bouche, une fois bien mouillée, un goût très fin…