La notion de Panthéon
« Ombres exemplaires, les grands ancêtres cautionnent l’action des vivants, ils l’inscrivent dans une tradition, ils la raccordent à l’Universel. » Victor Hugo
1870-1875-1880, la République est confortée. Elle cherche à établir ses origines historiques dans un souci de légitimation du présent et capte à son profit l’héritage moral et intellectuel des grands hommes dont elle peut se réclamer, chacun à sa manière ayant contribué à la façonner.
Ses pères fondateurs ? Les philosophes des Lumières, les héros des guerres de la République, les grands Républicains du XIXe siècle. Elle a soin de les réunir en un panthéon, d’en diffuser la mémoire par le texte (on publie alors de nombreux ouvrages intitulés le Panthéon des républicains), de les célébrer par l’image, par la fête. Grandioses sont les funérailles de Quinet, Ledru-Rollin, Louis Blanc, encore plus celles de Hugo, apothéose républicaine. Inoubliable également, le centenaire de la mort de Voltaire en 1878.
Mais surtout, la République inscrit ce panthéon dans la mémoire collective en changeant les noms des rues et en les attribuant à Diderot, Rousseau, Voltaire, Condorcet, Kléber, Hoche et Marceau, Raspail, Barbès, Louis Blanc, Ledru-Rollin, Michelet, Quinet, et à Gambetta et Hugo.
Aux grand hommes, la patrie reconnaissante
La célébration des grands hommes au XIXe siècle crée la mémoire collective de la France. Au Panthéon, Carnot incarne la nation, Hugo le peuple, Schoelcher la liberté.
« L’Ecole normale des morts » accueille les cendres de Zola le 4 juin 1908 en présence du président de la République, des présidents des Chambres, des membres du gouvernement et des corps constitués.
Deux détonations retentissent alors que le cortège se forme pour aller assister au défilé des troupes : deux coups de revolver dirigés sur le commandant Dreyfus viennent rappeler à ceux à qui l’illusion aurait pu faire perdre la mémoire que le Panthéon, au lieu d’être un lieu d’unanimité républicaine, reste le symbole de la rupture entre deux France qui ont du mal à se réconcilier.
Les funérailles de Victor Hugo, une grand-messe républicaine
Hugo meurt le 22 mai 1885. La loi, promulguée le 24 mai, ordonne que des funérailles nationales lui soient faites. Un décret du 26 mai accorde la panthéonisation souhaitée par la municipalité radicale de Paris. Cette décision qui laïcise le Panthéon et le rend au culte des grands hommes suscite de vives polémiques et divise profondément la nation.
Pourtant une foule immense participe, dans la nuit du 31 mai au 1er juin, à la veillée funèbre organisée à l’Arc de Triomphe et le lendemain, le 1er Juin, accompagne le poète jusqu’au Panthéon.
Apothéose d’un poète, communion de tout un peuple autour de celui qui n’a cessé d’incarner son siècle, grande fête de la République, mais aussi un des premiers grands reportages de presse, telles sont les funérailles de Victor Hugo.
Une réhabilitation qui ne calme pas les esprits
« Il n’y a plus d’affaire Dreyfus » déclare un député de gauche. La Cour suprême de Justice vient de casser la décision du Conseil de guerre de Rennes : Dreyfus est réintégré dans l’armée. L’affaire est classée, mais les esprits ne sont pas calmés.
A l’occasion du transfert des cendres de Zola au Panthéon auquel Dreyfus assiste, on lui tire dessus et il est blessé au bras. L’affaire Dreyfus laisse des traces profondes dans les mentalités françaises, les opinions se sont radicalisées au fur et à mesure et les ressentiments restent très vifs des deux côtés. « L’affaire Dreyfus fut, comme toute affaire, une affaire essentiellement mystique. Elle vivait de sa mystique. Elle est morte de sa politique. »-Péguy-
Carnot François Marie Sadi, homme politique français
1837 (Limoges) – 1894 (Lyon)
« Carnot n’est pas très fort et c’est en outre un parfait réactionnaire ; mais il porte un nom républicain, et d’ailleurs nous n’avons pas mieux », dit Clemenceau à la réunion plénière des gauches qui précède en 1887 l’élection du président de la République ; le Congrès réuni, Sadi Carnot est élu dès le 2e tour par 616 voix sur 839 votants.
Il ne mérite pas ce jugement sévère. Il sera un modèle de président de la République, auquel Raymond Poincaré aimera se référer.
Constamment réélu député depuis 1871, il appartient à plusieurs ministères dont celui des Finances avant d’accéder à la magistrature suprême.
Il encourage l’ouverture à l’extérieur et est l’artisan majeur de l’alliance franco-russe. Il contient l’effervescence créée par le boulangisme dans son cadre, impressionnant tout le monde par son sang-froid. Pour lui, « c’est un ennui, pas un danger ».
Sa grande innovation reste l’instauration des voyages officiels de la présidence dans les régions. Carnot en fait de véritables tournées de propagande pour la République. Ses successeurs poursuivront la tradition.
Le président qui a su dominer la crise du boulangisme et le scandale de Panama, tombera sous le poignard d’un anarchiste italien. Il est assassiné à Lyon le 24 juin 1894 par Caserio au cri de « Vive l’anarchie ». Il a droit à des funérailles nationales et est inhumé au Panthéon.
Fils de Lazare Hippolyte Carnot, petit-fils de Lazare Carnot, polytechnicien, ingénieur des Ponts et Chaussées
1870 : nommé préfet à la chute du Second Empire
1871 : élu député républicain
1879-80 : secrétaire d’Etat aux Travaux publics
1880-81 : ministre
1885-86 : ministre des Finances
3 décembre 1887 – 24 juin 1894 : président de la République
Et vous, quelle épitaphe mettriez-vous sur votre tombe?
Épitaphe de epi, sur et taphos, tombe. « Il serait à souhaiter que chacun fit son épitaphe de bonne heure, qu’il la fit la plus flatteuse qu’il est possible et qu’il employât toute sa vie à la mériter. » Marmontel.
Préparez votre épitaphe; même si vous n’êtes pas célèbre, vous êtes unique et il est important de le dire. Traduisez en moins de cent mots votre philosophie de la vie, vos talents, votre essence.
Vous trouverez facilement des exemples d’épitaphes (il y en a trois pages dans le dictionnaire Larousse du XIXe) pour vous aider à rédiger et à trouver un style…après une bonne introspection.
Comment composeriez-vous votre panthéon?
Dans sa toile, l’Atelier du peintre, Courbet a peint ses amis et les personnages politiques marquants. En vue de composer une telle oeuvre, même virtuellement, faites la liste de vos amis, je dis bien vos amis, ceux qui accepteraient de porter le cadavre pour vous si vous les appelez à minuit en leur disant que vous avez un mort dans votre salon.
Puis faites la liste de ceux que vous admirez vraiment pour leur intelligence, leur réussite ou leur talent exceptionnels, que vous les connaissiez intimement ou par leurs oeuvres.