Plaques de rue et statues, un rituel de transmission
Si vous êtes attentif aux plaques des noms de rue attribués à des personnalités et aux statues que vous rencontrez, évaluez quel pourcentage vous connaissez de tous ces héros et héroïnes oubliées ou non.
Intéressez-vous à ces traces du passé: elles ont été réalisées, mises en place et inaugurées, c’est à dire offertes et transmises solennellement à la population…donc à vous.
Faites une recherche sur ceux que vous ne connaissez pas. Car les rues, aux noms dédiés, sont des repères de l’Histoire locale ou nationale et non une simple adresse postale. Mais la plupart du temps, on a oublié les raisons de la célébrité ou des mérites passés de ceux ou celles à qui on a rendu hommage. Et lorsqu’on s’en souvient, des années, voire des siècles plus tard, les raisons de leur célébrité ne correspondent absolument plus aux valeurs en cours… Alors on déboulonne les statues, comme Gustave Courbet, anti-bonapartiste, déboulonne sous La Commune la colonne Vendôme érigée en mémoire de la bataille d’Austerlitz, comme aujourd’hui les statues de tous les hommes liés au colonialisme et à l’esclavagisme.
Aujourd’hui, ce rituel d’hommage aux « héros » est en voie de disparition mais un rituel est toujours remplacé par un autre. Par quel rituel est-il remplacé?
Aujourd’hui on assiste à des inaugurations de nouvelles plaques de rues qui détaillent la vie de la personnalité qui a donné son nom à la rue. Pour les habitants de la ville, le nom de la rue évoque alors toute une histoire au lieu de n’être qu’un nom inconnu, et pour justifier qu’un nom de rue ait été attribué au « héros », on enjolive le discours sur la plaque.
J’ai ainsi repéré des erreurs historiques sur ces nouvelles plaques de rues « explicatives »!
La statuomanie au XIXe

L’assiette au beurre 1906: La statue de NicolasII, comme base, une belle pyramide dont la hauteur augmente tous les jours (Kirchner et Ch. Jozsa)
La statuomanie se développe à partir de 1830 et sous le Second Empire, connaissant son apogée sous la IIIe République.
Les statues, au XIXe siècle, sont souvent financée par la souscription publique.
La République, fière de ses grands hommes, des plus petits aux plus grands, du moment qu’ils ont foi dans le progrès et qu’ils croient en la perfectibilité de l’homme rend hommage ainsi à ses morts que l’on honore et que l’on respecte : c’est le culte laïc, patriotique et démocratique du « Grand Homme ».
La statue, image et message à la vertu éducatrice, ancrés au cœur de la cité, c’est un peu la nouvelle religion laïque née du XIXe siècle.
Avant le dévoilement, la sculpture ou le monument appartiennent au comité qui a décidé de son importance et a trouvé les financements. Après le dévoilement, le monument devient la propriété de tous. Au XIXe siècle, ce rituel de passage se déroule selon des codes bien précis qui comprend bien sûr les discours, souvent pompeux et la Marseillaise dans le cas des monuments élevés à la gloire de la république (au XIXe) et des monuments aux morts. Ces rituels ont connu leur heure de gloire entre 1870 et 1918 avec la flambée du patriotisme. Hommage aux héros, aux hommes politiques mais aussi aux artistes, les inaugurations de monuments sont également porteuses de message.
Quant aux artistes auxquels on fait appel, choisis sur concours ou pas, ils doivent être capables de se plier aux exigences du style: respecter les codes pour perpétuer la mémoire d’un fait ou d’un personnage.
Il s’agit d’élever une vérité individuelle au rang de vérité typique puis de vérité idéale.
Que faire lorsque la statue ne représente absolument plus la vérité idéale?
C’est un vrai problème! Faire table rase des rituels de transmission, faire table rase du passé, cela ressemble furieusement à des mouvements comme celui de la Révolution culturelle chinoise. Cela n’est pas une solution.
En revanche le problème intéressant est d’essayer de comprendre l’état de la société à une époque donnée qui a permis à des valeurs, aujourd’hui non seulement obsolètes mais inhumaines, d’être érigées en vérité idéale.
Pour aller plus loin, on peut se demander quelles valeurs nous érigeons aujourd’hui en vérité idéale et qui nous horrifieront dans quelques dizaines d’années ou dans un siècle, si nous n’avons pas crevé de chaud d’ici-là au nom de la vérité idéale qui est le dogme de la croissance!
Quels sont vos héros? Si vous n’en avez pas, cherchez-en un et rendez-lui hommage. Vous allez avoir du mal car même les personnes non géniales ont parfois leur nom de rue et leur statue. Découvrez-vous un héros méconnu et rendez-lui la place que vous pensez qu’il mérite et lui faisant du buzz sur Internet en faisant acheter ses oeuvres par un musée, si c’est un peintre et pourquoi pas en lui faisant ériger la statue qu’il mérite, pour remplacer celle de Colbert!
Rendez hommage à un génie méconnu
Vous avez sûrement un génie méconnu du passé que vous défendez.
Si vous n’en avez pas, cherchez-en un.
Vous allez avoir du mal car même les personnes non géniales on parfois leur nom de rue et leur statue. Découvrez un peintre méconnu par exemple et rendez-lui la place que vous pensez qu’il mérite et lui faisant du buzz sur Internet en faisant acheter ses oeuvres par un musée.