Au XIXe siècle, âge d’or du colonialisme,
les révoltes des peuples grondent déjà.
La notion de droit des peuples à disposer d’eux-mêmes se fait jour, mais la France qui prône ce droit, en exclut ses colonies!
Les exemples ci-dessous éclairent bien des événements d’aujourd’hui : la problématique n’a guère changée : course aux matières premières, contrôle des positions stratégiques et lutte pour imposer sa morale et sa religion.
Nous n’appelons plus « colonialisme » ces arrangements entre plus forts, la conquête a pris d’autres formes : maintien des populations dans la pauvreté, exaspération et provocation de luttes tribales, de querelles religieuses, entretien de la corruption, soutien aux dictateurs tant qu’ils acceptent les offrandes pour fermer les yeux sur le pillage de leurs pays, etc.
La France et ses colonies au XIXe
Dès la Monarchie de Juillet, l’intérêt pour l’expansion coloniale se concrétise : des expéditions sont organisées. C’est la politique des points d’appuis, ou comptoirs. La seule vraie conquête est celle de l’Algérie.
Sous le Second empire, Napoléon III donne une impulsion à la politique coloniale. On développe le commerce au Sénégal. On « pacifie » et on peuple une Algérie qui devient terre d’accueil pour les transportés, opposants au régime après le coup d’Etat.
Au Levant, la présence française existe grâce à l’ouverture du canal de Suez. En Extrême-Orient, on essaie d’ouvrir la porte de la Chine pour développer le commerce, et l’on évoque la nécessité de protéger les missions catholiques pour occuper Saïgon, puis établir le protectorat français au Cambodge et organiser une expédition au Laos.
Sous la Troisième République, l’expansion coloniale est méthodiquement organisée, l’Empire devient une réalité. Les nouvelles industries ont besoin d’exporter pour investir, l’équilibre européen devient mondial.
« La politique coloniale est fille de la politique industrielle. » -Jules Ferry-
On développe tous les moyens pour réussir : découverte, exploration, Société de Géographie, conquête pacifique et militaire, administration et colonisation agricole. Le parti colonial (1890) est un groupe de pression non négligeable. Les territoires dépendent du ministère des Colonies, créé en 1894.
Sous l’idée de « civiliser », mission de « race supérieure » -Jules Ferry-, l’exploitation est dure : en fait, les colonisés sont dépossédés et doivent travailler dans des conditions difficiles. L’industrie est peu développée pour ne pas concurrencer celle de la métropole. Le régime douanier protectionniste permet aux industries déclinantes de vendre cher sur un marché protégé. On ne tient pas compte des résistances des peuples colonisés qui commencent à se manifester.
1854 : Vers le Sahara, pour la civilisation.
Le général Faidherbe, au Sénégal depuis deux ans, où la France possède des comptoirs sur le littoral et deux postes militaires : Saint-Louis et Gorée, est partisan d’une politique de pénétration ; il veut créer une liaison saharienne vers l’Algérie pour constituer « un bloc français », hâter dans les faits l’abolition de l’esclavage et développer l’influence de la « civilisation ».
En avril 1854, il obtient 600 volontaires venant de Saint-Louis et, avec eux, conquiert le Tata, réputé imprenable parce que défendu par 2 000 terribles guerriers. Le gouvernement, soucieux de poursuivre une politique de continuité, le nomme gouverneur du Sénégal.
Dès février 1855, le gouverneur Faidherbe attaque les Azouna qu’il met en déroute. Les Walo, auparavant opprimés par les Azouna, s’allient avec leurs oppresseurs contre les Français. Faidherbe entre dans leur pays et leur inflige une défaite qui incite les populations au respect du conquérant. « Ce ne sont pas des hommes que nous venons de combattre, mais des démons, » vont-ils crier dans tous les villages.
C’est le début de la période expansionniste en Afrique noire.
1857 : La campagne victorieuse de Kabylie achève la conquête de l’Algérie
Sous la pression du gouverneur Randon, Napoléon III autorise l’encerclement du massif montagneux que défendent les tirailleurs kabyles.
La capture de la maraboute qui incarne la résistance nationale met fin aux combats après quarante cinq jours de lutte et entraîne la soumission des dernières tribus indépendantes.
1857 : Les débuts de l’AOF
Le principal point d’ancrage de la colonie française au Sénégal est encore, à cette date, l’île de Gorée et les commerçants s’y trouvent à l’étroit.
En 1856, Dakar (en face de l’île sur la côte) n’est déjà plus un village indigène ; le commandant Protet y arbore le drapeau français en 1857, favorisant ainsi le développement de la ville qui devient peu à peu un centre commercial important et, grâce à la fondation du port, en 1863, la capitale de l’Afrique occidentale française.
1857 : Révolte des Cipayes : une population opprimée
(Les Anglais eux aussi ont leurs problèmes!)
« La révolte de nos soldats au Bengale n’a pas été celle de troupes qui se lèvent pour venger une injure particulière ; elle a été l’explosion de ressentiments d’une population opprimée et qui n’attendait qu’une occasion pour la faire éclater. » -Disraeli à la Chambre des Communes-
L’occasion ou le prétexte ? Les nouvelles cartouches qu’il faut déchirer avec les dents seraient graissées à la graisse de vache (animal impur aux yeux des Cipayes hindous) ou à la graisse de porc (animal impur aux yeux des Cipayes musulmans). Les Cipayes du régiment de cavalerie, stationnés à Meerut, se révoltent et massacrent officiers britanniques, femmes et enfants, s’emparent de Delhi, la capitale et rétablissent le vieil empereur, Bahadur Shah.
Les Britanniques, un moment débordés parce que surpris, répondent par des représailles atroces. « Ce que nous avons à apprendre aux partisans de Mahomet, et aux adorateurs de Vichnou, c’est que, quelles que soient leur foi et leur caste, nous traiterons les meurtriers comme des chiens » -le Times-. La révolte, peu soutenue par le peuple, est vaincue avant qu’elle ait pu s’étendre géographiquement.
En Europe, l’émotion est grande ; assez peu en Inde, disent les observateurs locaux. En Angleterre certains commencent à être conscients que la Couronne n’a qu’un contrôle théorique. « L’Inde est pour nous une source de faiblesse politique. » -Richard Congreve-
1860 : Au nom des nécessité du commerce. Le sac du Palais d’été en Chine
La crise dans laquelle entre la Chine et ses 400 millions d’habitants au milieu du XIXe siècle n’est pas due qu’aux « diables d’étrangers », car « les principes confucéens qu’ils avaient cru universels n’étaient pas des principes religieux, auxquels le croyant put adhérer dans le fond de son cœur, mais des principes sociaux que seul l’usage social pouvait préserver. »-Mary Wright, 1957-
Elle est l’aboutissement d’une détérioration interne : pression démographique, faible popularité de la dynastie mandchoue, vigueur et fréquence des révoltes paysannes plus ou moins contrôlées par des sociétés secrètes qui recrutent aussi dans la plèbe urbaine à dominante religieuse, au nord regroupées autour du Lotus blanc (société du Grand Couteau, société des Boxers), plus politiques et nationalistes au sud où le slogan de la Triade est : « renversons les Qing et restaurons les Ming ».
S’étend alors dans la Chine tropicale une des plus grandes insurrections de l’histoire : celle des Tan Ping qui abandonnent la natte, signe de l’asservissement aux Mandchous, instituent un régime communautaire, égalitariste et théocratique, puritain et féministe. Capitale : Nankin.
C’est la région la plus riche de l’empire qui fait sécession.
Pendant ce temps, les états occidentaux, l’Angleterre et la France d’abord, l’Allemagne et la Russie ensuite, parviennent à imposer à la Chine affaiblie soit la cession coloniale de certains territoires, soit des « traités inégaux » (privilèges d’exterritorialité, cession à bail de zones portuaires actives, droit de percevoir les douanes etc.). C’est le dépècement de la Chine (breakup of China).
Les puissances européennes invoquent, pour se justifier, la raison de protection des missions catholiques implantées en Chine et en Indochine. La protection des missionnaires est un devoir qui englobe le commerce et ses nécessités.
Une nouvelle expédition conduit les alliés occidentaux jusqu’à Pékin et les soldats envahissent le palais d’Eté, saccageant et pillant des lieux chers à la mémoire chinoise. Les Chinois considèrent que ces actes qui ont conduit jusqu’à l’incendie du palais d’où le souverain chinois s’est enfui, sont l’œuvre d’êtres vils et méprisables, modèles d’ignorance et de grossièreté. Ils sont contraints toutefois de signer un nouveau traité en 1860 (conventions de Pékin) qui fixe les indemnités à payer aux Français et aux Anglais, autorise l’ouverture de légations à Pékin et l’installation des missions religieuses dans l’intérieur de l’empire.
1863 Insurrection polonaise
« On ne tue pas une nation ; la Pologne revivra…entière, en tous ses membres. »*
Depuis 1831, un drame lugubre se joue par intermittence en Pologne. En janvier 1863 la pression russe est plus forte que jamais, et pour échapper à l’enrôlement dans l’armée du tsar, les jeunes Polonais se réfugient dans les bois ; les paysans transforment leurs faux en armes redoutables avec la bénédiction du clergé catholique ; et des officiers français viennent entraîner les insurgés.
« La Pologne est une digue élevée contre la Russie. Si vous permettez qu’elle soit renversée, l’Europe courra le risque d’être submergée tôt ou tard » disent les Français.
« Hachez les Polonais jusqu’à ce qu’ils en meurent… chaque victoire du mouvement nationaliste en Pologne est une défaite pour la Prusse », dit Bismarck.
La répression est sanglante, l’insurrection est écrasée, les troupes russes campent à Varsovie et le tsar, roi de Pologne, mène un politique intense de russification.
*Michelet
1868 : Fondation des Pères Blancs :
la société des Missionnaires d’Afrique
1867 : Charles Lavigerie est nommé délégué Apostolique du Sahara et du Soudan. Il y va « comme un soldat va au poste du péril un jour de combat ». Il est bien décidé à conquérir la liberté d’apostolat, refusée en Afrique depuis 1830. Il a à combattre Mac-Mahon, gouverneur d’Alger, qui lui reproche de vouloir s’attaquer directement aux sentiments religieux des musulmans, et l’Empereur lui-même.
Napoléon III « Il est indispensable que Mgr Lavigerie ne retourne pas en Afrique, la tranquillité de la colonie est à ce prix. L’Algérie n’est pas une colonie proprement dite, mais un royaume arabe ».
Lavigerie passe outre et les 90.000 morts causés par le choléra en 1867, les 20.000 morts de faim en 1868 l’encouragent au nom de la charité chrétienne à fonder son œuvre nouvelle « destinée à fournir des missionnaires aux contrées de l’Afrique du Nord situées en dehors de la domination française ». En fait il s’agit de relier entre elles les colonies de l’Algérie et du Sénégal récemment conquis, » d’y introduire un élément actif d’assimilation et de conquêtes morales ».
1876 : Les horreurs de Bulgarie : une victoire de la morale politique
Des horreurs en Bulgarie ? Les témoignages recueillis par le Daily News ne « sont que des bavardages de café », affirme le premier ministre britannique, Disraeli.
« Malheureusement une réalité », confirme Gladstone, leader de l’opposition libérale dans un pamphlet, Les Horreurs de Bulgarie et la question d’Orient: il y décrit les atrocités que les Irréguliers turcs, les Bachi-bouzouks, font subir aux chrétiens des Balkans.
Gladstone préconise la guerre. Ce n’est pas l’avis de Disraeli, que soutient la reine Victoria. Il attache, pour sa part, une grande importance à l’intégrité de l’empire ottoman qui fait barrage à l’influence russe dans les Balkans et protège la route des Indes. Il défend cette position au Congrès de Berlin pour empêcher les Russes de conserver les avantages acquis pendant la guerre russo-turque.
Au cours de la campagne électorale qui suit ces événements, Gladstone reprend inlassablement le thème : »les exigences morales doivent guider la politique britannique » et parvient, en provoquant la défaite de Disraeli, à assurer sa propre victoire.
1878 : le congrès de Berlin « L’homme malade » de l’Europe dépecé
La victoire des Russes sur les Turcs provoque un congrès réuni à Berlin par Bismarck. Les Anglais et les Autrichiens s’inquiètent que l’on touche aux frontières de la Turquie.
La France accepte de se rendre à Berlin à condition qu’il n’y soit pas question de l’Egypte, du Liban et des Lieux Saints.
Le congrès entérine le démembrement de l’empire ottoman : la Serbie et la Roumanie deviennent des états indépendants. Une nouvelle Province autonome, la Roumelie, est créée. La Grèce annexe une partie de la Thessalie et de l’Epire. L’Autriche occupe la Bosnie et l’Herzégovine, la Russie, les régions de Kars, Ardahan et Batoum.
Tous ces accords se font sur le dos de l' »homme malade » de l’Europe : l’Empire ottoman. L’Angleterre à qui échoit Chypre en profite pour se mettre d’accord avec la France et l’Italie sur le partage de l’Afrique du Nord.
1879 : souveraineté française au Congo: « Le trafic de l’ébène et de l’ivoire »
Longtemps l’embouchure du fleuve Congo n’inspire pas d’autres activités que le trafic d’esclaves et d’ivoire. L’exploration systématique ne commence vraiment que dans la deuxième moitié du XIXe siècle. Elle est l’œuvre de Savorgnan de Brazza. En trois missions successives : la première à l’incitation du ministère de la Marine, la deuxième financée par l’Association Internationale Africaine – section française – présidée par Lesseps, la troisième financée par le ministère de l’Instruction publique. La présence française est solidement établie sur 640 000 km2. Savorgnan sera gouverneur du Congo français jusqu’en 1897.
Première mission : 1875-78 – Remonte l’Ogooué, passe dans la vallée de l’Alima, mais ne parvient pas au Congo.
Deuxième mission : 1880 – Remonte l’Ogooué – Crée Franceville et atteint la rive droit du Congo, fonde Brazzaville.
Troisième mission : 1883-85 – Chavannes crée Leteki – Exploration Likouala Traité de 1887 : fixe les frontières avec l’Etat indépendant du Congo belge.
1880 : première guerre des Boers : l’hégémonie britannique contestée
Le renforcement de la présence britannique en Afrique du Sud pousse les Hollandais et les Français vers le nord où il fondent l’état du Natal, sur les côtes de l’Océan indien. En 1845, les Anglais annexent le Natal ; leurs habitants se voient forcés de créer deux nouveaux Etats, le Transvaal et l’Orange, deux républiques « boers ». Mais des luttes intestines empêchent qu’elles soient vraiment unies et les Anglais en profitent de nouveau, en annexant le Transvaal, d’autant que la découverte de diamants dans la région de Kimberley les intéresse vivement.
Alors que Disraeli est favorable à une fédération en Afrique du Sud pensant y conserver une hégémonie britannique, la résistance boer s’organise et obtient, après la victoire, l’indépendance du Transvaal.
1881 : Le traité du Bardo : comment préserver ses intérêts, en souplesse
Le traité du Bardo ou comment affirmer sa volonté de rester une grande puissance, préserver ses intérêts en Algérie et contenir l’Italie en ménageant Allemands et Britanniques.
« Vous ne pouvez pas laisser Carthage aux mains des barbares ». Cette parole du Secrétaire d’État au Foreign Office au gouvernement français incite à l’intervention en Tunisie.
Les Français l’occupent donc et imposent un traité de paix, d’amitié et de commerce entre la République française et Son Altesse le Bey de Tunis. En fait, le traité du Bardo institutionnalise le système de protectorat ; la souplesse dans le contrôle, crée un État qui n’existait pas : la future Tunisie, et reconnaît l’autorité du bey et l’existence de la dynastie beylicale.
1882 : Les Anglais occupent Le Caire : L’Egypte aux Egyptiens !
Au cri de : « l’Egypte aux Egyptiens », des manifestants massacrent plusieurs dizaines d’Européens. Pour protéger ses résidents, la Grande Bretagne dont la flotte mouille devant Alexandrie bombarde les forts le 11 juillet.
La reine Victoria avait dit « Si l’Egypte doit être ôtée à la Turquie, elle ne saurait tomber en d’autres mains que les nôtres ».
Les Britanniques envoient des troupes, occupent Ismaïlia, écrasent Arabi. L’Egypte tombe ainsi aux mains des Britanniques, l’Europe laisse faire. La France n’a pu faire voter les crédits pour l’expédition. La France paie cher sa politique discontinue : la pusillanimité du gouvernement sert les intérêts britanniques, provoque une mésentente franco-britannique sans pourtant rapprocher les Français des Allemands.
1894 : Le massacre des arméniens : le génocide
Les Arméniens, très attachés à leur culture, à leurs traditions, à leur langue et à leur religion (Ordre Grégorien) souffrent du joug que leur impose le gouvernement autoritaire du sultan Abdul-Hamid. Son panislamisme brime les minorités et tout particulièrement les chrétiens d’Arménie. Le sultan promet d’un côté et fait massacrer les Arméniens de l’autre avec le plus grand cynisme, utilisant même les voisins de l’Arménie : les Kurdes.
Les populations sont déplacées, les femmes vendues ; la famine se répand parmi le peuple arménien. 200 000 Arméniens mourront entre 1894 et 1896. La résistance organisée en partie par le Dachnak (Fédération Révolutionnaire arménienne) permet quelques émigrations vers l’Arménie russe.
Mais le pire n’a pas encore eu lieu ; après une grande espérance en 1908, la Révolution Jeune Turque organisera impitoyablement les massacres d’Arméniens en 1915-1916. Pris dans l’engrenage, les Jeunes Turcs sont persuadés que les Arméniens sont les agents de l’impérialisme anglais pendant la première guerre mondiale. Plus d’un million disparaîtront, un véritable génocide ; on emploie pour la première fois les mots de « solution finale ».
1894 : Expédition française à Madagascar
Crédits votés à la chambre pour l’envoi d’un corps expéditionnaire.
La fièvre tue plus de soldats français que le combat. Le général Duchesne progresse lentement vers Tananarive et quand il occupe la ville, il a perdu près de la moitié de son corps expéditionnaire (6 mille hommes sur 15 mille).
Le traité confirmant le protectorat n’est pas respecté : les Hovas se soulèvent à nouveau et obligent les Français à annexer Madagascar le 6 août 1896. Le général Gallieni sera chargé de pacifier l’île.
1900 : Révolte des Boxers en Chine , un pas de plus vers la réaction
La première guerre sino-japonaise (1894-1895) vient de coûter aux Chinois la Corée, Formose, les îles Pescadores et la péninsule du Liao-toung ; la Russie achève la construction du chemin de fer qui, à travers la Mandchourie, conduit à Vladivostok ; l’Allemagne, la France, l’Angleterre poursuivent leur implantation.
Toutes ces humiliations amènent le parti réformateur au pouvoir en 1898 ; sans succès car l’impératrice Tseu-Hi favorise les sociétés secrètes, traditionalistes et xénophobes.
En particulier, la secte politico-religieuse que les occidentaux ont surnommé les « Boxers » parce qu’ils pratiquent une boxe sacrée, exploite cette xénophobie, crée des incidents et, encouragée par l’impératrice et l’armée régulière chinoise, franchit un pas supplémentaire dans la réaction -en cela soutenue par la population de Pékin- et assiège en juin 1900 le quartier des légations où les Européens se sont retranchés.
Le siège dure, il faut rationner, on vide les caves à vin, car l’eau manque ; on se partage les mules et les chiens errants pour ne pas mourir de faim. Les Chinois chrétiens réfugiés mangent l’écorce des arbres du parc. La colonne de secours se fera attendre jusqu’en août. L’impératrice s’enfuit. C’est le premier jalon posé dans la lutte anti-impérialiste menée par le peuple chinois.
1904 : Création de l’Afrique Occidentale française : l’Afrique par les fleuves et les lacs jusqu’aux côtes
Depuis le Sénégal et la vallée du Niger, jusqu’au lac Tchad, depuis le pays des rivières du sud (Guinée Française) depuis la Côte d’Ivoire et la Côte des Esclaves (Dahomey) les Français pénètrent vers l’intérieur pour relier le Haut Sénégal au Niger, gagner la boucle du Niger et contrôler les côtes. Pour unifier tous ces territoires séparés, l’Afrique Occidentale Française est créée le 16 juin 1895 par décret.
Des aménagements internes seront effectués en 1902-04.
Dakar sera la capitale de la fédération.
1905 : La Révolution Russe : une grande répétition
Et ils portaient des icônes, ils brandissaient des portraits du Tsar, les ouvriers de Saint-Pétersbourg. Ils se rendaient en cortège au Palais d’Hiver pour remettre une pétition au Tsar…
La troupe tire sur cette manifestation pacifique : le Dimanche rouge fait un millier de morts.
L’équipage du cuirassé Potemkine se mutine en rade d’Odessa. L’agitation s’accroît. Des soviets se créent dans les usines. Le Tsar fait face à la grève générale. Par le manifeste du 30 octobre 1905, il accorde les libertés fondamentales et convoque une assemblée législative élue.
Les révolutionnaires sont réprimés durement. Les bolcheviks, pour Trotski, ont fait une répétition générale. Les problèmes politiques et sociaux ne sont pas réglés. La Grande Guerre achèvera de perdre le régime.
1905 : L’organisation pour la renaissance de la Chine
Après la tentative avortée de réforme impériale (1901-08), l’initiative va passer aux révolutionnaires du sud. Dès 1894, Sun Yat-sen a fondé aux Philippines l’organisation pour la renaissance de la Chine (Xingzonghui) et tenté un soulèvement à Canton qui a échoué. Il fonde en 1905 au Japon la Ligue de l’Union révolutionnaire, confédération d’organisations révolutionnaires, d’associations républicaines et de sociétés secrètes traditionnelles. Premier pas vers l’unification du mouvement révolutionnaire qui aboutira au Kuo-Min-Tang en 1912.
A cette occasion, Sun Yat-sen précise les grands principes du mouvement :
– nationalisme : lutte contre les usurpateurs mandchous et l’impérialisme occidental ;
– démocratie : création d’une république ;
– bien-être : réformes sociales et agraires.
Il veut instaurer « un état appartenant à tous, contrôlé et gouverné par tous, au profit de tous. »
Plusieurs tentatives de soulèvement ont lieu entre 1905 et 1911 et à partir d’octobre de cette même année les provinces centrales et le sud font sécession.
La dynastie moribonde va s’effondrer (1911-12), mais c’est un chef de guerre Yuan Che-kaï qui s’empare du pouvoir soutenu par les banques et les puissances occidentales pour l’avenir de leur domination. Nul ne sait en 1914 où ira l’immense Chine.
1907 : Gandhi : résistance passive : l’épreuve de force
« Les Anglais et les Boers commenceront à nous respecter le jour où ils comprendront que nous sommes capables de leur résister » – Gandhi – Les Indiens subissent la « loi asiatique » malgré les promesses du gouvernement : obligation d’un certificat d’identité, refus de licence aux commerçants, expropriations, quartiers ghetto. Aussi Gandhi appelle-t-il les Indiens à ne pas se soumettre : ils refusent dès 1906 de se faire inscrire pour la demande de certificat, alors que le délai expire le 31 juillet 1907.
C’est l’épreuve de force : Gandhi la conçoit en pratiquant la « résistance passive »: boycott systématique, désobéissance civile, refus de coopération, jeûne. Plusieurs fois incarcéré, il est soumis au régime de droit commun et même aux travaux forcés. Il ne cédera jamais . Après 7 ans de patience et de lutte, les Indiens obtiennent l’abrogation de la loi asiatique.
1908 : La révolution Jeune Turque : échec à la révolution
L’attitude figée du sultan et la situation de l’empire turc, « homme malade de l’Europe », provoque une réaction chez les intellectuels et les jeunes officiers nationalistes et antimonarchistes ; ils fondent le mouvement Jeunes Turcs qui s’inspire du poète et sociologue Ziya Gokalp.
Le mouvement s’insurge contre l’excès de religion qui génère la décadence, la confusion des pouvoirs civil et religieux jugée néfaste. Les Jeunes Turcs veulent établir un état laïc pour une nation turque.
La révolution qu’ils mènent à partir de 1908 conduit à la déposition d’Abdul Hamid. Ils gouvernent à travers son successeur, mais les espoirs des minorités et des libéraux qui ont soutenu la révolution des Jeunes Turcs seront déçus : les massacres contre les Arméniens reprennent dès 1909, et la politique de turquification dans les territoires balkaniques est appliquée avec rigueur.
1910 : La révolution mexicaine : « E viva Zapata ! »
De France, on se fait souvent une image romantique de la révolution mexicaine. C’est en réalité un processus exceptionnellement complexe qui s’ouvre en 1910 à la fin du « Porfiriat »*.
A cette date, Francisco Madero multiplie les appels pour faire du Mexique une « véritable démocratie ». Révoltes paysannes bien différentes au nord (Pancho Villa) et au sud (Zapata), mouvements ouvriers modernes notamment dans la région de Vera Cruz, choix divers de l’armée et des classes dirigeantes face à la volonté de contrôle plus ou moins manifestée par « le grand voisin du nord », pratiques héritées du caudillisme. C’est une longue guerre civile qui commence d’où sort peu à peu le Mexique moderne.
*Porfiriat : gouvernement dictatorial de Porfirio Diaz (1876-1910)
1914 : révoltes rurales de Zapata et Pancho Villa
1919 : assassinat de Zapata
1911 : Agadir, seconde crise marocaine, regain de tension entre Européens
« Il est entendu qu’il y a des portions d’humanité dont les grands peuples modernes disposent comme d’une matière à échange »*
Crise marocaine entretenue par l’occupation de Fez par les troupes françaises en mai 1911, effervescence dans les Balkans : la tension est vive entre les Européens et tout est prétexte à affrontement. Guillaume II n’avait accepté qu’a contrecœur les clauses de la conférence d’Algesiras.
L’envoi en rade d’Agadir de la canonnière Panther sous le couvert de protéger les intérêts allemands situés dans le sud marocain que l’agitation des tribus rend vulnérable, provoque une réaction très vive de l’opinion française, que le président du conseil Joseph Caillaux s’efforce d’apaiser.
Un accord intervient le 4 novembre 1911 : l’Allemagne reconnaît le protectorat français au Maroc, et obtient en échange des avantages territoriaux au Congo. Mais les tensions subsistent et les nationalistes des deux côtés se sentent frustrés.
*Jaurès- Chambre des députés le 20 décembre 1911
1912 : Protectorat au Maroc : une fermeté qui demande beaucoup de docilité et de souplesse
« Je ne suis pas et ne pourrai jamais être le sultan qu’il vous faut. Je me suis rendu compte de ce qu’était un protectorat. Quels que soient les formes et les ménagements que vous y apportiez, je sens que je ne serai plus le sultan qu’ont été mes aïeux. »
Moulay Hafid, porté au pouvoir en 1907 pour chasser les Français du Maroc, avoue son échec en prononçant ces paroles. Ses fils ayant été écartés, il est remplacé par son frère Moulay Youssef, beaucoup plus souple et docile ; il sera un excellent instrument dans les mains fermes et habiles du général Lyautey, premier résident général.
Depuis plusieurs années, la pénétration militaire, la pacification et la présence française se sont développées systématiquement. La Convention de Fès, imposée à Moulay Hafid, institue le protectorat, très semblable à celui conclu avec la Tunisie. Le résident général gouverne en fait le Maroc.
La question de l’empire Ottoman
Les Anglais veulent maintenir l’expansion russe pour préserver la route des Indes qu’ils contrôlent depuis la fin du XVIIIe siècle, les Français souhaitent protéger leurs positions en Afrique du nord, les Autrichiens garder leur influence sur les Balkans; l’Empire est bien au centre de ces enjeux qu’on appelle la « question d’orient ».
Au début du XIXe siècle, en dehors des conflits aux frontières avec l’Autriche et la Russie, l’Empire ottoman doit faire face à des rébellions dans plusieurs provinces (Syrie, Bulgarie, Serbie) et à une crise en Egypte.
Le sultan Abdul-Medjid inaugure alors un ère de réformes avec la promulgation de « l’édit auguste » de Gül-Hanéj(1839) qui consacre l’égalité de tous les sujets de l’Empire sans distinction de religion ou de nationalité; s’y joignent des réformes de l’impôt (plus juste), du service militaire (tirage au sort pour tous) et de l’enseignement (plus populaire). Mais après une courte période d’accalmie, la crise des Lieux saints conduit à la guerre de Crimée (1854-55).
Traité de Paris (1856), paix de San Stefano avec les Russes (mars 1878), Congrès de Berlin (juin 1878) contribuent au démembrement relatif de l’Empire : la Roumanie et la Serbie deviennent des états indépendants, la Roumélie orientale est sacrée province autonome, Chypre revient aux Anglais ; la France et l’Angleterre se partagent l’Afrique du nord. L’Empire ottoman est bien l' »homme malade de l’Europe ».
Abdul-Hamid II, porté au pouvoir par les réformistes, reprend vite les rênes du pouvoir absolu et prône une politique panislamiste tourné contre les minorités et en particulier le peuple arménien (massacres de 1894-96).
Des difficultés d’ordre financier et administratif, aggravées par la pression des grandes puissances qui ne rêvent que de concessions minières ou pétrolières, affaiblissent le pouvoir central en but à une insurrection en Crète, à un différend avec la Russie sur la Bulgarie, à la question de la Macédoine et donc à la « question balkanique » dans son ensemble.
La révolution des « Jeunes Turcs » essaie alors de constituer un empire libéral pour contrer l’influence européenne. Très vite, ils sont contraints de suivre une ligne beaucoup plus autoritaire face aux urgences des guerres balkaniques (1911-12-13). Le soutien germanique, à ces occasions, entraîne les Turcs du côté allemand dans le conflit mondial de 14-18. L’armistice de Moudros (1919), l’occupation de Smyrne par les Alliés consacrent la défaite turque et le démembrement définitif de l’Empire ottoman.