Nulle part je n’ai eu une émotion aussi intense qu’au Site mémorial du camp des Milles à Aix-en-Provence.
On y ressent la mise en marche de l’engrenage de l’horreur. On y montre aussi à quel point l’art était un moyen de survivre et de résister.
Il n’y a pas qu’au camp des Milles que les artistes se sont exprimés, en témoigne cette fresque réalisée par Boris Taslitzky au camp de de Saint-Sulpice-la Pointe en 1944.
« On reste ébahi devant le courage désinvolte de ce prisonnier patriote, communiste, qui, dans un camp d’internement vichyssois, au centre d’un bourg grouillant de SS, a composé ces vastes fresques, pour l’exaltation de ses camarades. » (Jean Cassou – 1945)
Que feriez-vous dans un camp de prisonniers?
Il y a ceux qui gardent les cendres de cigarettes pour dessiner sur les murs ou arrachent des bouts de ferrailles à leur sommier pour graver sur le mur.
Il y a ceux, seuls dans leur cellule, qui jouent aux échecs en tapant sur le mur, d’une cellule à l’autre.
Il y a ceux, plus chanceux qui peuvent avoir du charbon ou de la craie pour dessiner, voire du papier et ceux qui sont plusieurs dans une cellule ce qui permet une plus grande variété d’échappatoires, dont la parole.
Les exemples que je cite sont récents, ils m’ont été rapporté par des proches qui ont vécu ces situations, mon frère, prisonnier des Palestiniens, un ami argentin, prisonnier au temps de la dictature.
Oui, il existe des personnes vivant aujourd’hui en France et qui ont été prisonniers politiques.
Oui, il existe une autocensure, presque pire que la censure ou l’oppression : la dictature du politiquement correct. Si ce courant n’était que l’émergence d’un nouveau rituel pour mieux vivre ensemble, ce serait parfait mais il semble que ce soit un abandon de citoyenneté et un blanc sein donné aux politiques ou aux puissants quels qu’ils soient.
Le monde n’est pas à l’abri d’un retour à la barbarie au nom d’idéologies ou de religions.
Chanson d’un prisonnier politique dans un pays en guerre
compassion, obsession, en prison
on devient larve ou bien voyou
voguent les épaves au fil des jours
hébétés, dénommés, en prison
on devient fou, on oublie tout
et même en somme qu’on est un homme
Je vais vous conter l’histoire
d’la larve qui s’prenait pour un homme
il fallait tout de même y croire
pour oser survivre comme.
avez-vous déjà respiré
l’air maudit d’une prison
Que tu as un joli nom
liberté, liberté
que tu as un joli nom mais c’est du chiqué
quand tu croupis en prison
liberté, liberté
t’es qu’un dénommé
t’es qu’un dénommé
comment crois-tu que l’on pense
liberté, liberté
comment crois-tu que l’on pense
en captivité?
mes compagnons de silence
liberté, liberté
diront leur secret
diront leur secret
fous, idiots ou bien tout comme
liberté, liberté
fous, idiots ou bien tout comme
on est humiliés
oublie que tu es un homme
liberté, liberté
ou tu vas crever
ou tu vas crever
Au fond de la prison
bien à l’abri du vent
à l’ombre des matons
on s’endort chaudement
j’habite ce lieu secret
à l’odeur fade et mouillée
tombeau qui me dévore
pourtant je vis encore
compagnons de silence
au bout de la patience
s’éveillent les cauchemars
sur vos visages hagards
s’il en est un ici
qui dit oui à la vie
on sait lui faire comprendre
qu’il vaut mieux qu’il se pende
quelque chose se meurt
dans ce monde contre-coeur
quelque chose qu’on dénomme
tout simplement un homme
il nous faut tout subir
les sanglots les soupirs
ne suffiront jamais
à nous donner la paix
Y a plus d’échafaud
mais le mitard
pour les tôlards
c’est pire qu’un tombeau
Ma jeunesse s’est étiolée
à l’air maudit des prisons
l’printemps d’ma vie est raté
remballez votre sermon
sert à rien d’hurler ta peine
l
es épaves ça parle pas
on t’fait ravaler ta haine
t’es plus un homme, n’oublie pas
Jours privés de liberté
vous m’avez gelé le coeur
il fait trop triste à sangloter
enfermé au fond de l’horreur
délivre mon courage qui s’use
toi qui fais tout oublier
mes réveils sont des blessures t
oi la mort, viens m’assister
Le mot de prison ne sera jamais doux
heurtant sans fin les étroites parois
il faut en faire le tour trois cent fois
pour faire 3 kilomètres à pied
c’est dans l’étroite prison
quand les ténèbres sont profondes
que l’esprit plane à l’horizon
et découvre au loin d’autres mondes
Je souffre loin de ce que j’aime
sous ces tristes verrous, le coeur gonfle à mourir
j’avais pensé me révolter.