Dans ma course poursuite du Soleil de minuit, je fais étape à Sørvågen, au sud des Lofoten, à peine 10km au nord du cul de sac sud de la route des Lofoten à Å, cette escale touristique que j’ai fuie. Une escalade du Munkebu à quelques 700 m d’altitude permet de voir le soleil de minuit au sommet. Je me suis renseignée sur l’ascension : 3h30 à 4h30 selon le rythme : via ferrata, pas vraiment de chemin mais d’énormes blocs de roches ou des chaos de pierres. En suis-je encore capable?
Je commence par chercher un endroit pour dormir puisque depuis mon arrivée dans le grand nord, je dors la journée et vit la nuit en plein jour! Difficile de trouver…puis un pêcheur m’indique un hôtel-restaurant tenu par un Français qui est venu s’installer ici il y a 7 ans fuyant je ne sais quels démons. Il est fermé à cette heure-ci, mais se trouve là par hasard et reconnaissant mon furieux accent en anglais, me dit en français qu’il va me faire une faveur : il me donne une chambre dans son annexe et je réserve pour dîner le soir avant de me lancer dans l’ascension du Munkebu vers 20 h pour être sûre d’être au sommet avant une heure du matin.
Je me réveille vers 17 heures et part me chauffer en faisant le tour du lac. Le dîner au restaurant est délicieux…enfin un restaurant. Je demande au serveur un numéro de téléphone que je puisse joindre au cas où je me torde la cheville en montant. Je mets une bouteille d’eau dans une poche de mon ciré et un stockfisch dans l’autre et me voilà partie. Pendant moins d’un kilomètre, le chemin qui longe le lac est un vrai chemin puis les choses se gâtent très vite. Il est 20h, le Soleil est encore très haut dans le ciel, je croise 3 ou 4 personnes qui redescendent, dont deux Français qui disent que je suis folle, qu’ils ont mis 6 heures pour arriver au sommet, qu’ils se sont perdus et se sont retrouvés à patauger dans des tourbières. Après cette rencontre, je ne rencontrerai plus personne, tout est désert. Il suffit de regarder la carte pour voir que sur l’île de Moskenesøya, il n’y a aucune route à l’intérieur des terres, pas même de chemin de terre et qu’il n’y a qu’un refuge, un peu avant d’arriver au sommet du Munkebu.
Après presque deux heures d’ascension, un jeune Suédois me double et me propose de m’attendre. Je lui réponds qu’il me trouvera lorsqu’il descendra si je me suis blessée. Non, dit-il, car je plante ma tente au sommet. Je lui promets de faire très attention.
Entre l’asthme dû au pollen de bouleau fou de l’été du Nord et les précautions que je prends pour être sûre de ne pas me tordre la cheville et surtout de ne pas me perdre, car seuls des cairns balisent le chemin (l’expérience des Français me rend d’autant plus attentive) : aucune autre signalétique, j’arrive au sommet à minuit et demi. Le Soleil vient d’apparaître derrière le pic ouest. C’est éblouissant. La tente du suédois est là, bien plantée au sommet…et il dort!!! Il ne sortira pas de sa tente avant que je reparte vers 2 heures du matin lorsque le Soleil, après avoir poursuivi sa course entre les deux pics, disparaît derrière le pic à l’Est!
La descente est presque aussi périlleuse que la montée, j’ai une hésitation sur le chemin et je vois les piquets de la voie ferrata plus à l’est, j’ai loupé un cairn, je remonte et reprends le bon chemin. J’enlève mes gants pour descendre la via ferrata, j’ai peur qu’ils ne me fassent glisser sur cette chaîne sommaire.
Le Soleil remonte à l’est et éclaire la montagne à l’ouest. Bref il est presque 6 heures du matin lorsque j’arrive en bas. Je dors jusqu’à 14heures…évidemment avec la lumière puisque les Norvégiens n’ont jamais de volets à leurs chambres, ni de rideaux occultant, au mieux de simples rideaux.
Je n’ai pas de courbatures, je me sens bien. Je reprends la voiture vers le nord, vers Sandøya