La lavandière de Paul Camille Guigou

Découpage des volumes par le soleil

Guigou

La lavandière de Camille Guigou – Musée d’Orsay

Sous une lumière chaude et crue de fin d’été, les courbes et les contre-courbes sculptent ce paysage typique du Sud de la France.

Ça sent la lavande. Agenouillée, elle bat le linge. Concentrée sur son labeur, elle n’est que vêtements en perspective : du plat en céramique, à l’extrémité droite du tian, en passant par le sommet du chapeau pour finir, étendus, sur un fil, de l’autre côté de la rivière. Comment la composition épingle-t-elle cet instant provençal ?
Année : 1860
Dimensions: 81/ 59 cm

Sujet

De la même génération que les impressionnistes, Guigou, élève de Loubon à Marseille, est un des principaux représentants de « l’École Provençale ». Tout aussi éloignée de l’impressionnisme que de l’académisme, celle-ci traduit les paysages, les êtres et la lumière du Midi dans un style réaliste et grâce à une peinture sur le ?

La lavandière saisie de dos en plein travail par le regard du peintre, n’est identifiable que par quelques indices : la céramique où elle entasse son linge au premier plan, la caisse ou « tian » sur laquelle elle est agenouillée et le linge qui sèche au loin à l’arrière plan.
Paul Camille Guigou est un peintre provençal, sa brève carrière, il meurt à 36 ans, laisse pourtant une œuvre du niveau de celle de Ravier ou de Monticelli. C’est un homme du midi, né dans le Vaucluse, clerc de notaire, il travaille « à côté » et beaucoup. En 66 il s’installe à Paris ; à la veille d’une reconnaissance parisienne, il meurt nous laissant une œuvre très neuve et malheureusement en suspend pour toujours.
La lavandière est une peinture de genre, de style réaliste. Guigou a peint son personnage de dos, ce qui donne au tableau une autre qualité d’expression que si elle était de face, nous n’avons devant nous qu’un personnage habillé et ne voyons que ses vêtements ; notre lavandière est totalement absorbée par son labeur, et ignorante du regard du peintre Elle est penchée sur l’ouvrage, elle n’est que vêtement, au bord de cette rivière dont on ne voit l’eau que dans un méandre plus lointain surmonté par une arche et un pilier de pont.

Composition

C’est une composition en zigzag. Une ligne part de la céramique vers l’angle droit du bac en bois ou tian, puis part vers le sommet du chapeau de la lavandière pour atteindre l’angle supérieur droit du tableau.
Mais il y a dans cette composition une trouvaille astucieuse et charmante, ce sont ces trois courbes qui s’enchaînent en rythme ; la première est celle du tian dans lequel elle est assise, la seconde est faite par la ligne d’ombre sur son dos (reprise, d’ailleurs, en contre-courbe sur la jupe grise) et la troisième par l’arche lointaine du pont.

Ces lignes courbes marquent le mouvement du travail de la lavandière qui était autrefois si habituel, et qu’on ne voit plus nulle part ; mais quelque chose de son mouvement nous parvient encore grâce à la position de cette femme et justement aussi à ces trois courbes intelligemment aménagées dans la composition.

Dans l’ombre et dans la lumière une série de lignes horizontales définissent successivement l’éloignement.

Couleur, lumière

Cette rivière typique de la Provence pourrait bien être le Var ou la Durance, c’est sans doute la fin de l’été où le début de l’automne, la lumière est encore très vive et très chaude.

L’intelligence de la construction du tableau est dans cette aménagement très attirant des zones de lumière et d’ombre : Un premier plan illuminé, mais où une ombre légère est présente, sur le chapeau, l’épaule droite, la partie droite de la jupe, et le bac de bois. Un deuxième plan le lit de la rivière asséché, avec à droite juste une zone ensoleillée horizontale ; enfin l’eau de la rivière, la pile du pont dans le soleil ainsi que la rive opposée, mais l’arche retrouve cette ombre légère ainsi que ce grand mur percé de fenêtres étroites qui ferme la composition.
Trois couleurs dominent ce tableau : l’ocre jaune éclatant dans les parties de lumière, la terre d’ombre brûlée dans les ombres où le peintre a introduit un peu de bleu et le gris légèrement bleuté. La tache terre de Sienne brûlée du plat émaillé en bas à gauche du tableau corrige le côté desséché de la scène, le rose en taches bien placées : dans le premier plan (la femme) et dans le lointain (la petite lessive pendue) met une douceur à cette lumière écrasante.

Au centre du tableau ce grand chapeau typique de cette région, Guigou lui a donné un importance presque solaire. Guigou a su rendre, par ses couleurs plutôt ternes, la poussière de la Provence.

Matière, forme

Guigou travaille en matière grumeleuse, rugueuse qui renforce l’impression d’une présence matérielle du personnage et traduit l’aridité de cette région du sud de la France. La lumière crue découpe les formes qui sont simplifiées et sculpturales. La potiche, le tian et le chapeau sont autant de correspondances formelles. La présence du personnage pourtant vu de dos est très forte.
Le poète Frédéric Mistral considérait Guigou comme « le plus grand peintre de la Provence ».
Mais la dimension essentielle c’est bien sur peut-être encore plus que la lumière elle-même, la présence de ce soleil qui leur fait voir la force des choses par leur éclat, il est vrai que par temps de mistral le soleil donne à toute chose une netteté et une puissance de matière qu’on ne voit nulle par ailleurs, c’est cette qualité de présence des êtres et des choses que Guigou cherchait .

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