Van Rysselberghe, L’homme à la barre

Van Rysselberg

L’homme à la barre de Van Rysselberghe – Musée d’Orsay

Arrêt sur image

« Je trouve un charme très vif aux foudroyantes atmosphères, aux claires élégances de Rysselberghe », Octave Mirbeau voit juste, ce peintre divise peu et recompose fort bien l’instant.

Enverguer la voile, raidir les écoutes, tenir la barre, trois séquences, deux diagonales et une horizontale, pour un espace monté en zigzag, une mer démontée en Bretagne. Le marin tient bon. Les touches rouges de son visage et de ses mains bravent le vert écumeux des vagues, le point s’étire en virgule, la houle roule, la toile tangue. Par quels moyens, la composition nous embarque-t-elle à bord de cette traversée risquée ?

1892 – 60,2 x 80,3 cm

Sujet

La solution pointilliste à la peinture, cette irruption de la science dans l’art, irruption importante puisqu’elle concernait la couleur et la ligne eut un énorme retentissement en Europe. Elle plut à certains artistes, sa prétention scientifique (nouvelle version du moderne en peinture) mais aussi cette technique qui permettait de réduire en le codifiant la part du style, notion que l’on commençait aussi à contester dans les milieux de la peinture, prit une considérable importance qui ne fit que croître par la suite.

Van Rysselberghe est Belge, flamand comme son nom l’indique, il vint en France et découvrit la Bretagne. Il est nordique et d’un pays marin, la mer il la connaît depuis l’enfance, mais il la connaît à sa manière car sa mer c’est la mer du Nord. Il accordera à cette mer bretonne une attention particulière différente des Français ; il verra, le grain sombre, les nuages que le soleil traverse difficilement, l’étalement silencieux et rêveur de l’eau, ces brumes, ces crachins, l’eau froide et brillante comme une peau de hareng ; et le travail de la mer, les pêcheurs face au grain qui se lève, l’inquiétude, le risque permanent de la mer, c’est le sujet de ce tableau.

L’homme conduit son bateau, mais comme on conduirait un camion maintenant, il travaille et ceci cette fois comporte un risque ; le mauvais temps, même si aucun naufrage n’est en vue, le marin pris dans un vent sait que ce sera une lutte et qu’il rentrera transi et vanné.

Composition

Cette composition est pensée, elle est effectivement très expressive. Trois diagonales organisent le tableau en zig-zag, une en bas celle du bord de la barque, et une autre en haut à gauche du tableau, la vergue de la voile ; elle donne le mouvement du bateau vers la gauche. Les filins qui traversent la toile en passant derrière le barreur referment l’univers du bateau, éloignent les vagues que la faiblesse du clair-obscur risquent de ramener à la surface de la toile, L’horizon de la mer donne la stabilité à la composition.

L’intérêt de cette construction est dans le point de vue qui est celui d’une personne debout à deux ou trois mètres du marin, elle donne bien sûr à celui qui regarde une sensation assez forte de participation à ce voyage.

La ligne de la vague, très blanche et la montée des suivantes plus claires que le premier plan n’étaient pas suffisantes pour que le lointain de la mer ait une réalité, Le peintre a donc placé à l’horizon un navire à grande voilure qui marque l’étendue.

Cette composition décentrée trahit l’influence des estampes japonaises.

 

Couleur, lumière

Van Rysselberghe n’a pas utilisé la technique pointilliste très rigoureusement, il est un de ces peintres qui ont adopté le pointillisme comme élément de style mais il a quand même travaillé son tableau dans le sens orthodoxe de Seurat, dans certaines parties seulement et notamment dans le ciré du marin où il a allié un rose orangé à côté du bleu, de même pour le bois du bateau il a placé des complémentaires. Le bois de la vergue est aussi travaillé en orangé et bleu, le bleu augmentant pour faire tourner la forme vers l’ombre. Par contre il a renoncé à appliquer le principe à la mer, et il est difficile en vérité de le blâmer car il serait sans doute arrivé à un tout autre type d’image très risqué en ce qui concerne la représentation du réel. L’eau est donc faite de deux verts d’un bleu et de blanc, l’écume est faite de blanc et de jaune clair. Le ciel sombre contient un peu de rose parsemé.

Van Rysselberghe cherchant l’expressivité voulait que sa toile communique une sensation forte d’humidité, de froid et de vent, ceci était incompatible avec l’idée de Seurat qui aboutit avec ce travail de point à créer une sorte de trame, fort belle au demeurant, qui  met devant l’image une sorte d’écran qui éloigne les sensations pour les remplacer par un voile générale à caractère esthétique qui fait de Un après-midi à la Grande Jatte de Seurat une œuvre distancée, étrange et mystérieuse.

 

Matière, forme

Dans cette toile, Rysselberghe n’utilise pas le point mais une touche plus étirée en virgule qui suggère le dynamisme des flots et donne une vibration particulière à la surface du tableau.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.