Motifs et cylindres en puits de confetti
« Sur le bord de la mer, un puits : quelques figures parisiennes de rayures habillées et bigarrées, assoiffées d’ambition sans doute, cherchent dans ce puits tari l’eau qui pourrait les désaltérer. Le tout de confetti », quelle remarque assassine de Paul Gauguin.
L’illusion est au fond du puits. La profondeur aussi. C’est un travail à la surface, divisée par une belle sinueuse du premier plan à l’horizon, rafraîchie d’ombres tout en volutes, menée par un chemin qui serpente la colline… Contours ondulés, formes solidifiées, qu’une juxtaposition de complémentaires, orange-bleu, vert-rouge, jaune-violet, exalte sous la lumière écrasante de Saint Tropez. Cette décoration pour un panneau dans la pénombre annonce la couleur, à vous d’en juger.
1892 – 195 cm x 131 cm
Sujet
La destination de cette grande peinture était originellement décorative, et Paul Signac s’est évertué à la faire ressembler à un élément de décoration en y introduisant volutes et drapé et en restant dans un travail de surface. Le sujet est bien réel et l’artiste le présente au Salon des Indépendants de 1892 avec la mention : « décoration pour un panneau dans la pénombre. Paul Signac s’était installé à St Tropez qui n’était à l’époque qu’une bourgade de pêcheurs, et dont l’univers l’inspira pour cette scène.
On y distingue la jetée du port et son phare, le foc d’un voilier quelques bateaux à voile amarrés au loin des montagnes des Maures et de l’Esterel ainsi que la colline de la Citadelle.
En premier plan un puits autour duquel deux femmes prennent de l’eau et une troisième s’éloigne sur un chemin en S, en haut de la côte quelques pins méditerranéens à proximité de la Citadelle.
Cependant, les esquisses peintes et dessinées qui précèdent cette toile montrent que Paul Signac a transformé la réalité.
Composition
La toile est divisée en trois parties : la mer et le lointain, la colline jaune où se trouvent les femmes et la partie d’ombre au bas du tableau.
Une grande diagonale traverse la toile séparant la mer et la colline, elle crée tout l’espace du tableau, le lointain est donné en deux étapes, la première : la jetée et le phare, la deuxième, au dessus de l’horizontale de la limite de la mer, les montagnes de l’autre côté de la baie.
Mais cet espace est un espace verticalisé puisque destiné à une fonction décorative, Paul Signac pratique ici une perspective atmosphérique qui convient bien à son intention de rester relativement dans la surface.
La scène est placé au centre, mais juste un peu décalée sur la droite, elle est inscrite dans un triangle dont la pointe haute est un peu au dessus de la barre du puits.
Couleur, lumière
Au lendemain de la mort de Seurat, disparu en 1891, Paul Signac pousse à l’extrême les théories du divisionnisme et de la technique pointilliste. Son tableau où couleurs complémentaires et les contrastes de valeurs sombres et claires.
Matière, forme
Dans Femmes au puits, Paul Signac reste très près de Seurat dans la manière de traiter les personnages, mais on voit nettement que c’est encore le travail de lumière qui lui importe, même si l’ombre en volute en bas de ce tableau est une esthétisation qui va vers le décoratif.
Les verts, presque de la même nuance et intensité que celle des cruches émaillées dont se servent les femmes, annulent en partie l’espace, faisant du paysage un véritable décor.
La matière de ce tableau est rendue uniforme par l’utilisation systématique de petits points colorés. Les formes sont raides et solidifiées dans la lumière de cet écrasant soleil méditerranéen, en particulier le drapé empesé de la jupe violette de la femme de gauche.